Manchots papous et royaux, Arche de Noé et bombe atomique : tous au parc à thème – Bunker souterrain de luxe, cabane Ikea ou maison rotative : quel refuge choisir ? – Un cube pour parquer l’humanité – Un néoclassique et des citoyens lambda récompensés pour leurs contributions à l’architecture. La revue de presse du 31 janvier 2017
Laisse les manchots à Serris
La vague de froid vient de s’achever, dévaler les pentes enneigées d’EuropaCity s’avère impossible pour cause d’abandon du projet, et la patinoire au sommet de la tour Montparnasse n’est pas encore ouverte. Nostalgique d’hivers et de frimas, ne désespère pas : « nous avions déjà des bassins pour les requins d’eau froide et des espaces dédiés aux espèces d’Amazonie comme les piranhas, nous voulons offrir à nos visiteurs la possibilité de découvrir le monde polaire » explique Laurent Agneesens, le président du parc aquatique « Sea Life » au centre commercial Val D’Europe, qui s’apprête à accueillir sur 400 m2 une vingtaine de manchots royaux et papous. « Une fois les travaux achevés, cette manchotière reproduira au plus près les conditions de vie naturelle et permettra notamment aux enfants de voir les manchots nager sous l’eau comme en Antarctique », explique Laurent Agneesens. Un parcours sensoriel permettant de découvrir l’environnement et le quotidien des manchots sur la banquise ainsi qu’un espace dédié à la protection de l’environnement sortiront également de terre ». Le maire de Serris rassure « il convient de rappeler que tous ces manchots sont nés en captivité et n’ont pas été prélevés dans la nature. Leur présence va permettre la reproduction de l’espèce pour le plus grand bonheur des groupes scolaires de Serris ». Entre le Parc d’attraction et l’Eros Center Zoophile, la frontière semble ténue.
Via Le Parisien
La grande Arche
Elle s’inspire, elle aussi, d’un bâtiment – au sens naval du terme – construit pour préserver la biodiversité. Mais elle recevra surtout des touristes pieux, la réplique de l’Arche de Noé construite dans le Kentucky pour le compte de l’organisation chrétienne Answers in Genesis à partir de rares informations glanées dans la Bible – sur ce point, la genèse se montre avare en indications. Pas question d’y embarquer lors du prochain déluge « d’un point de vue technique, l’arche est plus un édifice qu’un navire. Bien qu’elle soit surélevée sur des piliers de béton, elle ne supporterait pas mieux les inondations qu’un musée plus traditionnel ». Par contre, elle supporte le vent au-delà des exigences du Saint-Livre de chantier, le code de la construction, imposant de répondre à une contrainte de vent de 160 km/h. « Nous voulions être sûr que si plusieurs milliers de visiteurs se trouvaient dans l’Arche au moment d’une grande tempête, ils y seraient en sécurité » confesse LeRoy Troyer, président du groupe éponyme, société spécialisée dans la construction bois qui a réalisé l’ouvrage. Quand les vents dépassent 200 km/h, les visiteurs sont-ils encouragés à prier pour le maintien de la structure ?




La grande Arche, deuxième
Mais l’ouvrage de l’Arche qui a demandé le plus de recherche, a confié LeRoy Troyer à l’Architect Journal, a été le revêtement extérieur bois. A la recherche d’un matériau pouvant durer plus de 150 ans, il a sélectionné un bois traité produit par une société londonienne. Coupé en Nouvelle-Zélande, le bois a d’abord été envoyé aux Pays-Bas pour un traitement à base de vinaigre altérant sa structure et la rendant extrêmement durable – un process sans doute proche de celui employé par Noé à l’époque, voyage transpacifique et transatlantique compris. Les planches de bois griseront avec le temps : un peu comme sur l’Arche de la Défense à Paris, qui vient de voir les plaques de marbre blanc de son pilier sud remplacées par un granit gris très clair, nous apprend Archiscopie.
Via Architect Magazine et Archiscopie n°9, Janvier 2017; in« La grande Arche – Laurence Cossée », Gwenaël Querrien,
Georges à tort
Los Angeles se réjouit d’avoir été choisie pour accueillir le Musée des Arts Narratifs de George Lucas (LMNA), longtemps en quête d’un site après avoir été chassé de Chicago. « Le bâtiment de 25 000 m2 apportera des dizaines de milliers d’emplois dans la construction et plus d’un millier d’emplois permanents, et c’est une estimation basse », a déclaré le maire de Los Angeles Eric Garcetti. Pourtant, aux yeux de Christopher Knight, le LMNA est une mauvaise idée. Le critique d’art du LA Times émet des doutes sur la cohérence de la collection de Lucas et la pertinence du propos qu’il explore, et affirme que l’argent que l’on s’apprête à engloutir dans la construction du prochain vaisseau de Lucas aurait dû être employé à consolider les musées existants. « Un milliard de dollars va bientôt être gaspillé pour un projet à la mission artistique douteuse, somme qui aurait pu servir à quelque chose d’utile, voir profond. Au lieu de quoi on glisse le pied affreux d’une demi-soeur dans une fragile pantoufle de verre (sic) ».
Via LA Times
Après l’explosion nucléaire
Au milieu des années 60, Mao craignait d’être envahi par les Russes. Une hantise qui le poussa à concentrer toutes ses infrastructures – usines, bases militaires – hors de portée des soviétiques. Des morceaux de ce projet colossal baptisé « 3e front » ouvrent au public, à l’instar du site 816, près de Dailang, abritant sous la montagne des installations devant permettre de fabriquer des bombes au plutonium. Abandonné en 1984, le projet n’a jamais rempli sa fonction initiale. Une partie de ses 21 km de galeries ont été utilisé par une usine d’engrais, avant d’être convertis pour un tiers en site touristique à partir de 2010. En septembre dernier, les installations ont été mises à niveaux et ouvertes pour la première fois aux touristes étrangers. « La seule chose positive du projet est qu’il n’a jamais été fini » commente Hui Zhang, chercheur atomiste, à propos du programme d’origine. « Pour le développement nucléaire chinois, le projet 816 ne servait véritablement à rien ». 359 millions de dollars auront été dépensés, et au moins une centaine de soldat auront perdu la vie pour sa construction. « Nous nous étions impliqués dans ce projet par amour de la nation », témoigne un ancien ouvrier. « Si on nous avait dit qu’à la fin il serait transformé en attraction touristique, nous n’y aurions jamais participé ». Encore un qui boudera l’inauguration du Maoland Park.
via New York Times


Avant l’implosion sociétale
« Hall me guide à travers le garage, nous descendons une rampe, passons dans un salon équipé d’une cheminée en pierre, d’un coin repas et d’une cuisine. Cela donne l’impression d’être dans un hôtel de station de ski sans fenêtres : table de billard, appareils inox, et fauteuils en cuir. Pour agrandir l’espace, Hall s’est inspiré de l’aménagement des bateaux de croisière. Alors qu’il prépare le repas – steak, pomme de terre et salade – Hall me confie que la partie la plus difficile du projet était de rendre l’existence souterraine supportable (…) Les murs de la résidence sont équipés de fenêtre LED qui affichent une vue en temps réel des prairies surplombant le silo (souterrain, NDLR). Les propriétaires peuvent aussi choisir une vidéo de forêt de pin ou autre. Un résident potentiel de New York voudrait une vidéo de Central Park. « Les quatre saisons nuit et jour, les bruit des taxis et des klaxons ». Devant la multiplication des signaux alarmants de fin du monde – Trump à la Maison Blanche, le réchauffement climatique – les plus riches prennent leur précautions et louent des places dans des bunkers haut-de-gamme tel celui-ci. Ironie du sort, la « résidence » visitée par le New Yorker est aménagée dans un silo construit initialement pour abriter une fusée nucléaire pointée vers l’URSS. Passant du gratte-ciel au gratte-sol, les riches résidents abandonnent les vues panoramiques. Beaucoup d’argent dépensé, et même pas une petite fenêtre pour profiter du spectacle de l’Apocalypse ?
Via Archinect et New Yorker

Tournez ménages
« C’est pour les gens qui ne se cantonnent pas aux ornières de l’esthétique traditionnelle », explique l’artiste Michael Jantzen, artiste spécialisé dans la maison transformable, typologie que CNN a explorée en prêtant une attention particulière aux maisons tournantes. « Les occupants peuvent éviter la chaleur de l’été en tournant les espaces de vie dos au soleil, et le rechercher en hiver ». L’habitat rotatif et/ou mobile présenterait de sérieux avantages sur le plan environnemental, explique la chaine : « l’intérêt des maisons tournantes ne tient pas seulement à leur capacité à s’orienter vers la meilleure vue. Créer des bâtiments capables de s’adapter à leur environnement induit un mode de vie durable », explique Ben Grunberg, architecte créateur du concept de Dynamic D*Haus, maison modulaire qui se déploie « comme une fleur ». Comme on pouvait s’y attendre, construire une propriété mobile n’est pas bon marché : une maison comme la Dynamic D* House couterait 2,43 millions d’US$. La population aisée se diviserait donc en deux catégories : ceux qui s’enterrent, et ceux qui tournent.
Via CNN
Ma cabane à l’ikeanada
Ils avaient récompensé la torche des jeux olympiques 2012, ou l’affiche « Hope » créée par Shepherd Fairey lors de la première campagne présidentielle d’Obama. En 2016, les jurés du London’s Design Museum ont décerné leur prix de l’année au Better Shelter, un abri souvent présenté comme le refuge Ikea, né d’une collaboration entre la fondation Ikea, l’UNHCR, et un groupe d’architectes/designer. « Nous avons choisi l’abri IKEA parce qu’il ne résout pas seulement un problème de design, mais une vraie crise mondiale – comment créer un logement pour réfugiés qui soit très mobile, sûr, confortable avec un budget réduit ? (…) Il respecte la dignité des réfugiés à la recherche d’un abri stable ». Les principaux intéressés ont-ils pris part aux délibérations du jury ? Ils sont vivement priés d’apprécier cet abri sommaire, déjà diffusé à 30 000 exemplaires à travers le monde.


Les uns contre les autres
Qu’est-ce qui tient dans un cube de 1,346 km de coté ? Les 7,4 milliards d’habitants de la planète terre, affirme Real Life Lore, un youtuber qui s’est livré à d’étranges calculs d’urbanométrie. Chez Real life Lore, les normes en matière de logements ne sont pas des plus généreuses « il faut savoir en premier lieu d’un mètre carré ne doit pas accueillir plus de cinq personnes » relate Slate. A cette aune, l’usine Boeing Everett, qui passe pour le plus grand bâtiment du monde, pourrait abriter 40,8 millions de personnes. Le cube défini par RealLifeLore « peut sembler gros, mais en réalité, ce bâtiment pourrait être placé dans le centre-ville de New York, et ne serait plus haut que de 500 mètres par rapport au gratte-ciel détenteur du record jusque-là, le Burj Khalifa ». En faire le tour ne prendrait qu’une demie heure, explique le YouTuber. Enfin un projet qui fait rêver.
Via Slate
Le néo classique au meilleur prix
« Durant toute sa carrière, Robert Adam s’est confronté aux enjeux de notre époque, tout en contestant la pensée contemporaine en architecture et urbanisme. Il a abondamment écrit à propos des tensions entre globalisation et régionalisme apparaissant alors que nous formalisons notre environnement bâti. La durabilité est le pilier de son œuvre, incarnée dans un urbanisme et une architecture respectueuse du climat, des cultures et des traditions constructives locales ». À la suite de Leon Krier ou Quinian Terry, l’architecte néo-classique Robert Adam vient de recevoir le prix Richard H. Driehaus, qui passe pour la récompense la mieux dotée de toute la profession : 200 000 US$, accompagnés d’un bronze miniature représentant un monument de la Grèce antique, le monument chorégique de Lysicrate. Et ça, ça n’a pas de prix…
Via Building Design
Aux Joséphois, l’architecture reconnaissante
Un bon projet, c’est d’abord un bon maître d’ouvrage, qualité que les édiles Saint-Joseph-du-Lac, au Québec, savent apprécier et récompenser. « Le maire de Saint-Joseph-du-Lac, Benoit Proulx, et son conseil ont tenu à souligner, lors de la séance du conseil municipal du 9 janvier dernier, l’effort consenti, au cours des années 2014, 2015 et 2016, par des propriétaires joséphois pour restaurer, ériger ou aménager des espaces attrayants favorables au soutien de l’activité économique et la mise en valeur du territoire », relate L’Eveil. L’initiative récente de la mairie s’appuie sur « une analyse selon une grille précise portant entre autres sur le caractère architectural du lieu, la qualité de l’intégration en relation avec l’environnement immédiat, le souci de conservation des caractéristiques architecturales propres au bâtiment, la mise en valeur de produits et d’activités agricoles ou encore sur la performance énergétique et ses qualités écologiques ». 9 projets sur 200 ont fait l’objet d’une recommandation du Comité consultatif d’urbanisme (CCU) au conseil municipal. Les heureux propriétaires ont reçu du premier élu et de son adjoint à l’urbanisme un certificat de reconnaissance « visant à souligner leur engagement à conserver l’héritage du passé tout en l’intégrant harmonieusement avec l’environnement urbain actuel ». Et ça, ça n’a pas de prix, du moins pas en monnaie sonnante et trébuchante, ni même en dollars canadiens.
Via L’Eveil

Olivier Namias