Laurent Musy, Président Directeur Général de TERREAL, a annoncé l’arrivée de Martin Piotte à la Direction de la Technologie et de l’Innovation du Groupe.
Diplômé d’un PHD de Chimie Physique de l’université de Sherbrooke au Canada, Martin Piotte a débuté sa carrière au sein du Groupe Lafarge où il a occupé plusieurs fonctions dont celles de Directeur de la conformité industrielle et de Directeur de Portfolio de recherche. En 2011, il rejoint Siniat International en tant que Directeur Qualité Procédé, Opérations pour les zones Europe et Amérique du Sud.
Etienne Tricaud, président d’AREP a été nommé à la tête de Bétocib, l’association de promotion de l’architecture béton, pour un mandat de 3 ans. Il succède à Paul Chemetov.
X-Ponts et architecte D.P.L.G de l’école d’architecture Paris-Tolbiac, il a débuté sa carrière au sein de bureaux d’études avant de rejoindre la SNCF en 1987, où il est nommé responsable de l’agence d’étude des gares de 1993 à 1999. En 1997, il crée avec Jean-Marie Duthilleul le groupe AREP, un bureau d’études pluridisciplinaire, filiale de la SNCF. Après avoir assuré les fonctions de directeur général, il devient, en 2015, président du directoire d’AREP.
Pour la conception du Centre de recherche et de développement d’EDF à Saclay, Francis Soler emprunte la figure du cylindre comme réponse au territoire plat et vide, à la diversité de la programmation digérée dans un tout homogène, et à la nécessaire flexibilité. Ce choix génère la conception de quatre volumes à la courbure continue, augmentés d’éléments remarquables.
Auvent de verre et d’acier
Au cœur du dispositif rayonnant du bâtiment du centre de recherche et développement, le patio extérieur est abrité sous un auvent de verre et d’acier. Des colonnes en inox supportent un plateau circulaire en verre qui s’incurve en son centre, découpé d’un carré. Servant d’abri aux intempéries et donnant une échelle de proximité, cet auvent a pour originalité de ne recourir à aucune structure horizontale en tête de mât. Les carrés de verre d’une épaisseur de 22 mm suffisent à eux-mêmes pour franchir la distance entre deux colonnes, sans recourir à aucune structure. Effet visuel étonnant, se dégage une impression de double courbure alors que chacun des éléments verriers est parfaitement plat.
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Poutre-poisson
Le forum du bâtiment d’accueil est recouvert par une membrane percée par toute une série de lanterneaux circulaires qui conduisent la lumière naturelle au centre du dispositif. Ici, une étonnante poutre-poisson de 35 m de portée vient suspendre par câble la toiture horizontale. Avec un mécanisme proche de celui utilisé par les marionnettistes, les suspentes traversent, non pas les parties pleines de la couverture, mais paradoxalement les oculi vitrés, en leur centre. Une fois la couche de verre traversée et l’épaisseur du cylindre passée, elles suspendent le grill horizontal au droit des croisements de la charpente acier. En dessous encore, flotte dans l’espace supérieur du hall une suite de lustres circulaires dessinés sur-mesure. Ainsi, le forum est dégagé de toutes contraintes porteuses, par ce choix technique qui a son économie de matière, bien que nécessitant un temps de conception plus long.
Partant du constat que le fonctionnalisme du XXe siècle a légué des villes hétérogènes où se juxtaposent les quartiers, Europan 14 poursuit sa démarche envers une ville mixte et adaptable, et s’emploie à réinjecter l’économie productive en cœur de ville.
Tandis que le capitalisme industriel du XIXe et XXe siècle a laissé derrière lui des villes fragmentées, portions d’une mosaïque fonctionnaliste sectorielle, les politiques urbaines actuelles s’entendent sur une ville mixte et multifonctionnelle.
Pour autant, elles n’arrivent pas à inverser la tendance, et excluent bien souvent l’économie productive de toute programmation. Le pari d’Europan 14 consiste alors à réinjecter en centre ville la production, trop longtemps reléguée en périphérie. L’appel à idées questionne, non pas la crise économique, mais bien sa mutation liée au numérique. Entre mondialisation et nouvelles activités, la production tendrait à se démocratiser. Selon un scénario d’anticipation prospectif, le citoyen consommateur va devenir producteur (coworking, coproduction, fab-lab…) et ira jusqu’à participer à la production urbaine en étant capteur de son environnement. L’activité productrice se (ré)introduira dans le logement. De facto, devront s’engendrer circuit court et production locale amenant à l’autosuffisance des villes. A l’urbanisme planifiant des quartiers entiers est préféré l’urbanisme d’acupuncture ; autrement dit, des archipels en réseau. Ainsi, l’usage productif participerait à la couture urbaine des zones isolées et au désenclavement des sites à usage monofonctionnel, parfaitement autarcique. Plutôt que la juxtaposition sont souhaités l’interaction, l’intégration, l’hybridation. A la dichotomie est préféré la synergie. Un jargon que l’on connait bien (parfois véritable tarte à la crème) mais qui semble pourtant, avec les villes productives, prendre ici tous son sens.
Europan 14 : 45 sites à rendre productif
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Le laboratoire prospectif Europan, en partenariat avec les villes, met à disposition des candidats 45 sites dans 15 pays, dont 11 sites français qui ont été présentés mercredi 15 février 2017 à la Cité de l‘Architecture et du Patrimoine. Les équipes sont invitées à retisser du lien autour du centre commercial vieillissant de Toulouse ; participer à la reconversion en cours d’une zone industrielle en friche caractérisée par des sheds à Amiens; produire et habiter dans la ville nouvelle atrophiée de Grigny et Ris-Orangis ; relier campus, parc scientifique et habitat à Besançon ; reconvertir une friche textile en mettant à profit éléments patrimoniaux et fleuve à Guebwiller ; revaloriser tourisme, habitat et usage du véhicule dans la ville enclavée d’Aurillac ; intégrer le port à la ville de Lille ; maintenir et amplifier la zone d’activité d’Angers ; réinvestir le site des industries polluantes et malodorantes de Bègles, tout en profitant de la rocade et du fleuve ; transformer une coupure en couture, en réinvestissant la gare ferroviaire d’Evreux jusqu’à sa rue commerçante ; repenser le modèle d’intégration des nappes automobiles de Renault et Citroën, parallèlement à la valorisation d’un écoquartier en cours à Pantin.
Autant de sujets martelés d’une zone d’influence et d’une zone de projet, qui appellent à décloisonner les poches d’activités, palier aux problématiques de coupure urbaine, revoir les modes de déplacement, valoriser le patrimoine bâti ordinaire et les cathédrales de l’industrie, reconsidérer les ressources locales, constituer des typologies hybrides, travailler à l’échelle du micro et du maxi…
Les organisateurs du concours Europan poussent à sortir des stratégies de planification usuelles et des réglementations, au profit de ruses méthodologiques. Une invitation à la création et l’imagination, « utopies possibles » à appliquer aux territoires urbains.
Pour la conception du Centre de recherche et développement d’EDF à Saclay (91), Francis Soler emprunte la figure du cylindre comme réponse au territoire plat et vide, à la diversité de la programmation digérée dans un tout homogène, et à la nécessaire flexibilité.
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Le Centre de Recherche comme projet paysage
A l’origine, les dispositions d’urbanisme du terrain acquis par EDF sur le plateau de Saclay pour la construction de son nouveau centre de recherche et développement – en remplacement de celui de Clamart – étaient bien légères. Rien de comparable aux bâtiments construits ensuite dont les implantations, gabarits et alignements ont été édictés par l’Etablissement Public d’Aménagement Paris-Saclay (anciennement EPPS), auxquels a été soumis le campus EDF dessiné par l’agence ECDM. Ainsi, l’architecte Francis Soler a eu pour tâche de livrer un programme de grande ampleur sur un site plat et vierge, une tabula rasa. Pour cela, il a répondu avec le paysagiste Michel Desvigne par des bâtiments posés dans un parc, « projet- paysage » dont le système d’implantation a déjà été adopté par les grands ensembles de 1960. Les jardins de Pascal Cribier, constitués de rigoles en étoile, de caniveaux filant, de bassins riches en biodiversités et de douves profondes slaloment entre les gabarits courts et élancés de bâtiments cylindriques. L’architecte a choisi le plan circulaire pour le entre de recherche, non seulement parce qu’il n’a pas d’orientation, mais aussi parce que le maître d’ouvrage décrivait le programme par des gestes tout en rondeur, selon Soler. S’en suit un assemblage semblable aux rouages d’un mécanisme horloger, structurés de quatre pôles fonctionnels majeurs : l’Accueil (le plus central avec 77 m de diamètre et 15,5 m de haut), la Recherche (le plus grand avec 160,89 m de diamètre et 19,5 m de haut), la Halle d’essais (le plus haut avec 46 m de diamètre et 24,38 m de haut), le Restaurant (69 m de diamètre et 14,5 m de haut).
En contrepied d’une programmation constituée d’une multitude d’éléments divers, allant du plus ouvert au plus fermé, du plus grand au plus petit, Francis Soler a recherché une homogénéité extérieure, dont « la perception de l’ensemble pouvait être rassemblée par l’œil ». Le cylindre devient le dénominateur commun, volume capable s’imposant comme un contenant, servi par une écriture identique. Le projet est tenu par des éléments distinctifs et répétitifs, en plan comme en élévation. L’homogénéité est assurée par les façades, constituées de grandes baies vitrées s’ouvrant sur un balcon périphérique, le tout fermé par de longilignes claires-voies de verre, systématisées sur l’ensemble de la réalisation. Seules les dimensions varient afin d’adopter une courbure continue malgré les différents diamètres. Dans ce souci d’unité visuelle extérieure digérant une diversité intérieure, la halle d’essai donne un exemple intéressant. Le cylindre entoure un plan carré imposé. Ce système est censé contenir les extensions sauvages des chercheurs toujours en quête de prolongements d’équipements et de machines nouvelles, mais l’espace résiduel entre les deux formes géométriques est déjà occupé par les bureaux. Francis Soler déplore le fait qu’ils puissent défigurer l’harmonie générale avec des agrégations ou des agrandissements non maitrisés.
Ici, le cylindre devient un volume capable qui, redécoupé par une trame, doit offrir une grande flexibilité. En plan, chaque volume est constitué d’un noyau central et de poteaux en périphérie, libérant l’espace sous de grandes portées. Les plateaux dégagés de toutes contraintes verticales sont malléables. Concernant le bâtiment de la recherche, il est équipé en fluides par le sol et par un caniveau technique qui court tout le long de la façade courbe. Des dalles actives de 45×45 cm complètent le dispositif technique. Les bureaux sont construits sur une trame de 3,35 m, partitionné par des cloisons industrielles simples sur lesquelles des tableaux acoustiques sont fixés. Par ailleurs, l’on remarquera que cette roue constituée de bras rayonnants et de patios extérieurs est inachevée. Initialement, pour le maitre d’ouvrage, cette interruption devait pouvoir accueillir une extension potentielle de 15 000 m² ; le vide laissé par l’architecte aura trop vite été comblé par un jardin bien pensé dont ne saurait plus se passer EDF.
Ainsi, les cylindres dont usent Francis Soler répondent à une série de contraintes posées originellement par le territoire et le programme. Un centre de recherche Saclay 1.0 aux règles sauvages qu’on ne retrouvera pas dans des projets futurs, quid de celui de l’agence LAN pour la construction d’une résidence étudiante face à l’école Centrale. Un cas d’école ?
Construction d’un centre de recherche et développement EDF proposant 1500 postes de travail en première étape (salariés, thésards, partenaires, prestataires, stagiaires) et comprenant 1 auditorium de 500 places, 2 auditoriums de 75 places, une halle d’essais, des salles de commissions, des salles d’expérimentation, des bureaux, des laboratoires, un restaurant, une brasserie, des cafétérias et 8 hectares d’espaces extérieurs. 90 places de stationnements et 125 emplacements de stationnement deux roues
Lieu : Plateau de Saclay, Essonne (91). Maîtrise d’ouvrage : EDF / SOFILO. Maîtrise d’œuvre : Francis Soler Architecte. Programmation : ORENOQUE. Aménageur : EPPS, devenu EPAPS (Saclay). Urbanisme : Michel Desvigne. BET : Structures – VP&GREEN engineering. Fluides – Espace Temps. Acoustique – Lamoureux. VRD : Setec TPI. Economiste – Mazet & Associés. Entreprises : SPIE Batignolles / BESIX. Performance énergétique : Energie éolienne, solaire thermique et photovoltaïque / BREEAM / Certification BBC (cible RT2012 -20%) avec une compensation par l’électricité produite sur site par une centrale solaire photovoltaïque volontairement limitée à 10kWef/m² SHON. Immeuble « bas carbone » à émissions limitées à 3 kgeq CO2/an/m² Shon. Calendrier : Concours – avril 2010. PC – janvier 2012. Livraison – janvier 2016. Surfaces : 80 500 m² Montant global et forfaitaire des travaux : 212 M € HT
Audrey Azoulay, ministre de la Culture et de la Communication, a nommé Luc Liogier directeur de l’École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais.
Architecte et urbaniste en chef de l’État, Luc Liogier était, depuis 2016, directeur de projet, chargé d’une mission sur la politique de la ville au ministère de la Culture et de la Communication, et notamment le jumelage entre les établissements publics culturels nationaux et les quartiers populaires. Conseiller chargé de l’architecture au cabinet du ministre de la Culture et de la Communication de 2006 à 2007, il a dirigé la maîtrise d’ouvrage de l’établissement public du Grand Palais jusqu’en 2011, avant de devenir directeur régional des affaires culturelles de Haute Normandie. Il succède, à compter du 13 février 2017, à Nasrine Seraji.
Yoshiharu Tsukamoto et Momoyo Kajima nous font découvrir leur univers de pensée, à la croisée de l’ethnographie, de la typo-morphologie et d’une conception plus technique de l’architecture. Nourris de maîtres japonais dont ils se sont émancipés, et occidentaux dont ils ont assimilé le savoir, ils ont construit peu à peu leur « science du comportement » (behaviorology) pour une architecture sensible à l’autre et son environnement, en rupture avec la logique purement industrielle et machiniste du XXe siècle.
Interview parue dans CREE 377, p 44 à 56, en vente ici
CREE : Pour commencer cet interview, pouvez-vous nous rappeler d’où vient le nom de votre agence « Atelier Bow-Wow » ?
Yoshiharu Tsukamoto : C’est très simple, parce que nous aimons les chiens ! Lorsque nous avons commencé à travailler ensemble, Momoyo trouva un chien sous un prunier qu’elle appela « Ume » – ce qui signifie « prune » en japonais. Ses parents lui ont demandé la permission de la garder et, à partir de ce moment, la vie de la famille de Momoyo s’est transformée autour de ce chien. Son père, qui est un homme très créatif et sensible au langage « expressif » des enfants, commença à appeler son chien « Ume-san » comme on le fait pour une personne – « san » est un suffixe honorifique utilisé en japonais pour une formulation polie, comme lorsqu’on utilise Monsieur ou Madame en Français. Cependant, il réalisa que le suffixe « san » pour un chien n’était pas approprié. Il décida donc de changer « san » en « wan » parce qu’en japonais, « wan-wan » est l’onomatopée pour l’aboiement d’un chien. Donc « Ume » fut appelé « Ume-wan ». Puis, le père de Momomyo commença à appeler tout le monde avec le suffixe « wan » : sa femme, sa fille et même moi, « Tsuka-wan ». Nous étions devenus une famille de chien en quelque sorte ! Donc, lorsque nous avons commencé notre pratique ensemble, Momoyo et moi, nous avons décidé que notre nom aussi aurait ce suffixe « wan ». Puis lorsque l’occasion s’est présentée de publier notre travail dans un magazine bilingue japonais / anglais, nous avons décidé de nous appeler Atelier Bow-Wow. « Atelier » parce qu’à cette époque, les petites agences d’architecture utilisaient ce mot – sans doute un reste des Beaux-Arts et de Le Corbusier (rires) – et « Bow-wow » parce que c’est l’équivalent anglais de « wan-wan ».
Atelier Bow-Wow, House Garden, 2015 Courtesy Atelier Bow-Wow
CREE : Cette anecdote renvoie d’une certaine façon à la notion de comportement, importante dans votre travail.
YT : Ce mot « comportement » (behavior) est arrivé très tard dans notre pratique. Nous ne l’utilisions pas du tout avant de publier ce livre Behaviorology en 2010[1]. A cette époque, il nous a semblé que ce mot « comportement » pouvait expliquer des intérêts significatifs dans notre livre concernant la conception architecturale, la recherche, et l’organisation d’expositions. Bien que ces choses soient très différentes, nous avons trouvé que la notion de comportement était une entrée commune. Nous avons donc été plus conscient de cette notion.
Momoyo Kajima : Bien que nous n’ayons pas toujours utilisé ce mot, nous avons constamment essayé de comprendre le sens d’une forme ou d’une composition architecturale. Non pas un sens figé, mais des relations entre plusieurs significations. Si l’on prend une fenêtre par exemple, quel effet a-t-elle sur les gens ou, plus exactement, quelles sont les interactions qu’elle provoque entre l’architecture et les gens, l’air, la lumière, etc. ? Je pense que dans notre pratique de l’architecture nous accordons beaucoup d’importance à ces relations entre plusieurs sens.
YT : Oui, nous sommes très intéressés depuis le début de notre pratique par la narration. Comment l’architecture peut être narrative. Dans les narrations constructives, les relations entre les acteurs qui adoptent différents comportements sont toujours importantes. Nous n’avons pas utilisé le mot comportement en tant que tel, mais nous avons travaillé avec cette question du comportement depuis le début.
Atelier Bow-Wow, House Tower, 2006 Courtesy Atelier Bow-Wow
CREE : Ma deuxième question porte sur votre inscription dans l’architecture japonaise et le rapport de filiation à la génération précédente d’architectes japonais que vous avez.
YT : Nous avons été très influencés par le professeur Sakamoto qui a été notre enseignant à Tokyo Tech. Il a dessiné des maisons très intéressantes dans les années 1960 et exerce toujours. Par Sakamoto, nous avons étudié Shinohara qui nous a influencé également. J’ai été son étudiant à Tokyo Tech lors de sa dernière année d’enseignement. Sakamoto a lui aussi été l’élève de Shinohara qui a eu une aura sur la plupart des étudiants de l’école. Par conséquent, le discours sur l’architecture s’organisait autour de son travail. On peut ainsi prendre la mesure de notre travail, de celui d’architectes comme Kikutake, Maki, Isozaki, Tange selon les axes établis par Shinohara, dans une perspective historique. Toutefois, notre contexte de travail est assez différent de celui des générations précédentes, ce qui a eu un impact sur notre méthode de conception en ce qui concerne la sensibilité et l’esthétique. Nous avons beaucoup appris des générations précédentes, mais, dans le même temps, nous avons essayé de nous libérer de ce cercle d’influence. Nous avons pris conscience de ce qui nous distinguait en termes de conditions économiques et sociales.
MK : Entre 1991 et 1993, le Japon a été atteint par l’éclatement d’une grande bulle économique. En 1991, lorsque j’ai été diplômée en architecture, l’économie japonaise était au plus haut. Il était très facile de trouver du travail.
Sejima et Kuma, par exemple, se sont installés à cette époque, bien qu’ils étaient jeunes car le contexte économique le permettait. Quand nous avons commencé notre carrière, les choses avaient changé, la bulle avait éclaté. J’étais inquiète, je n’avais pas beaucoup de travail, mais j’ai compris que c’était lié à la fin d’une période. Pendant 10 ans, le Japon a eu beaucoup de temps pour repenser à ce que nous avions et ce que nous aurions dû faire ; nous-même en avons profité pour penser à ce que nous essayions de faire. Pendant nos études et avec les autres étudiants, nous avons regardé le passé à travers des recherches historiques par exemple. Il y avait beaucoup de recherches sur la ville, mais les villes autour de Tokyo n’étaient pas respectées par les architectes. Les chercheurs en architecture n’avaient aucune considération pour les constructions japonaises ordinaires qu’ils trouvaient sans intérêt comparé aux magnifiques bâtiments européens.
YT : Il y avait beaucoup de discussion sur la ville mais qui se résumaient toujours à une vision de Tokyo comme ville du chaos. C’était une sorte de seconde nature à laquelle on ne pouvait toucher. Même Shinohara a tenu ce genre de propos. Itsuko Hasegawa a écrit également que Tokyo était la seconde nature des hommes d’aujourd’hui au Japon. Mais tout cela était de la rhétorique. Il n’y avait pas d’explication sur le pourquoi de cette situation. Je n’ai rien contre la rhétorique, mais cela crée une sorte d’impasse qui empêche de comprendre ce qui se cache derrière le paysage urbain hétérogène de Tokyo.
MK : C’est pour cela que la clarification, l’explication permettant de comprendre pourquoi un bâtiment est comme cela a été au centre de notre travail et de notre recherche.
YT : J’aimerais revenir quelques instants sur la relation avec les générations précédentes. Bien sûr nous avons eu des liens avec les architectes japonais d’avant, mais nous avons été aussi beaucoup influencés par des architectes européens comme Rem Koolhaas. J’ai étudié un an en France en 1987, dans l’atelier de Ciriani à l’école d’architecture de Belleville. Cela a eu beaucoup d’influence sur moi. Nous avons étudié la théorie d’Aldo Rossi, de Venturi, d’Alexander… Leurs théories et écrits sur la ville et l’architecture ont été des bases très importantes pour notre pensée. Donc il ne s’agit pas seulement de l’influence de l’architecture japonaise. Sans Delirious New York, par exemple, nous n’aurions jamais commencé notre étude sur Tokyo. Architecture without architects de Bernard Rudofsky[2] a été une sorte de bible pendant ma deuxième ou troisième année d’études. Je me réfère toujours à ces architectures vernaculaires. Made in Tokyo est une sorte d’étude sur l’architecture moderne vernaculaire de la mégalopole Tokyo[3]. Son lien à Delirious New York est très fort, mais aussi à la façon de penser de Shinohara. Ce dernier, pour qui la ville était une chose déjà finie, dépassée, a essayé d’appliquer la théorie mathématique du chaos pour comprendre Tokyo. Seulement, il n’a pas poussé cette idée, il a simplement montré une entrée possible. Pour lui, l’architecture résidentielle était une sorte de négation de cette situation urbaine. Il y avait un lien très intéressant dans sa pensée entre la ville et la maison. Tout cela a eu le plus d’influence pour Atelier Bow-Wow.
MK : Dans les années 1980, la génération post-moderne a produit également beaucoup de livres de théorie de l’architecture. Terunobu Fujimori par exemple est un professeur à l’Université de Tokyo, architecte et historien, qui a écrit un très bon livre sur l’architecture moderne ou pré-moderne de l’époque Meiji. Il a aussi écrit sur la typologie intéressante des « billboard buildings » (kanban kenchiku)[4], ces maisons dont l’apparence avaient été européanisées[5]. J’ai lu cet ouvrage pendant mes études et j’ai compris son importance. Dans les années 1980, ces maisons allaient être détruites à cause des nouveaux développements urbains liés à la bulle économique. Il y a eu également le professeur Hidenobu Jinnai. Il s’agit d’un autre historien qui a étudié à Venise. Sa principale recherche a porté sur la relation au front de mer de Venise et Tokyo.
YT : C’est lui qui a introduit le concept de typologie en architecture au Japon. Toutefois, même si les architectes japonais comprenaient ce concept, ils n’arrivaient pas à faire le lien entre la typologie architecturale et l’espace urbain au Japon, à l’appliquer à leur pratique. Seul Sakamoto a pu le faire. Son travail était basé sur une compréhension typologique de l’architecture et sur l’originalité des architectes et des « créateurs » uniques. Il était très talentueux, mais très discret à la fois. Nous avons énormément appris de lui.
CREE : Toutes ces recherches sur la ville et l’architecture ont donc compté pour vous. Quelle est votre relation à la recherche ? Pensez-vous que vous faites vous-même de la recherche ?
YT : En fait, un autre travail très important de Fujimori est celui mené avec son ami et artiste Genpei Akasegawa pour l’enquête Rojo[6]. Ils ont trouvé et pris des objets étranges dans la ville qui n’avaient plus de fonction. Des sortes de fragments de vieux bâtiments existants ou disparus. Ils en ont fait des photos et les ont décrits. C’était presque une façon comique et humoristique de représenter la ville. Nous avons adoré cette recherche, mais nous avons également pensé que ce n’était pas quelque chose que l’on pouvait intégrer à la pratique de conception de par la trop forte dimension nostalgique. Cela nous a toutefois appris à regarder les choses sans importance de la ville. Et avant le travail d’investigation Rojo, il y a eu celui mené par l’ethnographe et architecte Wajirō Kon qui a fait de nombreuses études sur Tokyo des années 1920 aux années 1960, ainsi que dans des zones rurales en faisant des croquis ravissants. Kon est une figure de l’enquête de terrain ; il est à l’origine de l’intérêt des architectes pour l’ethnographie. Nous, Atelier Bow-Wow faisons partie d’une nouvelle génération d’architectes inscrite dans cette généalogie. Mais nous venons aussi de Tokyo Tech qui est dans une approche plus formelle, comme celle de Shinohara, Taniguchi, Seike. Ils ont essayé de travailler au point de frottement entre la société moderne, la dimension ethnographique de l’architecture et l’aspect logique de la vie moderne ; d’intégrer à la fois les nouvelles conditions d’industrialisation de la société. Notre école s’est concentrée sur la façon dont la compréhension ethnographique peut transformer la pratique de conception. Pour l’Atelier Bow-Wow, il s’agit d’aller vers des intérêts ethnographiques. Nous avons commencé à appeler notre travail « behaviorology » parce que c’est plus proche des gens, de la nature, de l’objet lui-même. Une autre forme d’architecture et d’espace produit par la relation entre les différents comportements, qu’il s’agisse d’une maison ou d’un espace public.
MK : Je pense que la maison est une typologie très importante au Japon. Après la Deuxième Guerre Mondiale, beaucoup de maisons ont été détruites, alors ; le gouvernement qui n’avait pas les moyens de construire des logements sociaux à mis en place un système de prêt pour encourager les gens à construire leur maison. Cela a eu un fort impact également sur la profession d’architecte car, au Japon, le permis de construire d’une maison doit être signé par un architecte. Et dans ce système de prêt le recours à un architecte était obligatoire.
CREE : Compte tenu de tout ce dont vous venez de parler, l’influence de l’ethnographie, le rapport à la forme également, l’espace sensible en quelque sorte, pouvez-vous développer votre propos sur l’importance du dessin et de la création dans votre travail ?
MK : Dans les années 1980, nous étions très intéressés par toutes ces recherches sur le sens. Il s’agissait de recherches écrites, évidemment, mais qui comportaient également de beaux dessins et diagrammes. Je crois que cela fait partie du rôle de l’architecte de représenter et rendre visible des situations spécifiques. Je suis très curieuse en ce qui concerne la production et le développement de nouveaux dessins. Les livres sont aussi très importants, notamment dans la construction d’une narration, de même que les images. Dans Made in Tokyo, nous avons associé photographies et dessins axonométriques. Les photographies ne pouvaient pas tout montrer. Les dessins permettaient de donner des informations complémentaires, ainsi que les surnoms que nous avions choisi pour désigner chaque maison. Ces surnoms étaient une façon de retranscrire la dimension vernaculaire de ces architectures, mais aussi de qualifier la dimension typologique. Le budget du livre était limité, c’est pourquoi les dessins sont en noir et blanc. Cependant, nous l’avons édité avec l’idée de donner à voir une anatomie graphique de Tokyo. A cette époque, il y a beaucoup d’architectes, comme Sejima par exemple, qui font des dessins très simples, épurés, qui servent ensuite de modèle pour la construction. Cette tendance de l’architecture nous rendait soucieux. L’architecture est composée de différentes phases et niveaux de détails, et de nombreuses relations. Nous souhaitions rendre compte dans nos dessins de cette richesse. Nous pensons que c’est très important de raisonner ainsi pour l’éducation des étudiants et pour les architectes aussi. Produire des images qui sont source de connaissance sur l’architecture. Et puis nous avons eu cette exposition à la Biennale de Venise dans le pavillon italien, l’Arsenale. Nous avons montré uniquement des maquettes de coupes au 1/20e ou au 1/30e. Cependant, tous les détails étaient disponibles dans le catalogue. L’étape suivante a été le dessin à la main et ce que nous avons appelé le Dessin public. Il s’agissait d’une sorte de workshop où un dessin était réalisé par plusieurs personnes.
YT : C’était un dessin collectif avec 10 à 20 personnes. Nous avons dessiné une image tous ensemble. Ce dessin s’appelle public parce qu’il s’agit presque toujours d’espace public. Chaque personne a son propre rôle. Donc certaines personnes dessinent des arbres, d’autres des voitures, d’autres encore des bâtiments, des gens, etc. C’est une façon de reproduire le processus d’appropriation de l’espace public dans la réalité par le dessin. L’espace public n’est dessiné par personne. C’est le résultat d’une collaboration ou de la combinaison de différents acteurs sur un même lieu qui veulent s’en approprier une partie et sont obligés de négocier entre eux. S’ils trouvent un bon compromis, équilibré, alors ils produisent un espace où les gens aiment rester. Nous avons essayé de reproduire ce processus avec ce dessin au crayon, d’une dimension d’environ 1,2 mètres par 3,6 mètres. Le résultat est un dessin très détaillé, assez impressionnant en fait. Je me réfère toujours pour en parler aux gravures de Piranese car nous avons complètement emprunté sa façon de faire pour légender le dessin, à sa base, ainsi qu’à l’intérieur du dessin.
CREE : Pour finir, j’aimerais aborder deux points. Tout d’abord, votre relation avec l’Europe et la France. Plus particulièrement votre expérience à Paris avec la construction d’un immeuble de logements rue Rébière et, peut-être, les différences que vous avez pu constater notamment en termes de réglementation.
YT : J’ai étudié en France ainsi qu’en Suisse, un an, en tant qu’élève-chercheur. Cela s’est fait dans le cadre d’un programme d’échange avec mon école et des écoles européennes. De ces expériences, j’ai appris comment penser l’architecture avec la ville. Cette vision est totalement absente de la pensée des architectes japonais des générations précédentes. Un bâtiment est un objet autonome qui a son propre monde ; il n’y a pas vraiment de respect de la relation entre l’architecture et la ville, notamment du fait de la transformation rapide que le Japon a connu après la Seconde Guerre Mondiale. Bien sûr, les Métabolistes, dans les années 1960, ont essayé avec leur manifeste de faire la ville autrement, par l’architecture, avec une imagination mono-maniaque gigantesque. Mais cela n’a pas réellement réussi. Au Japon, les maisons individuelles[7] parsèment le paysage et ne constituent pas de façade urbaine. Les architectes ont abandonné cette relation entre la typologie et la morphologie. Nous, à l’Atelier Bow-Wow, essayons de réintroduire ces idées au Japon. C’est peut-être cela l’impact de notre expérience européenne. Parce que nous pensons que ce type de paysage urbain est stable et ne transmet aucune valeur contemporaine. Peut-être que les gens qui vivent en France sont stressés ou frustrés de ce paysage urbain fixe ! Mais c’est une des grandes force de l’être humain ; l’animal ne peut pas faire cela. Le paysage urbain est le résultat de la contribution d’individus différents. C’est un grand accomplissement des hommes. Au Japon, les machiya, c’est-à-dire les maisons de villes, sont des maisons d’une très belle typologie et morphologie. Il y en a beaucoup à Kyoto ou Kurasawa, dans les quartiers anciens. Elles produisent un très beau paysage urbain et ont été conçues de façon très intelligente, tenant compte de différents aspects : la nature de l’occupation, la vie sociale, etc. Nous voulons faire revivre et revitaliser cette typologie. Après 8 à 9 années d’efforts, à concevoir des nouvelles machiya, je crois que maintenant beaucoup d’architectes de la jeune génération s’intéressent vraiment à cette typologie.
Atelier Bow-Wow avec André Brunnquell, Logements Sociaux Rue Rebiere, 2012 Courtesy David Boureau
CREE : Enfin, nous aimerions que vous nous parliez de la Biennale de Venise qui a été inaugurée en juin. Qu’en avez-vous pensé ?
YT : Nous sommes très contents ce cette Biennale évidemment parce que le Pavillon japonais a eu une mention spéciale du jury et aussi parce que nous sommes très proches de beaucoup de jeunes architectes qui y sont exposés.
CREE : Des étudiants ?
YT : Oui, certains sont d’anciens de mes étudiants. Ces jeunes architectes essaient de montrer une nouvelle architecture japonaise. Ce n’est pas facile, mais ils prennent des voies intéressantes, pas seulement pour le Japon, mais aussi pour les autres pays. Cela me fait très plaisir. Quant à l’exposition montée par Alejandro Aravena, elle est très informative et je l’aime beaucoup. L’exposition du Pavillon japonais porte sur les enjeux pour réduire ou casser les barrières entre les ressources locales et la population, qui résultent de l’industrialisation de la société au 20e siècle. Je crois que c’est très intéressant pour les architectes de travailler sur cela et d’être conscients cette situation. Beaucoup de projets tentent de résoudre ces problèmes et j’apprécie le lien fait entre ces projets qui sont critiques envers le 20e siècle. Je crois que beaucoup de projets partagent le même point de vue critique vis-à-vis de l’industrialisation. C’est difficile car les architectes sont du côté de l’industrie et nous sommes des professionnels qui travaillent avec le processus d’industrialisation de la société. Mais maintenant, nous réalisons que ce n’est plus quelque chose qui rend les gens heureux. Un architecte est quelqu’un qui comprend l’état complexe de l’industrialisation qui consiste en l’ingénierie, la science, l’économie, le droit et la politique. Il a lui-même affaire à ces domaines. Il ne peut pas être l’interprète de ce qui ce passe à l’endroit où nous nous trouvons, comme un ethnographe. Mais il peut, nous pouvons être des activistes qui se battent contre ces situations. Dans ce sens, la biennale de Venise montre une direction importante que les architectes aujourd’hui devraient prendre.
CREE : Qu’en est-il de l’esthétique ?
YT : L’esthétique de la biennale ? Où se trouve-t-elle ? Du côté des gens. Les architectes veulent croire que l’esthétique est de leur côté, du côté des professionnels, mais l’esthétique est aussi du côté des gens, de la population. Il s’agit en fait d’un grand revirement. Alors qu’est-ce que l’esthétique lorsqu’elle est du côté de la population ? Nous devons songer à cette question.
CREE : Dans le comportement ?
YT : Le comportement, oui. Si une petite construction est construite par les mains des gens avec de la bonne volonté et qu’elle est vraiment utilisée et aimée par les gens, qu’elle permet à plusieurs générations du voisinage de se rencontrer, alors cette relation est magnifique. Cela devient de l’esthétique. C’est une esthétique relationnelle plus qu’une esthétique visuelle.
CREE : Donc nous n’avons plus besoin d’architecte.
YT : Si, nous en avons besoin car il y a des barrières à détruire, celles qui ont été érigées tout au long du 20e siècle avec l’industrialisation. Nous avons besoin de la société, le monde a besoin de quelqu’un qui peut remédier à cela. La conception et le dessin[8], sont des outils puissants pour questionner le monde et le transformer.
Christophe Le Gac et Marie-Hélène Fabre
Retranscription par Bérénice Serra
[1] Tsukamoto Y., Kaijima M., Fujimori T., Nango Y., Washida M., Walker E. The Architectures of Atelier Bow-Wow: Behaviorology. New York : Rizzoli, 2010.
[2] Catalogue de l’exposition éponyme qui eu lieu au Museum of Modern Art (MoMA) de New York, de novembre 1964 à mai 1965.
[3] Kaijima M., Momoyo J.,Tsukamoto Y., Made in Tokyo. Tokyo: Kajima Institute, 2001.
[4] Fujimori T., Masuda A. Kanban kenchiku. Tokyo : Sanseidō, 1988.
[5] Il s’agissait de masquer l’avant toit notamment et de créer des frontons en reprenant des codes de l’architecture occidentale européenne.
Rojo est aussi le nom donné par Fujimori à la « Société d’observation de la chaussée », groupe formé avec Genpei Akasegawa, Shinbo Minami, Joji Hayashi et Tetsuo Matsuda qui avait pour mission de relever des incongruités et des réminiscences urbaines.
Déchets, urinoirs, vêtements architecturaux, mégapoles egyptiennes en suspens, concours de conte de fées, Santiago Calatrava prophète à Londres, hutte à Détroit : la revue de presse du 14 février 2017
Besoin de déchets
L’Artiste Roxanne Reeve n’aurait jamais imaginé fouiller les décharges des zones industrielles de Seattle, Etat de Washington. Et pourtant, lors de ses trajets en voiture autour de la ville, elle s’arrête quand elle voit des objets intéressants mis au rebut, les collecte et les utilise comme matériaux de construction pour une expérience architecturale futuriste. Roxanne Reeve s’est convertie au concept d’Earthship, élaboré par Michael Reynolds en 1971. Reynolds avait construit à Taos, au Nouveau-Mexique, des maisons en canettes de bières, de sodas et de pneus. Chaque État des USA et 20 pays à travers le monde possèdent des avatars de cet habitat recyclé et autonome, indépendant des réseaux techniques d’énergie, d’eau, de communication, etc. Bien que certains ne voient dans l’Earthship qu’un concept ringard forgé par des écolos des années 70, Roxanne Reeve croit toujours à la pertinence de l’idée. “Je dirais que la communauté d’Earthship est en fait plus forte que dans les années 70, dit l’artiste, ‘je pense qu’elle a connu une forte croissance, car le design de l’habitat à évolué depuis 1970. Il est devenu de mieux en mieux ». Une amélioration de la qualité des déchets expliquerait-elle cette montée en gamme ?
Earthship sustainable architecture has been evolving since the 1970s. JENNY PARKINS/CC BY-SA 2.0/CROPPED via atlasobscura
Besoins de ville
Le produit est proposé en deux tailles, laqué d’une peinture rouge anti-graffiti, et coûte 3000 euros pièces : c’est l’Uritrottoir, une nouvelle arme décisive dans la lutte que mène Paris contre les « Wild pees », ou pipis sauvages. Il faut lire The Guardian pour apprendre l’existence de cet appareil qui doit faire perdre à la capitale, Ville-Lumière et ville de l’amour, son titre infamant de cité de la pisse, rappelle le quotidien anglais. Paris outragé, Paris humilié, et bientôt Paris soulagé par l’éco-pissotière ? Collecté par le biais d’un urinoir, le liquide biologique se déverse dans un cube rempli de paille. « Nous la transformons en compost, un fertilisant, dans une logique d’économie circulaire. Nous utilisons deux déchets, la paille et l’urine, pour en faire un produit qui fait pousser les plantes ». Comme dans tout bon équipement biotechno qui se respecte, l’Uritrottoir contient un système électronique qui sonne quand vient l’heure de collecter l’or du rein. Trois exemplaires ont été installés à Nantes, trois autres près de la gare de Lyon. « C’est un très gros problème pour la SNCF » témoignent Laurent Lebot et Victor Massip, inventeurs du système, « le soir quand les gens rentrent chez eux après une sortie en ville, ils se soulagent avant de reprendre leur train. Ça sent mauvais, coûte une fortune en nettoyage, et les voisins se plaignent». Pourquoi ne pas simplement rajouter des toilettes, sur les rails comme à la ville ? D’autant Massip et Lebot le reconnaissent : leur solution n’est pas adaptée aux besoins de la gent féminine.
À partir de juin, la dame de fer se ceindra d’une barrière de verre, pérennisation des barrières mobiles qui restreignent l’accès au parvis depuis 2012. Elle ne se sera pas réalisée dans n’importe quel verre, puisqu’il s’agit d’« une clôture antiballes qui englobera l’essentiel des jardins de la tour Eiffel », a indiqué Bernard Gaudillère, président de la Société d’Exploitation de la tour Eiffel aux élus siégeant au Conseil de Paris. Un mur de verre haut de 2,5 mètres facturé 20 millions d’euros. Tout en comprenant les impératifs de sécurité, les élus UDI et EELV redoutent que la tour Eiffel ne se transforme en forteresse. « Ces mesures ne doivent pas dénaturer les aspects architecturaux des alentours », insiste une élue locale LR. « Tous les travaux de sécurisation de la tour Eiffel se font en concertation avec les Architectes des Bâtiments de France pour que cela s’insère le mieux possible dans le quartier », assure Jean-François Martins, adjoint à la maire chargé du tourisme. Nous voilà rassurés.
Tant qu’il y aura des bâtiments, Pierre Kauffmann sera toujours bien vêtu. L’artiste a inventé le Pika-Monument, un concept de création d’accessoires vestimentaires mimant des œuvres architecturales contemporaines. Une fois son costume archimimétique réalisé, Kauffmann se prend en photo devant l’original : on peut ainsi le voir habillé en Metropol Parasol sous l’œuvre éponyme à Séville, face à une grue de l’île de Nantes, ou devant la cité de la mode et du design, coiffé de ce qu’un ancien président de la République pourrait qualifier de « truc vert ».
Londres vient de charger Calatrava de construire un pont et un complexe résidentiel d’1,16 milliard d’euros – budget de départ. Le journal El Español fait une revue partiale et partielle des ponts de l’architecte valencien qui ont défrayé la chronique, tel le pont Bach de Roda (Barcelone), « dont la couleur (blanche choisit par l’architecte) a évolué vers une teinte qui rendent son œuvre reconnaissable ». Un colori incertain que l’on imagine douteux, comme les tirants du pont de l’Alamillo (Séville), « qui pourrait fonctionner sans ses grands câbles (lui donnant l’aspect caractéristique d’une harpe, NDLR), trop inclinés pour vraiment pouvoir remplir une fonction structurelle », ou le pont du Zubi Zuri (Bilbao), dont les plaques de verre du tablier assumaient la fonction complémentaire et non souhaitée de patinoire lors des jours de pluie. Calatrava ayant présenté les futur projets de Londres comme la synthèse de 35 années de carrière, le journal s’angoisse « qu’est-ce que cela va donner? ».
Au sein des prix et concours d’architecture, la «Fairy Tales Competition» tient une place à part : elle invite chaque année des architectes à réfléchir à concevoir des projets pour des mondes parallèles, d’autres dimensions ou de purs univers de science fiction. Plus de mille participants ont pris part à la quatrième édition de l’évènement, qui avait cette année pour thème les «fables environnementales». L’abondance de telles fables dans le monde réel semble avoir poussé les compétiteurs à aller toujours plus loin dans l’invention. Le premier prix a été décerné à Mykhailo Ponomarenko, un architecte russe installé en Floride. Son projet prend pour point de départ une découverte des scientifiques soviétiques permettant la suppression de la gravité et l’attraction terrestre, invention qui ouvrit la voie (l’histoire se déroule dans les années 60) à la construction de ville «Saturne» circulaires bâties dans des anneaux arrimés ou creusés à flanc de montagne. D’autres lauréats lorgnent du coté d’Archigram. Le troisième prix est l’occasion de pousser un trop rare cocorico, puisqu’il est attribué à deux architectes français, Ariane Merle d’Aubigné et Jean Maleyrat, pour «Dessus en haut», une cabane construite par des réfugiés, qui l’on perché sur longue échasse pour échapper à l’oppression, les normes et les inégalités qui règnent à la surface de la terre.
Nous avions pratiquement perdu Detroit, tuée par la fuite de ses habitants, et voilà que la population affluerait en masse dans la ville du Michigan, attirée qu’elle serait par un nouveau type de logement économique en demi-cylindre métallique, rappelant au matériau près « Château de France » et ses igloos de fibrociment, une cité d’urgence construite au sortir de la guerre à Noisy-le-Grand grâce aux dons généreux de Charlie Chaplin. Baptisée Quonset Hut « Les unités sont conçues pour offrir des espaces de vie et de travail dont la finition est laissée à l’initiative de l’habitant ». L’agence de Los Angeles EC3 s’est chargé de la conception de neuf exemplaires de ces maisons. La motor city serait-elle en pointe dans la hutte pour l’habitat économique ?
Industrial Quonset huts built in Detroit’s Core City neighborhood off of Grand River Ave. and 16th St. as a future live-work community. Feb. 10, 2017. (Courtesy of ABOVE THE FOLD) via mlive
Plus besoin de mégapole
Le gouvernement égyptien peine à trouver les entreprises pour construire sa nouvelle capitale, à une trentaine de kilomètre du Caire, sur 750 km2. Le budget de travaux est de 45 milliards – somme qui permet l’installation d’un aéroport international et d’un parc d’attraction de taille quatre fois supérieure à Disneyland. La China Fortune Land Development Company, intéressée par ce chantier rentrant dans le cadre de la politique des «Nouvelles routes de la soie» vient de jeter l’éponge. C’est la deuxième entreprise qui renonce, cette fois faute d’avoir pu trouver un accord financier avec les autorités locales. «Les travaux seront réalisés par des mains égyptiennes» martèlent les généraux au pouvoir. Le portable de Numérobis va bientôt sonner sans discontinuer.
La transformation de la faculté Paris II Panthéon Assas en « Learning Center » par Alain Sarfati Architecture interroge sur le passage d’une remise aux normes à celui d’une complète restructuration-extension.
Construite en 1960 par Noël Le Maresquier, la faculté Paris II Panthéon Assas s’avérait en 2000 vétuste, exiguë et inadaptée au nombre croissant d’étudiants. La menace de sa fermeture imposait une remise aux normes. Protection incendie et sécurité ont été les premiers fers de lance de cette restructuration ; une commande technique complétée dans un premier temps d’une bibliothèque. Convaincue par cette première opération, un chantier en appelant un autre, l’université a demandé à l’agence Alain Sarfati Architecture de poursuivre la restructuration-extension avec restaurants, salles de sport, salles de réunions, salles de cours et patio. Passant de 25 000 m2 à 30 000 m2, les études et les chantiers s’étaleront sur une quinzaine d’années.
« D’une simple commande de mise aux normes, on est passé à la réalisation d’un espace plurifonctionnel qui s’est développé sur l’intégralité du bâtiment » précise l’architecte. Pour le concevoir, il s’est interrogé sur les conditions d’adaptabilité de l’espace aux nouveaux processus de travail et d’acquisitions des connaissances, liée à la nouvelle « génération vautrée » capable d’apprendre allongée sur des sofas, ordinateur sur les genoux (des dispositions aujourd’hui pompeusement baptisées du terme de Learning Center, dont l’exemple le plus emblématique semble être celui de l’EPFL à Lausanne). Pour Sarfati, la transformation de la société doit avoir un impact évident sur l’architecture. Rejetant l’espace neutre et polyvalent qu’il compare à celui d’un parking, il revendique une architecture fluide certes, mais surtout métaphorique, poétique et atmosphérique : « l’architecture se doit d’être plus émouvante qu’impressionnante ». Selon lui, elle doit produire du sens et offrir une multitude d’interprétation possible et non univoque, de la même manière que l’œuvre contemporaine est « œuvre ouverte », théorisée par Umberto Ecco en 1965*.
L’université ne se dévoile pas au premier coup d’œil, mais propose une promenade urbaine, induisant des découvertes permanentes et quotidiennes. « Ici, c’est un peu comme une table à la française, où les mets se succèdent, depuis l’apéritif, l’entrée, le plat, le fromage, les desserts jusqu’aux entremets ; une conception radicalement différente des chinois, qui mettent tout sur la table », menu servi à table contre buffet à volonté, ironise l’architecte. Ces principes sont transformés en dispositifs spatiaux : diversité, variation, articulation. Ils engendrent une multitude d’espaces conviviaux, non disparates mais différents, articulés à l’ensemble tout en restant autonomes. Chacun des projets a trouvé son origine dans les contraintes qu’étaient la mise en sécurité, la mise aux normes, l’amélioration technique ou l’optimisation du programme ; une inversion du processus habituel de conception. L’occasion pour Sarfati de mettre en garde contre des programmations aujourd’hui trop détaillées, si précises qu’elles en deviennent inaptes à suivre l’évolution des pratiques.
* Théorisation de l’œuvre contemporaine dite ouverte par opposition à l’œuvre classique très déterminée. L’œuvre ouverte ne peut jamais être réduite à une seule interprétation.
Centre universitaire. Maîtrise d’ouvrage : Université Paris II – Panthéon-Assas. Maîtrise d’œuvre : Alain Sarfati Architecture. BET, économiste, OPC : EGIS. Lieu : 92 rue d’Assas, 75 006 Paris. Performance énergétique : conformité réglementaire 2000. Calendrier : Concours : 2000. Études / Études Générales – 2001 /2002 Bât. E – 2003 Bât. ABCD – 2004 / 2005 Bât. F : 2011 Espaces Extérieurs : 2014 Appels d’offre / Bât. E – 2003 Bât. ABCD – 2006 Bât. F – 2011 Espaces Extérieurs – 2015 Livraisons / Bât. E – 2007 Bât. ABCD – 2012 Bât. F – 2015 Espaces Extérieurs – 2016. Surface : 28 300 m2 Montant global des travaux : 47 400 000 € HT
Programme
1 bâtiment entièrement équipé du Wifi et accessible sur 8 étages – 6 amphithéâtres – 51 salles de TD – 14 locaux dédiés aux associations étudiantes – 3 lieux de restauration nouvelle génération – 1 salle de sport – 5 salles collaboratives – 17 écrans tactiles dans les salles de travaux dirigés -1 système de contrôle d’accès par badge – 3 murs de 9 écrans dont 1 dédié à la vie associative – 28 écrans d’informations installés sur l’ensemble du bâtiment – 4 appartements pour les professeurs invités – 1 nouvelle bibliothèque de 2500m2 offrant – 1 salle de lecture de 1 800 m2 – 450 places – 700 m2 de réserves et de bureaux – 1 Patio et ses « planches » en extérieur
Prenant la relève de l’équipe menée par Marcel Smets et Anne-Mie Depuydt (uapS), le groupement réuni autour de Jacqueline Osty (paysagiste mandataire) et Claire Schorter (architecte-urbaniste) a été choisi pour assurer la maîtrise d’œuvre du projet urbain de l’île de Nantes jusqu’en 2024. Sont associés MA-GEO (bureau d’études en génie urbain), Roland Ribi & associés (bureau d’études mobilité), Quand même (exploration, participation) et Concepto (bureau d’études conception lumière).
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