Les mémoires de ma Samaritaine

Les mémoires de ma Samaritaine

Ma Samaritaine, une exposition qui livre un dernier regard photographique sur le bâtiment en l’état actuel, au moment où le chantier commence enfin à prendre de l’ampleur.

Ma Samaritaine, mémoire photographique

Depuis 3 ans déjà, la Samaritaine encourage les talents photographiques émergents tout en sollicitant de « grandes signatures » pour constituer une mémoire contemporaine de ce lieu mythique. Après avoir invité cinq jeunes français et cinq jeunes étrangers à donner leur vision du bâtiment en 2013, ce sont dix étudiants et anciens élèves de l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-arts qui ont décliné une lecture photographique du lieu.

Pierre-OlivierDeschamps
Courtesy Ma Samaritaine 2015 / Pierre-Olivier Deschamps « pour les Grands Magasins de la Samaritaine – juin 2013 »
SarahMoon
Courtesy Ma Samaritaine 2015 / Sarah Moon « pour les Grands Magasins de la Samaritaine – juin 2015 »
MichaelAckerman
Courtesy Ma Samaritaine 2015 / Michael Ackerman « pour les Grands Magasins de la Samaritaine – juin 2015 »
YvesMarchandRomainMeffre
Courtesy Ma Samaritaine 2015 / Yves Marchand et Romain Meffre « pour les Grands Magasins de la Samaritaine – juin 2015 »

Pour cette troisième édition, au moment où le chantier prend enfin toute son ampleur, ce sont six grands noms de la photographie qui livrent leur interprétation des lieux, la dernière en l’état actuel. Ma Samaritaine, l’événement photo annuel rue de Rivoli, regroupe, dans un premier temps, le travail de Pierre-Olivier Deschamps qui a documenté le lieu au travers d’images questionnant la fonction de la couleur et de la composition dans l’approche de l’espace. Viennent les photographies de Sarah Moon qui plongent le visiteur dans l’immensité du lieu par le biais des détails. Georges Rousse, quant à lui, intervient in situ pour transformer radicalement la perception de l’espace. JH Engström, lui, voit en noir et blanc Paris à partir de l’édifice. Michael Ackerman retrouve des échos aux sentiments qui traversent son œuvre en découvrant avec fascination ce lieu inconnu. Enfin, Yves Marchand et Romain Meffre prennent le bâtiment à bras le corps avec leur chambre grand format.

La Samaritaine, enfin en chantier

samaritaine_photo chantier
Courtesy La Samaritaine

L’exposition est l’occasion de revenir sur un projet qui fait débat depuis 10 ans et qui a finalement obtenu son permis de construire définitif en juin 2015. Dès lors, sont prévus 36 mois de chantier à partir de septembre pour une livraison simultanée en 2018 de tous les programmes.

Chantier d’envergure, rappelons que le projet de rénovation de la Samaritaine regroupe cinq agences d’architecture : l’agence SANAA, architecte de conception, le cabinet Lagneau, architecte du patrimoine, SRA, architecte des opérations de bureaux et commerces, Edouard François, architecte pour la conception de l’hôtel, Brugel, architecte en charge de l’opération logements et crèche. Le chantier est finalement pris en charge par Vinci Construction.

La Samaritaine_photo de chantier
Courtesy La Samaritaine

Actuellement, les ouvriers procèdent à l’opération de nettoyage et de dépose des ouvrages à caractère historique de ce bâtiment art nouveau / art déco ; verrière, escaliers, fresques, ferronneries seront rénovés et réinstallés in situ.

Entre identité patrimoniale et création architecturale, le bâtiment de Jourdain reprend son cours, SANAA s’inscrivant dans le sens de l’histoire pour innover et proposer un renouvellement de l’image de la Samaritaine.

Amélie Luquain

La Hune ou le concept de Librairie – Galerie

La Hune ou le concept de Librairie – Galerie

Vincent Eschalier, architecte et Gesa Hansen, designer, s’associent pour offrir une nouvelle identité à la Hune

La librairie La Hune se refait une beauté

Vincent Eschalier et Gesa Hansen, duo de talent

Grâce à un duo de talent, l’architecte Vincent Eschalier et la designer Gesa Hansen, La Hune se refait un nouveau look. Dans le respect du côté mythique de ce lieu, ils ont imaginé une nouvelle identité empreinte de modernité.

Le réaménagement de la boutique a été confié à Vincent Eschalier dont le style architectural allie avec brio créativité et authenticité. Avant de créer son agence parisienne, il rejoint les équipes de Studios Architecture et Frank Gehry pour travailler sur le projet de la fondation Louis Vuitton, mais aussi de concevoir de nombreux projets d’envergure comme le restaurant 52, faubourg de Saint-Denis ou la galerie Emmanuel Perrotin dans le Marais.

Quant à la décoration intérieure inspirée du style scandinave, elle a été pensée par la designer germano-danoise Gesa Hansen. Primée par The Red Dot Design Award et The Good Design Award, elle s’est formée en Allemagne, Japon et dans les ateliers de Jean Nouvel. Adepte des matériaux chaleureux, elle imagine pour La Hune un univers mêlant les tonalités de bois, les formes minimalistes et les détails graphiques.

La Hune

 

Photographie

Une nouvelle époque s’ouvre pour la librairie La Hune avec la réouverture en octobre de sa librairie – galerie, qui diversifie ses activités en devenant aujourd’hui un haut lieu de la photographie. Ce nouvel espace a été aménagé pour être un lieu de rencontres entre le public et les artistes. La Hune propose de la photographie pour tous les goûts et budgets, du portfolio au beau livre signé, de la photo jusqu’à l’œuvre d’art, aidant à la découverte de la photographie sous toutes ses formes.

La Hune

 

Librairie – galerie

Agencée en trois espaces complémentaires, au rez-de-chaussée, elle accueille une galerie YellowKorner regroupant un large choix de tirages numérotés disponibles dans différents formats avec une collection de plus de 250 artistes ; et une librairie TeNeues qui propose une sélection exclusive de livres de photographies dont certains en édition limitée. Première librairie en France de la maison d’édition allemande fondée en 1931 par le Dr Heinz TeNeues et spécialisée dans l’édition de livres de photographies, design et lifestyle. La galerie du 1er étage dévoilera des expositions monographiques de tirages rares dédiées aux grands noms internationaux de la photographie.

La Hune

 

Lieu historico-emblématique

Créée en 1949, la librairie La Hune incarne un lieu historique, témoin de l’époque de l’après-guerre, entouré par le Café de Flore, les Deux Magots ou la brasserie Lipp. Galerie d’art dès sa création, La Hune est la première à créer le concept de librairie – galerie. Sous l’impulsion de son directeur Bernard Gheerbrant, et indépendamment de ses activités littéraires, elle expose des gravures, lithographies et tableaux. Dès lors, elle est l’un des premiers lieux de la capitale à exposer également des photographies. A mi-chemin entre deux mondes, ce lieu n’a de cesse de développer l’exaltation d’idées et d’influences artistiques multiples, point de ralliement des Surréalistes, Existentialistes et de la Nouvelle Vague qui fût le croisement des penseurs – Jacques Prévert ou Jean-Paul Sartre – et des artistes de renom comme Jean Dubuffet ou Max Ernst. René Magritte, Alexander Calder ou Picasso y exposèrent aussi leurs œuvres à plusieurs reprises.

 

Courtesy La Hune

Happy-culture au bureau

Enfin libérés de leurs fils à la patte (téléphonie, informatique, …) grâce à la technologie mais aussi à de nouvelles pratiques managériales, les fourmis laborieuses d’hier se sont métamorphosées en abeilles n’hésitant plus à partir butiner à l’extérieur avant de revenir faire leur miel dans l’entreprise. Désormais mué en ruche, l’espace de travail s’interdit le bourdon via d’innovants concepts mobiliers !

En matière d’évolution du cadre de travail, les industriels du meuble tertiaire ont su se montrer bien plus réactifs et créatifs que les professionnels de l’immobilier dont nombre de réalisations à peine livrées sont déjà obsolètes. Pourtant, selon Philippe Starck concevoir une chaise moulée serait plus ardu que de construire un immeuble ! Il est vrai que l’industrie a toujours veillé à consacrer du temps et de l’argent à la recherche et au développement et le secteur du mobilier de bureau ne s’y est pas soustrait.

Living Office - Locale Herman Miller
Living Office – Locale ©Herman Miller

Le bureau devient Living Office

Pour chacun de ses nouveaux produits ou systèmes, l’américain Herman Miller investit massivement en matière grise. Ainsi, en est-il pour les deux collections lancées cette année dans le cadre d’un programme intitulé Living Office. Elles résultent d’une étude menée durant 2 ans – sur les 5 continents – auprès de 14 multinationales. Au regard des 2900 situations de travail analysées, elle conclut que “le monde de l’entreprise concentre une multitude de personnalités et de cultures, mais ce patchwork d’individualités révèle un principe intangible… l’activité au bureau est la même partout ! Seul l’aménagement peut donc se différencier selon des spécificités identifiées”. L’étude constate aussi que “nombre d’entreprises sous-estiment combien leurs locaux sont inoccupés. Tous secteurs confondus, les postes de travail sont vacants 60% du temps (sans compter les nuits, ndlr), jusqu’à 77% pour les bureaux privatifs, et que les salles de réunion sont rarement utilisées à pleine capacité”.

Public Office Landscape
Public Office Landscape ©Herman Miller

La sécurité, l’autonomie, l’appartenance, la réalisation, le statut et l’objectif ont ainsi été identifiés comme les motivations caractérisant le bien-être au travail par Herman Miller. Ce dernier relève 10 activités effectuées sur le lieu de travail partout dans le monde : bavarder, dialoguer, diviser et conquérir, se rassembler, montrer et dire, briefer et débriefer, traiter et répondre, contempler et enfin créer !

Living Office, Locale - Herman Miller
Living Office Landscape, Locale – Herman Miller

Conçu par Sam Hecht et Kim Colin, le programme Locale  permet de passer – rapidement et à portée de main – d’un travail individuel à une activité de groupe. Public Office Landscape , designé par Yves Béhar, transforme chaque espace de bureau – poste individuel inclus – en lieu de collaboration en juxtaposant à volonté plans de travail, pôles partagés et circulations, une sorte de mobilier public !

Qui va piano va lontano

fauteuil pyla tech
Pyla tech

Originellement édité par l’industriel américain, l’Aluminium Chair de Charles & Ray Eames fut fabriquée durant des décennies en Italie par ICF. Longuement réfléchie, elle fut sans doute l’une des premières assises à apporter une réponse tout à la fois ergonomique et moderne à nos postures au bureau. Son succès commercial – porté dans le long terme grâce à sa convaincante déclinaison – ne pouvait qu’inciter la firme milanaise à développer autant d’intelligence dans la mise au point de chacun de ses futurs produits. Volontairement limités en nombre, ses modèles de fauteuils multiplient progressivement les versions afin de répondre subtilement à la variété d’usages au sein des entreprises. Ainsi en est-il de sa dernière chaise Pyla qui incarne l’idée de légèreté : dans le design, la recherche des matériaux et la réalisation des éléments structurels. C’est justement cette légèreté qui en fait un produit passe-partout, doté de tout le nécessaire pour le rendre fonctionnel et confortable – sans éléments superflus – idéal pour s’insérer dans l’espace bureau sans s’imposer. Cette approche a permis d’en maîtriser les coûts, tout en maintenant un standard qualitatif élevé.

groove tabvle icf
Groove Table – ICF

ICF porte le même soin prospectif à ses bureaux. Voulant réaliser un produit de très grande qualité, solide et capable de durer dans le temps, qui associe impact esthétique et équilibre des formes, le choix des matériaux a été fondamental mais a surtout engendré deux références Groove et Bevel Tables. En effet, si les pieds de la première sont en acier tréfilé de grande épaisseur et ceux de la seconde en bois massif, juste poncé, les deux modèles utilisent les mêmes plateaux de dimensions, formes et finitions diverses !

Bevel table - ICF
Bevel table – ICF

Les sièges visiteurs et de réunion répondent à des contraintes moindres mais bien réelles, à commencer par les possibilités de transport et de stockage des dernières. Il est néanmoins fréquent qu’elles ne soient pas exclusivement destinées à l’univers du bureau, nombreuses sont des transfuges (souvent améliorés) du mobilier hôtelier quand ce n’est pas résidentiel.

Attirer, stimuler et retenir les talents au bureau

A l’heure où les plus grandes et rapides réussites entrepreneuriales de la nouvelle économie ont vu le jour au fond d’une chambre d’étudiant, d’un garage, ou d’une squatt, les relations entretenues par les jeunes générations envers leur cadre physique de travail ont en grande partie changé. L’espace spécifiquement dédié à un seul et unique utilisateur est en voie de disparition. Au même titre que les start up se désintéressent des tours ou des campus pour privilégier les pépinières d’entreprises et les tiers lieux, le travail dans une entreprise tertiaire ne s’effectue plus scotché derrière un bureau. Les espaces servants ont acquis au moins autant d’importance que ceux qu’ils servent ! En fait le travail s’est nomadisé au sein et en-dehors de l’entreprise.

Anne Kyyro Quinn
Anne Kyyro Quinn – Panneaux acoustiques

Steelcase a très vite saisi qu’une part croissante du marché s’inventait au-delà du poste de travail, assise et rangements compris, intrinsèque. L’entreprise strasbourgeoise a ainsi développé de multiples produits alternatifs destinés à rendre « productifs » des lieux « informels » (circulations, cafétéria, … ) et à imaginer les interfaces nécessaires à ces changements de mentalités, mais aussi technologiques, en perpétuelle évolution.

Openest Patricia Urquiola
Openest, Patricia Urquiola – Haworth

Il est intéressant d’observer l’inventivité mise en œuvre par les designers – y compris textiles – et industriels pour satisfaire au confort acoustique, critère désormais placé en tête des attentes des employés.

Dès lors que la connectivité et l’ergonomie sont garanties, tout n’est plus qu’une question de goûts et de couleurs pour que les miels ainsi récoltés offrent une multitude de saveurs !

Lionel Blaisse

Zaha Hadid remet le couvert à la Serpentine

Zaha Hadid poursuit son chemin, plus libre au fil des années, si loin si proche de ce qu’elle était il y a 30 ans, toujours en quête de nouvelles frontières, multipliant les projets partout dans le monde, d’architecture, de design, menacée parfois par leur nombre. A Londres, en plein cœur d’Hyde Park, sa galerie Sackler tente à nouveau une sorte d’envol de la matière.

Gallery by Zaha Hadid Architects Londres 2013

Dans le Landerneau architectural tout le monde connaît la Serpentine Gallery à Londres. Côté Kensington Gardens, à quelques mètres au sud de la Serpentine -ce lac tout en longueur- elle invite chaque année un architecte de renom à concevoir un pavillon temporaire. Première à se prêter à l’exercice en 2000 : Zaha Hadid. Elle recommencera d’ailleurs en juillet 2007 avec une installation éphémère -neuf jours seulement- baptisée Lilas. A moins de 350 m au nord, c’est elle encore qui livre en 2013 The Serpentine Sackler Gallery, une petite sœur de la première, pérenne pour le coup, en fait une réhabilitation doublée d’une extension dédiée à un bar restaurant.

The Serpentine Sackler Gallery

 

Le Magazine, le bâtiment d’origine, une poudrière, remonte à 1805. A usage militaire jusqu’en 1963, il sert ensuite de stockage. Rectangulaire, il s’ouvre au sud par une colonnade donnant sur une circulation périphérique bâtie de briques, voûtes comprises, cadrant un espace central plus élevé où se trouvait la poudre. Curé, nettoyé, fluidifié, il accueille désormais des évènements culturels. Réhabilitation et mise aux normes pour tout dire assez banales, bien propres, sans plus : plafonds et cimaises blancs avec joints creux en pieds, sol de grands carreaux gris plutôt moches (recouverts d’ailleurs pas des briques lors de l’exposition inaugurale signée Adrian Villar Roja), skydomes et failles zénithales.

Serpentine Sackler Gallery

 

En total contraste, vient sur le flanc ouest du bâtiment, l’extension proprement dite, une étrangeté typiquement hadidienne. Selon les angles, c’est une raie manta en plein vol, une ondulation de dune blanche, ou bien une houle de tente de désert immaculée.

Difficile de ne pas penser au Mobile Art Chanel, un temps au pied de l’IMA à Paris, aux stations du funiculaire d’Innsbrück-Hungerburg et surtout difficile de ne pas mesurer le chemin parcouru en 30 ans par l’architecte. Pour s’en persuader, il suffit d’ailleurs de jeter un œil rétrospectif sur ses deux interventions à la  Serpentine Gallery ou sur ses dernières réalisations en particulier l’extravagant et formidable Centre Heydar Aliyev de Bakou en Azerbaïdjan.

Serpentine Sackler Gallery

 

Que son architecture soit vilipendée par les modernes, néo-modernes, les jaloux ou l’objet d’un attachement quasi viscéral n’enlève rien à la singularité de son travail, à sa liberté acquise de haute lutte, grâce à son caractère de fer et grâce aussi à sa complicité avec Patrick Shumacher aussi omniprésent que discret.

Serpentine Sackler Gallery

 

Zaha Hadid ne cesse de le répéter, rien n’aurait été à ce point possible s’il n’y avait eu la multiplication des matériaux et l’amélioration constante de leurs performances, la puissance du calcul numérique pour passer du dessin au réel, du projet à la fabrication, des mathématiques au chantier. Bien que modeste en taille, la Sackler Gallery le montre à l’envie, sans pour autant afficher une quelconque dimension technologique. Omniprésente, mais invisible, elle sert les formes et disparaît. Pour simplifier à l’extrême, le bâtiment met en œuvre une structure acier, jamais visible, du verre, courbe souvent, du FRP (Fibre-reinforced plastic) en façade et du PTFE (polytétrafluoroéthylène) en toiture, cette dernière signant d’ailleurs la première structure textile tendue permanente de l’agence.

Serpentine Sackler Gallery

 

Pour obtenir la fluidité voulue, une poutre échelle en acier, périmètrique, ondulante, ancrée en trois points au sol et deux en superstructure du vieux bâtiment s’enveloppe de panneaux de FRP peint à la bombe. Cinq piliers en acier entourés par les toiles de FRP et de PTFE, dessinent chacun une corolle ouverte, épanouie vers le ciel, inondée de lumière par un oculus quasi invisible. Autour, le plafond tendu de lais de fibre de verre enduits de silicone décuple la fluidité générale du dessin. En façade, le verre surgit du sol, à nu, ondule lui aussi et complète cette étonnante figure en mouvement, appuyé par la ligne des chaises, le profil du bar, celui fuselé façon yacht de la cuisine. Seuls les plateaux des tables présentent des profils anguleux. Sur le tout règne le blanc à de rares exceptions près.

The Serpentine Sackler Gallery

 

Mais quelles exceptions ! : quelques mobiliers pastels, et surtout, dur au pied, le carrelage gris soutenu, pénible, pour ne pas dire laid, dont la planéité bloque l’effet d’envol, contraste cruel avec la liberté morphologique de la figure qui le protège. Principe de réalité et tentation ! Difficile de faire vivre les hommes sur des plans inclinés. Au MAXXI et au Centre Heydar de Bakou, Zaha Hadid a trouvé des solutions habiles croisant dans un même élan murs, sols et plafonds, dans une même continuité, circulations obliques et horizontales, cruellement absentes ici.

Serpentine Sackler Gallery plan

Serpentine Sackler Gallery plan

Jean-François Pousse

Tous visuels ourtesy Zaha Hadid Architects. ©Luke Hayes

 

 

 

A site insolite, Wonk répond architecture atypique

A site insolite, Wonk répond architecture atypique

Wonk Architectes conçoit le nouvel équipement multiculturel de la ville de Meurchin (62) sur un site des plus insolites.

Entre contexte traditionnel et contrainte atypique

Meurchin, place Jean Jaurès ; un lieu central de la commune où sont regroupés l’hôtel de ville, les écoles communales, la salle des fêtes, la poste et en arrière-plan, l’église Saint-Pierre. C’est ici que la ville a décidé d’y implanter son nouveau pôle multiculturel livré en 2015, symbole de la modernisation des équipements culturels des lieux.

WONK - MEURCHIN - Plan masse 1-500

Pour ce faire, Wonk Architectes, une jeune agence dynamique fondée en 2010 par Damien Guiot, Julien Ramet et Thibaud Foucray, se confronte à une contrainte de taille : s’insérer sur un site qui n’en est pas vraiment un. Le bâtiment occupe la place d’un terre-plein végétalisé tout en longueur et avoisine le cimetière et les toilettes publiques. Le projet s’inscrit donc dans un contexte à la fois traditionnel, celui d’une place dans un centre ville, mais également insolite, par la configuration du terrain, ses dimensions et son rapport particulier à l’église.

WONK - MEURCHIN - Plan RDC 1-200

WONK - MEURCHIN - Plan Etage 1-200

 

De brique et de verre

En réponse à cet environnement, Wonk projette une architecture constituée de trois volumes simples et distincts, identifiés par l’opacité de la brique rouge et la transparence du verre. Le volume vitré en rez-de-chaussée accueille la médiathèque, offrant un espace de lecture calme et lumineux. Il est la vitrine de ce nouvel équipement.

wonk vue arrière

wonk mediatheque

Le second volume, opaque, se désaxe par rapport au premier pour marquer l’entrée de l’établissement et ouvrir une perspective. Il reçoit la salle multifonction à l’extrémité sud du bâtiment. A l’étage, un troisième volume vient jouer avec le transept de l’église et accueille les espaces de l’école de musique.

wonk vue intérieure

wonk salle de danse

Trois entités donc, qui se distinguent nettement les unes des autres et qui, dans le même temps, mutualisent leurs fonctions.

 

Surface, 780 m² SDP. Livraison, 2015. Maître d’ouvrage, Ville de Meurchin. Maitre d’œuvre, Wonk Architecte. Montant des travaux, 1.6 M euros HT.

Courtesy Wonk Architectes / Guillaume GUERIN

Collège Froelicher, l’envers du « green washing »

Suite aux vacances de la Toussaint, les collégiens de la commune rurale de Sissonne (Reims) ont pris place dans un nouveau cadre d’apprentissage épanouissant. Le collège Froelicher, conçu par l’agence Daudré-Vignier et associés, remplace l’ancien équipement datant des années 70 devenu obsolète.

 

Formalisme organique ou écriture efficiente ?

 

Pour Antoine Daudré-Vignier et Jérôme Pétré, pas de « geste architectural » ni de « green washing » mais a contrario une économie d’effet et une simplicité d’écriture pour un projet fort. Si au premier coup d’œil les courbes de l’équipement peuvent sembler dotées d’un certain formalisme organique, la lecture du projet permet d’en comprendre les tenants et aboutissants.

 

L’enjeu est double : affirmer un bâtiment public d’enseignement tout en se fondant dans le paysage.

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Suivre la courbe

Parlons-en de ce paysage ; un terrain vierge de 1,3 ha en limite de commune, face aux terrains agricoles et au-delà au camp militaire. S’appuyant sur la géométrie de la parcelle et la planéité du site, les architectes couvrent le bâtiment d’un manteau végétal, le fondant dans le paysage environnant. Ce ruban de verdure, ondulant en toiture, s’enveloppe, s’enroule, protège, cadre l’espace en le délimitant. En parcourant l’extérieur du bâtiment, la vision de ce dernier change constamment ; l’œil suit la courbe.

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Chacun sa fonction

Face à l’ondulation apparente, un plan rigoureux en équerre se déploie sur deux niveaux. Après avoir traversé l’auvent principal, l’usager pénètre dans un large hall d’entrée en double hauteur, extrêmement lumineux, donnant sur la cour intérieure. La façade principale, largement ouverte sur la rue des Vieux Moulins, forme un front bâti vitré qui abrite l’administration et les salles dédiées aux enseignants, leur offrant un moment de détente en s’extériorisant vers la ville. Les salles de classes, elles, se déroulent en un long corridor le long de l’autre aile, orientée sud-ouest. Ce couloir est rythmé par deux cages d’escalier, dont le vitrage double hauteur cadre sur les arbres environnants. Tel un satellite indépendant, la salle de restauration prend place à l’autre bout de la cour, en réponse à un espace vert ovoïde surélevé, proposant des assises extérieures.

 

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Surveillance passive

Fait particulièrement intéressant de ce plan, la position du bureau des surveillants. A l’image du panoptique de Bentham théorisé par Foucault, le surveillant est placé au centre du bâtiment (en l’occurrence dans l’angle interne du plan en équerre) afin de surveiller en tout point l’élève. Telle une tour de contrôle, ce bureau assure une surveillance passive, en plus de sa position stratégique permettant d’accéder rapidement et facilement aux deux niveaux des salles de classes, au vu de la simplicité des parcours.

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L’art de la technique

Techniquement parlant, la toiture végétale est portée par une charpente bois en lamellé-collé, reposant sur une structure béton, choisie pour ses capacités de stabilité au feu et de contreventement. Les façades légères a ossature bois sont combinées au bardage 3 plis en mélèze, aux membrures verticales en douglas faisant office de brise soleil et aux panneaux 3 plis en hêtre pour la sous-face. La majorité des pièces étant en double courbure, elles ont nécessité une maquette numérique 3D. Pour ne pas casser la lisibilité de la toiture, les exutoires sont placés en façade, et les organes techniques dans les combles, aux extrémités du bâtiment. Les descentes d’eau de pluie sont intégrées dans les poteaux, les plafonds sont rayonnants, l’éclairage est automatisé… bref un véritable confort thermique, acoustique et d’usage, et bien entendu, un projet labélisé HQE et Effinergy +.

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Le collège Froelicher conjugue courbe et orthogonalité avec dextérité et efficacité.

SISSONNE-PLAN RDC 

SISSONNE-PLAN R1SISSONNE-COUPE SUR ENSEIGNEMENT

Surface, 5 833 m² SHON. Livraison, octobre 2015. Maître d’ouvrage, Conseil général de l’Aisne. Maitre d’œuvre, Daudré-Vignier & associés. Entreprise général, Demathieu Bard Construction. Montant des travaux, 9,4 M euros HT.

 

Amélie Luquain

 

Courtesy Daudré-Vignier & associés / Charly Broyez

La méthode Piano

La méthode Piano

La méthode Piano, exposition-atelier présentée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, révèle les processus de conception de Renzo Piano au travers de 15 projets récents.

« Une méthode sans discours »*

0 - Early Works
Structure constituée d’éléments pyramidaux en polyester renforcée, 1964-1965 – Studio Piano © Fondazione Renzo Piano

Expérimentation

2 - Musée des sciences à San Francisco
Académie des Sciences de Californie, San Francisco, Californie, États-unis, 2000 – 2008 © RPBW
5 - Fondation Pathé à Paris
Fondation Jérôme Seydoux -Pathé, Paris, France, 2006-2014, RPBW © RPBW / Michel Denance

Renzo Piano, aux antipodes de l’architecte artiste, privilégie le savoir-faire au conceptuel, le processus au geste. Issu d’une famille de bâtisseur, il porte un intérêt certain à la technique, avec pour premières expériences de construction des structures légères dans les années 1960. Appliquant les leçons de Jean Prouvé et influencé par Louis Kahn, le maître mot de l’architecte est l’expérimentation. Ayant commencé par la technique, il expérimente l’espace et la ville, avec pour fil conducteur la lévitation plutôt que la pesanteur.

Collaboration

6 - Whitney museum à New York
Musée Whitney d’art américain, Gansevoort, New-York, États-Unis, 2007-2015, RPBW © RPBW / Karin Jobst
7 - Citadelle d'Amiens
Campus universitaire, Citadelle d’Amiens, Amiens, France, 2010-en cours, RPBW © RPBW

Renzo Piano formule des hypothèses qu’il inscrit dans un dialogue critique. Pour l’architecte, le singulier se conçoit au pluriel. Commençant par des premiers échanges avec son frère ingénieur Ermanno, sa pratique a réellement débuté lors de sa collaboration avec Richard Rogers, qui a donnée naissance au très controversé et néanmoins emblématique Centre Pompidou en 1971. Puis il s’associe avec Peter Rice « poète des structures » avant de fonder en 1981 Renzo Piano Building Workshop, dont le nom indique clairement l’inscription de la pratique architecturale dans un processus collectif.

Immersion

8 - Astrup Fearnley Museum of Modern Art d'Oslo
Musée d’art contemporain Astrup Fearnley, Oslo, Norvège, 2006- 2012, RPBW © RPBW / Nic Lehoux
9 - Campus de Columbia à New York
Université Columbia, New- York, États-Unis, 2007-en cours, RPBW © RPBW

Mettant à l’honneur 50 ans de pratique, l’exposition-atelier est construite autour de 15 tables de même échelle, exposant 15 projets récents tous très différents. De plus, la table préhistoire expose la genèse de la méthode Piano. Cette scénographie propose au visiteur de rentrer dans l’agence d’architecture, de s’asseoir autour de la table et d’explorer. Dessins, photos et maquettes donnent à voir le processus de conception, depuis l’esquisse à la réalisation.

11 - Quartier Le Albere à Trento
Quartier et musée Le Albere, façade des résidences, Trente, Italie, 2002-en cours, RPBW © RPBW
13 - The Shard London Bridge Tower
Croquis de Renzo Piano, The Shard, Londres, Royaume-Uni, 2000-2012, RPBW © RPBW

Les lieux parlent, nous dit Renzo Piano, et l’architecture est un art de l’écoute. Ecouter les lieux, et écouter les gens. L’exposition n’a pas l’ambition de donner la bonne formule de production, mais expose celle de celui qui à 9h est architecte, à 10h ingénieur, à 11h artiste…

14 - Parlement de Malte à La Vallette
Parlement de Malte, détail, La Vallette, Malte, 2009-2015, RPBW © RPBW / Michel Denance

* Francis Rambert, co-commissaire et directeur de l’Institut Français d’Architecture

Amélie Luquain

 

Exposition du 11 novembre 2015 au 29 février 2016

Courtesy Cité de l’Architecture et du Patrimoine et RPBW

Maison filtre : toujours plus pour a+ Samuel Delmas

Dans le cadre du prix Big Mat 2015, qui sera remis le 20 novembre à Berlin, l’agence d’architecture a+ Samuel Delmas présente son projet de pôle tertiaire et médical situé a Nozay. L’occasion de regarder quelques années en arrière pour redécouvrir une de ses réalisations emblématique, démonstrative de son approche : un pavillon en banlieue parisienne, primé « mention spéciale » au salon de la maison bois à Angers en 2010 et reconnu comme l’un des 100 bâtiments de cette année-la.

A+ Samuel Delmas cherche toujours à faire plus : l’agence souhaite offrir plus que des m² et aller au delà du programme pour proposer des surfaces agréables, et pas seulement utiles.

Intégration paysagère

A l’automne 2010, a+ Samuel Delmas livre la maison filtre à Sèvres (92). Au cœur d’une zone résidentielle, la maison individuelle s’aligne avec ses deux bâtiments voisins. Située en partie basse d’un terrain pentu, elle profite de la déclivité du terrain pour se glisser dans le sol et profiter de l’inertie thermique de la terre. Pour mieux s’immiscer dans le paysage, elle est encadrée de deux jardins, l’un coté rue conçu comme un potager sous les arbres et l’autre face au cœur d’îlot en partie haute.

a+ samuel delmas maison filtre

a+ samuel delmas maison filtre

Reconversion et élévation 100% bois

Volumétriquement, le premier étage et les petits édicules en toiture s’appuient sur un volume constitué à partir des murs de soutènement de l’ancienne remise. Ce dernier abrite le garage, l’atelier/studio de musique et autres dépendances derrière une façade à l’aspect verre dépoli. L’étage est constitué d’une ossature bois structurellement indépendante du niveau inférieur, accueillant le cœur de la maison, tandis que les trois volumes en mezzanine constituent des refuges individuels pour chaque membre de la famille. Ces espaces sont revêtus d’un filtre de bois ajouré, constitué de fines lames de mélèze naturel non traité, passant devant l’ensemble des menuiseries.

a+ samuel delmas maison filtre 2

a+ samuel delmas maison filtre

 

Stratification, emboitement, continuité

La maison étant fermée coté rue, en partie encastrée dans le sol et flanquée de bâtiments mitoyens, elle développe un linaire de façade limitée. De fait, toutes les pièces sont traversantes et s’ouvrent au sud sur le haut du terrain, tandis que l’imbrication des volumes émergents, à demi encastrés, permet de développer des ouvertures zénithales. A l’intérieur, les jeux de transparence diffusent une sensation de continuité de l’espace malgré la fragmentation des volumes. La circulation est fluide entre les pièces et de l’intérieur vers l’extérieur. Les limites sont brouillées. La salle à manger traversante devient un passage entre deux terrasses.

a+ samuel delmas maison filtre 3
 

Un projet qui développe une harmonie et une cohérence globale tout en assurant une grande intimité et en s’ouvrant vers l’extérieur, grâce à un filtre tout en mélèze.
Ecologiquement intéressant ? Assurément. Pavillon du futur ? Espérons-le.
 

a+ samuel delmas coupes simplifiées


 

a + samuel delmas coupes simplifées 2

Surface, 120 m² hab + 60 m² surface annexe. Livraison, 2010. Maitre d’œuvre, a+ Samuel Delmas. Montant des travaux, 320 000 euros HT.

Amélie Luquain

Photographies ©Frédéric Gémonet

Chandigarh, le devenir indien d’une ville moderne

Chandigarh, le devenir indien d’une ville moderne

L’exposition Chandigarh, 50 ans après Le Corbusier, présentée à la Cité de l’Architecture et du Patrimoine, interroge le devenir d’une ville moderne en pleine croissance.

Le devenir indien d’une ville moderne

Chandigarh College of Architecture
Chandigarh College of Architecture

L’exposition Chandigarh, s’inscrivant dans le contexte du cinquantenaire de la mort de Le Corbusier, fait suite à une véritable émotion lors de la découverte de cette ville par les commissaires d’exposition. Enrico Chapel, Thierry Mandoul, Remi Papillault, associés au vidéaste Christian Barani et musicien Bertrand Gauguet, viennent rendre compte de leur dérive dans celle que l’on nomme la « Suisse de l’Inde ».

Densification

Fête religieuse
Fête religieuse

Capitale du Pendjab, la construction de Chandigarh décidée par le premier ministre Nehru, fait suite à l’indépendance de l’Inde en 1947. Bien loin de la tabula rasa, cet unique projet urbain de grande ampleur du Corbusier est conçu à partir de 1951, en collaboration avec notamment Pierre Jeanneret qui resta sur place une quinzaine d’année. Prévue à l’origine pour 150 000 habitants, cette ville modèle, symbole et figure optimiste de la démocratie indienne, accueille aujourd’hui 1 200 000 habitants. Après avoir revêtue un costume trop grand, elle atteint son apogée en 2015, sa faible densité originelle permettant un véritable potentiel de densification.

Projection

Palais de Justice, Le Capitole
Palais de Justice, Le Capitole

A travers sa redécouverte est interrogé le devenir de Chandigarh, entre modernité et culture indienne. Penchant entre une double réalité, historique et contemporaine, l’exposition met en regard des documents d’archives de la Fondation Le Corbusier – dont pour la première fois réunis une quinzaine de ses carnets – des maquettes et documents d’interprétation, des films documentaires tournés entre 2014 et 2015. A noter, des copies du mobilier de Pierre Jeanneret permettent aux spectateurs d’être confortablement installé pour visionner les vidéos. Transversalement, la ville est regardée au travers de 7 thématiques + 1 : vie domestique, nature, être mobile, secteur, informel, polis, héritage et le capitole.

Immersion

Secteur 17
Secteur 17

Pour parcourir cette exposition, deux possibilités. La première consiste à la découvrir de la même manière que Christian Barani pour la réalisation de ses films, par la dérive. Théorisée pour la première fois par le situationniste Guy Debord en 1956, la dérive urbaine, vue par le prisme de la psychogéographie, est une démarche qui consiste à flâner dans un lieu en se laissant guider par ses effets, permettant à l’individu de comprendre l’organisation d’un espace par sa propre expérience. La deuxième manière de visiter l’exposition consiste à prendre une carte et à planifier son trajet au préalable. Deux manières d’appréhender l’exposition comme on pourrait appréhender la ville. Une installation donc immersive, qui plonge le visiteur dans la vie urbaine de Chandigarh.

Joueuse de sitar
Joueuse de sitar
Joueur de cricket devant la main ouverte
Joueur de cricket devant la main ouverte
Vendeur de baies rouges
Vendeur de baies rouges

Amélie Luquain

Exposition du 11 novembre 2015 au 29 février 2016

Courtesy Cité de l’Architecture et du Patrimoine / Christian Barani / FLC Adagp, Paris, 2015

Habitat Seniors : co-innovation dans l’usage

Habitat Seniors : co-innovation dans l’usage

Co-woking, co-conception, co-ordination, co-innovation, co-llaboration font partie d’un nouveau vocable qui dénote des tendances actuelles, tendances qui n’ont que rarement portées leurs fruits. A l’initiative du promoteur des résidences Les Senioriales, la notion de collectif prend un nouvel envol : Habitat Seniors est un logement évolutif conçu par et pour les seniors où promoteurs, industriels et usagers travaillent main dans la main et où l’architecte ne prend part au projet qu’a posteriori.

Habitat Seniors, le premier logement évolutif conçu par et pour les séniors

Habitat Seniors, le logement s’adapte

Partant de l’hypothèse que ce n’est plus aux séniors de s’adapter aux logements, mais aux logements de s’adapter à leurs modes de vie, Les Senioriales ambitionnent de repenser l’habitat des seniors, offrant un intermédiaire entre le logement standard et les EHPAD. Puisque chaque usager à un quotidien qui lui est propre et qui évolue dans le temps de manière différente selon la contrainte physique, il s’agit de créer un espace universel à la fois polyvalent, modulable et accessible, qui réponde à la diversité des besoins. Pour ce faire, un consortium a réuni en 2013 un promoteur, un architecte et 11 entreprises françaises du secteur de l’habitat, animé par l’Institut Technologique FCBA, lui-même associé au laboratoire Paragraphe de l’Université Paris 8 soutenant une thèse en ergonomie sur la co-innovation pour et dans l’usage.

habitat seniors

Le Senior, expert de son cadre de vie

Habitat Seniors, c’est avant tout une démarche innovante itérative qui porte sur les regards croisés des différents collaborateurs et où l’usager est intégré au process dès la phase de conception, a contrario du schéma linéaire bien connu (promoteur, architecte, industriels gros œuvre et second œuvre, industriels équipement, usagers).

cuisine habitat seniors AMR concept
Mobilier de cuisine et électroménager, AMR Concept, Blum, Bosch. Plan de travail motorisé pour régler la hauteur, meubles hauts escamotables, table de cuisson avec témoin de chaleur, portes, relevants et coulissants amortis, four multifonction avec porte escamotable et coulissante sous l’enceinte du four, barre d’appui.

Dans un premier temps, socle de la démarche, une enquête a été menée auprès d’une trentaine de seniors et d’aide soignants afin de cerner les aléas de leur vie quotidienne. Plusieurs stratégies ont été mises en évidences : l’optimisation des espaces de rangement, le rassemblement des fonctions, l’accessibilité simplifiée…. Dans un second temps, promoteur, architecte et industriels ont simulé les contraintes pour mieux les comprendre et les résoudre, dans une démarche de co-conception. Enfin, les différents concepts et prototypes ont été testés par les séniors.

Dans ce processus de co-innovation, l’utilisateur est considéré comme le meilleur expert de son cadre de vie, permettant aux concepteurs de se baser sur les usages réels du logement pour mieux concevoir.

habitat seniors placards
Placards – cloison amovibles avec porte coulissante, Optimum, Righini, Blum. Meuble – cloison mobile, dressing et casiers « va et vient » communiquant. Porte coulissante et motorisée, fonctionnement en « push and go » avec paramètres réglables, option de sécurité, détection de présence

L’architecte a posteriori

Dans ce processus de co-innovation, l’architecte ne se pose plus en maître mais en « incitateur », selon les mots de Marc Raymond, agence AMS, architecte du projet et enseignant à l’ENSA-Toulouse. L’architecte aide à concevoir et à réinventer des façons d’habiter face aux mutations sociales actuelles. Les seniors représentent actuellement 18% de la population, mais près de 30% à horizon 2030. L’architecte a un travail de synthèse, coordonnant et orientant, mettant en place des outils et des conditions pour permettre la recherche et le développement de solutions innovantes d’aménagement d’espaces à vivre. L’architecte vient à posteriori ; l’agence AMS a rejoint le groupe qu’en janvier 2014. A noter, ce fut aussi l’occasion pour Marc Raymond de sensibiliser ses étudiants sur les questions d’usage, de fonctionnalité, de matériaux, de légèreté, de stabilité… lors de workshop.

Habitat Seniors, version 2.0

A ce jour, le résultat de la démarche est un logement prototype où les différents questionnements s’imbriquent pour proposer une solution cohérente. Finalement, les concepteurs, qu’ils soient usagers ou industriels, ont dû faire preuve d’ingéniosité pour améliorer le bien-être et apporter des commodités d’usages et d’entretien, tout en bannissant les stigmatisations grâce aux équipements de style neutre mais riche d’esthétisme.

application domotique habitat senior
Domotique, Somfy. Interfaces web et applications mobiles TaHoma, intuitives et évolutives, pour piloter son habitat et programmer ses scenarii. Système de contrôle en local, volets roulants équipés de moteurs io-homecontrol, contrôleurs d’éclairages et de chauffage, détecteurs pour renforcer la sécurité domotique (coupure eau, gaz, électricité), suivi des consommations. Formation et accompagnement par un domoticien.

Si cette histoire a débutée il y a de cela trois ans, elle n’en est aujourd’hui qu’à ses débuts. D’ici avril, les usagers pourront tester durant une quinzaine de jours l’habitat et le faire évoluer encore, dans le but de créer une deuxième version pour ce logement. Par ailleurs, ce travail de collaboration a tissé des liens entre les entreprises qui envisagent demain de travailler ensemble pour co-développer de nouvelles solutions. Aujourd’hui, l’exclusivité des solutions revient aux Senioriales pour une durée d’un an et demi, au-delà de laquelle pourra être envisagée une commercialisation des produits. Et ne vous y trompez pas, si ces innovations engendrent un surcoût, elles restent plus économiques qu’une restructuration après coup, et s’adaptent de par leur efficacité à des logements plus petits donc moins couteux au m².

C’est donc un pari réussi pour Habitat Seniors, dont la modularité et l’adaptabilité des équipements exposent leur potentiel afin d’attirer un public bien plus vaste, bien plus jeune.

 

Animateur – coordinateur, Institut Technologique FCBA associé au laboratoire Paragraphe Université Paris 8. Promoteur, Les Seniorales. Architecte, AMS. Salle de bains, Chêne Vert. Aménagement et placards, Optimum. Domotique, Somfy. Portes, Rhigini. Ferrures, Blum. Luminaires, SFL. Thermique, Atlantic. Sol souple, Gerflor. Electroménager, Bosch. Aménagement PMR, AMR concept. Mobilier, Evidences.

Amélie Luquain