Décrié à ses débuts, Claude Parent, architecte, dessinateur et théoricien, avec Paul Virilio, de la fonction oblique, est décédé samedi 27 février, à l’âge de 93 ans. Personnage atypique, insoumis, dandy, collectionneur de voitures, pourfendeur de Le Corbusier, qui était son maître, il a construit des centrales nucléaires, une église « bunker » au sol incliné, des centres commerciaux, des bureaux et publié de nombreux ouvrages.
Collectionneur de voitures de sport et de Jeep, amateur de vitesse, Claude Parent se rendait sur ses chantiers en Rolls Royce, un engin moins rapide qu’il avait acquis après un infarctus… « Ma philosophie de vie, c’était la prise de risque. Si vous ne prenez pas de risques, vous ne faites pas votre boulot », s’exclamait-il, en 2012, au micro de Philippe Trétiack, sur France Culture, dans une série d’entretiens intitulés « Claude Parent : Je penche, donc je suis ».
Sans diplôme, mais après douze ans d’études à l’école des Beaux-Arts de Toulouse et des stages dans les ateliers de Jean Trouvelot et de Le Corbusier (qui n’avait pas non plus de diplôme d’architecte), il s’établit en 1955 à Neuilly-sur-Seine, sa ville natale. Comme il n’a pas droit au titre d’architecte, il mentionne « conception architecturale » sur ses réalisations. Rapidement médiatisé, il est dénoncé à de nombreuses reprises à l’Ordre des architectes, qui décide de l’inscrire à son tableau. En règle, il sera même élu membre du Conseil de l’ordre.

En 1962, Claude Parent conçoit la Maison de l’Iran de la Cité Universitaire de Paris, avec André Bloc (pour lequel il réalise une maison, à Antibes, en 1959) et les architectes iraniens Foroughi et Ghiai.
Avec le verrier et philosophe Paul Virilio, il crée le concept de la fonction oblique, entre 1964 et 1968 : la fin de la verticale comme axe d’élévation et la fin de l’horizontale comme plan permanent, au bénéfice de l’axe oblique et du plan incliné. Ce qui donne « des espaces enchaînés par des rampes qui obligent le corps à être dans une dynamique plus forte », pour l’architecte Jean Nouvel, qui était l’un de leurs élèves à l’École Spéciale d’Architecture, à Paris. Jean Nouvel a d’ailleurs dédié la Philharmonie à Claude Parent.
L’église Sainte-Bernadette de Nevers (1963-1966), le complexe culturel de Charleville (1965), les centres commerciaux de Reims-Tinqueux (1969) et de Sens (1970, inscrit à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques en juin 2011) sont emblématiques de l’architecture oblique.
Claude Parent réalise également le Théâtre Silvia Monfort à Paris, l’Hôtel de région à Marseille, des immeubles de bureaux à Lyon, des collèges et lycées à Prague, ainsi que les centrales nucléaires de Cattenom et de Chooz.
Grand Prix national d’Architecture en 1979, il est élu en 2005 membre de l’Académie des Beaux-Arts, dans la section d’Architecture, où il succède à Jean Balladur.
La ministre de la Culture, Audrey Azoulay, a rendu hommage à « un grand architecte, un novateur, un esprit en mouvement […] un homme libre et audacieux », qui « a provoqué le débat, la controverse parfois, l’intérêt toujours. Remarquable pédagogue, homme de passion rayonnant, il a formé et inspiré quelques-uns des plus grands architectes d’aujourd’hui ».
Expositions :
– « obliqueS – Autour de Claude Parent », à l’Ecole des Beaux-Arts Tours Anger Le Mans, jusqu’au 4 mars.
– « Jean Nouvel / Claude Parent, musées à venir », à la galerie Azzedine Alaïa, à Paris. Prolongation jusqu’au 2 mars. L’exposition est accompagnée d’un ouvrage, co-édité par Actes Sud et l’Association Azzedine Alaïa.

Sélection de livres :
– Vivre à l’oblique, de Claude Parent, éditions Jean-Michel Place, 80 pages, 10 euros.
– Eglise Sainte-Bernadette à Nevers : 1963-1966, de Claude Parent, Paul Virilio et Christophe Joly, éditions Jean-Michel Place, 62 pages.
– Portraits d’architectes : Impressionnistes et véridiques, de Claude Parent, éditions Norma, 173 pages, 26 euros.
– Demain, la Terre…, de Claude Parent, éditions Manuella, 96 pages, 49 euros.
– Le Carnet de la fracture, fac-similé d’un carnet de croquis réalisé par Claude Parent en mai 1994, éditions Manuella, 40 pages, 20 euros
– Colères et passions, de Claude Parent, éditions du Moniteur, 240 pages, 25 euros.
– Le mémorial, projet d’architecture, de Claude Parent et Yves Klein, éditions Dilecta, 123 pages, 25 euros.
– Conversation avec Claude Parent, de Hans Ulrich Obrist, éditions Manuella, 128 pages, 12 euros
– Bunker archéologie, de Paul Virilio, éditions Galilée, 136 pages, 26 euros.
A écouter sur France Culture : sept entretiens de Claude Parent avec les journalistes Philippe Trétiack, François Chaslin et Laure Adler.
Astrid Avédissian