Tadao Ando s’approche du ventre de Paris

Tadao Ando s’approche du ventre de Paris

Cette fois, c’est la bonne : Tadao Ando va enfin réaliser l’antenne parisienne de la collection Pinault, après une première tentative d’implantation avortée à la pointe ouest de l’île Seguin en 2005. C’est un lieu beaucoup plus central, l’ancienne bourse du commerce, qui accueillera fin 2018 un musée dont le contenu exact reste à préciser. Quoi qu’il s’y passe, il faudra tenir un demi-siècle : la Ville de Paris a en effet concédé à Pinault un bail emphytéotique de 50 ans. Aillagon, ancien ministre de la Culture et aujourd’hui conseiller du milliardaire collectionneur, a surpris en annonçant que François Pinault n’avait pas souhaité donner à ce futur musée la forme juridique de la fondation, renonçant du même coup aux allégements fiscaux afférents – une pierre jetée dans le jardin d’acclimatation de qui vous savez. Un bel allégement des charges locatives devrait compenser ce sacrifice. Le loyer fixé par la Ville atteint les 7,5 millions d’euros les deux premières années, et descend ensuite à 60 000 euros annuels sur le reste du bail, avec une part variable annexée sur les bénéfices commerciaux générés par l’activité muséale. Si l’on postule — mais ce n’est qu’une hypothèse — que les deux premiers loyers reflètent le prix réel de la location, l’allègement de loyer s’élèverait à 357 millions, plus de trois fois le prix des travaux d’aménagement du musée pour l’instant estimés à 108 millions d’euros. Un beau cadeau, auquel s’ajoutent les 21 millions déboursés par la Ville pour obtenir le déménagement de l’ancien occupant et propriétaire des lieux, la chambre du commerce et de l’industrie. Reste une Anne Hidalgo « fière & heureuse » d’avoir un tel mécène, et de doter le centre de la capitale d’un nouveau lieu qui va renforcer cette attractivité dont la mairie semble toujours avoir peur de manquer. La collection Pinault sera au centre d’un «cluster» des arts, entre le centre Georges Pompidou et le Louvre, au pied d’un jardin dont la maire de Paris affirme qu’il fera date.
François Pinault et Tadao Ando. Crédit : © Fred Marigaux 2016. Courtesy Collection Pinault – Paris.
Image de synthèse; le promenoir et l’oculus, au sommet du cylindre. Crédit : © Artefactory Lab ; Tadao Ando Architect & Associates ; NeM / Niney & Marca Architectes ; Agence Pierre-Antoine Gatier. Courtesy Collection Pinault – Paris.

Le musée Pinault, ainsi qu’on le nommera avant que son nom définitif ne soit communiqué, sera la deuxième œuvre d’Ando à Paris. En 1995, Ando avait réalisé dans les jardins de l’UNESCO un espace de méditation de forme cylindrique. À la Bourse du commerce, il revient avec… un cylindre, bien sûr, mais il faut admettre que le bâtiment circulaire dessiné par Le Camus de Mézières (1763-1766), couvert par Belanger et Brunet (1806-1813), revu par Blondel (1885-1889) se prête naturellement aux formes simples prisées par le Pritzker d’Osaka. De plus, le cercle est une figure jamais tentée pour un musée, rappelle Ando, utilisant un argument semblable à celui utilisé par Henri Ciriani pour vanter le parti original de son musée de l’Arles Antique dans les années 90. En plan, une série de cercles concentriques avec au centre un volume dont les parois imitent le béton massif, mais sont en fait réalisés dans une structure acier recouverte de parements béton de 14 cm sur ces deux faces. L’ouvrage descendra jusqu’au premier sous-sol et sera réversible. Intervenant dans un bâtiment à caractère historique, Ando doit tenir compte de l’existant et travaille avec Antoine Gatier à la conservation des éléments existants plus ou moins précieux, à commencer par un dallage de sol en terrazzo que tout un chacun jugerait banal, mais qui est en fait le premier du genre réalisé suivant des procédés industriels par une entreprise de Normandie au milieu du XVIIIe siècle, et contient des marbres rouges des Pyrénées. Le point le plus délicat reste la restauration de la coupole métallique façonnée au début du XIXe siècle par la manufacture du Creusot, alors plus familière de la fonte de pièces d’artillerie. La mésentente entre Bélanger, l’architecte, et Rondelet, l’inspecteur, entraîna des retards qui finirent par contrarier Napoleon Ier. Son ministre de l’intérieur menaça de suspendre les paiements de toutes les personnes rattachées au chantier, architecte compris. L’historien Mark Deming a retrouvé la réponse de Bélanger « Je n’ai plus qu’un seul parti à prendre si l’on persiste à m’invalider : c’est de demander ma pension, ou de vendre à la porte de la Halle les détails de la coupole, assis comme Diogène dans un tonneau et disant aux passants « Ayez pitié d’un architecte qui a été honorablement ruiné ». François Pinault ayant affirmé qu’il voulait aller vite, et Aillagon donnant raison à cet esprit de diligence, il est peu probable que l’on retrouve le Pritzker 1995 tendant sa sébile devant la porte de la Bourse. Rendez-vous début 2019 donc, pour voir le nouveau visage de la Halle aux grains, décor inoubliable du film « touche pas à la femme blanche » auquel on souhaite des situations aussi jubilatoires que celles imaginés par Marco Ferreri en 1974.

Olivier Namias

 

Coupe est-ouest Crédit : © Artefactory Lab ; Tadao Ando Architect & Associates ; NeM / Niney & Marca Architectes ; Agence Pierre-Antoine Gatier. Courtesy Collection Pinault – Paris.
Image de synthèse; salle d’exposition en double hauteur avec éclairage zénithal, murs ouverts ou fermés. Crédit : © Artefactory Lab ; Tadao Ando Architect & Associates ; NeM / Niney & Marca Architectes ; Agence Pierre-Antoine Gatier. Courtesy Collection Pinault – Paris.

 

Intervenants

Maîtrise d’oeuvre :
Tadao Ando architect and associates
Pierre-Antoine Gatier
Niney/Marca architectes
Setec Batiment

Entreprise générale :
Bouygues construction

 

Poules, pixels, Russie, Chine, dynamite : la revue de presse du 28 juin 2017

Poules, pixels, Russie, Chine, dynamite : la revue de presse du 28 juin 2017

Entre poules et pixels, entre Russie et Chine, de la Dynamite en architecture : la revue de presse du 28 juin 2017

 

L’architecture de pixels

Matt Shaw, journaliste à Archpaper, commente une série de projets imaginaires qui ont récemment fait le « buzz » sur la toile, comme ce gratte-ciel arrimé à un astéroïde flottant au-dessus de New York. « Pourquoi “pendre” un gratte-ciel à un astéroïde, et pourquoi prenons-nous cette élucubration au sérieux ? On trouverait difficilement objet plus inutile pour le débat architectural ». Autre projet s’attirant les foudres de Shaw, le Big Bend, réunion de deux IGH à leur sommet par un coude, ce qui lui donne la forme d’un U inversé. « Il pourrait devenir le plus long du monde », s’enthousiasmait le Huffington Post devant ce qui est pour Shaw la version architecturale de la fake news. « Même pas une idée convaincante, que l’on pourrait à peine qualifier de formaliste, et encore moins d’architecture conceptuelle ». Pour Shaw, Dror Benshetrit, l’architecte de ces projets, est moins à blâmer que les réseaux et les nouvelles formes de communication. « Aujourd’hui, les idées se diffusent à travers des médias peu sélectifs, comme les tweets de 140 caractères dont les jeunes auteurs ont qui troqué l’écriture pour la régurgitation de fragments critiques en suspension dans l’éther ». Pour nourrir la bête et étancher sa soif de clics, n’importe quoi fait l’affaire. « Le résultat est que les mauvaises idées peuvent arriver au premier plan et se placer au centre des discussions architecturales très facilement, grâce aux algorithmes. Ce qui passe pour “radical”, “idée”, “théorie”, et “concept” s’érode désormais aussi vite que les discours politiques ». L’architecture de papier était plus durable !

Via Archpaper

L’architecture a-t-elle une crise d’idées? (Courtesy Oiio Studio/via Huffington Post)

 

Mode vs architecture

« Juste avant d’aller en cours, l’étudiante en journaliste Espe Hernandez et l’étudiant en architecture Sebastien Gomez posaient dans leur jean déchiré favori et partageaient l’image sur les réseaux ». Leur blog, twotrends, est devenu un business à plein temps qui leur a ouvert les portes de publications prestigieuses comme Ocean Drive Magazine et Marie Claire Taiwan. « À l’instar d’un architecte qui doit imaginer un immeuble avant qu’il soit construit, nous projetons où nous voulons amener “twotrends” » explique Gomez, qui assure la direction artistique, tandis que Hernandez écrit. « Quand nous avons commencé notre blog, il traitait principalement de vêtements et de mode, puis nous nous sommes aperçus que les lecteurs s’intéressaient aussi à nous — ou nous nous sortions, ou nous voyagions et à ce que nous portions ». Et rien sur l’architecture qui faisait vibrer « Espe et Sebas » ? Le professeur d’architecture de Gomez a insisté sur l’importance d’avoir une mentalité d’entrepreneur, et l’a encouragé à poursuivre son activité on-line.

Via FIU 

 

Chaud Paris

Paris chauffe-t-il ? oui, peut-on affirmer depuis l’épisode de canicule qui a frappé la capitale à la mi-juin, exposant les revers de la minéralité urbaine. En pierre et avec peu de végétation, la Ville lumière se transforme facilement en Ville fournaise. « Ainsi quasiment toute la capitale est un « îlot de chaleur ». Les immeubles haussmanniens les toits en ardoises ou cuivre sont de véritables pièges à chaleur. Tous ceux qui habitent au dernier étage peuvent en témoigner aisément. Ginette, retraitée, a vu le thermomètre grimper à 40° dans son logement du XVIIe arrondissement » rapporte le Parisien. Le plan « Chalex » permet aux plus vulnérables de rejoindre des lieux climatisés, une solution d’urgence en attendant la mise en place de dispositifs plus pérennes. « Paris a une densité de population et une architecture historique. On a détruit pour construire et on le paie aujourd’hui. Sans parler des rues et de la présence de la voiture. Bilan, la capitale est très sèche. Mais à l’image du quartier Clichy-Batignolles, on peut changer la donne. En mélangeant eau et végétal, on a créé du bioclimatisme. Sans parler d’un enrobé qui va être prochainement testé à Paris, le CLN (NDLR : Cool low noise). Il permet de réduire le bruit, mais aussi d’évacuer la chaleur » explique Erwan Cordeau, spécialiste air, énergie et climat à l’IAU. Sebastien Maire, responsable de la résilience à la Mairie de Paris, imagine d’autres solutions pour faire face au cycle de canicule, qui seront le lot d’un été sur deux à partir de 2050. L’une d’entre elles mobilise l’eau « pour rafraîchir la ville, on a besoin d’eau, pour brumiser, arroser… et celle-ci doit répondre à des critères sanitaires. Ce qui appuie le choix actuel de rendre la Seine aux habitants. On doit pouvoir l’utiliser pour se rafraîchir, comme aux siècles passés. Dès cet été, on se baignera dans le bassin de la Villette, dès 2019 dans le lac Daumesnil. La Seine et ses affluents sont donc un atout, à préserver ». Albert Levy, architecte et urbaniste, dresse un diagnostic alarmant sur l’ICU (l’îlot de chaleur urbain) parisien : « Par ses caractéristiques urbanistiques, Paris est vulnérable aux canicules, il faut donc veiller, dans le contexte du changement climatique actuel, à ce que les politiques urbaines menées ne renforcent cette vulnérabilité, rendant in fine, à certaines périodes de l’année, la ville inhabitable ». À l’encontre de la politique de la ville de Paris, il prône un urbanisme de verdissement et d’introduction de l’eau et de dédensification. Pour tout aller dans des « chalex » ?

Via Le Monde, Weka, Le Parisien

Carte des îlots de chaleur en pleine nuit à Paris IAU-IDF via Le Parisien

 

En ville avec ma Poule

Les temps ont changé, et les défis urbains qui s’annoncent peuvent prendre des formes inédites. La ville québécoise de Saguenay, en a fait récemment l’expérience « À la mi-avril (la conseillère municipale Martine Gauthier) a fait plusieurs interventions pour en arriver à un règlement afin d’autoriser les poules en ville. (…). Il n’est pas question d’improviser un règlement et on se doit d’en connaître les tenants et aboutissants. Nous avons recommandé de poursuivre (une) analyse », explique le conseiller Jonathan Tremblay, président de la Commission des Services communautaires ». Si, par le passé, le sujet ne posait sans doute aucune question, il en va autrement dans la société contemporaine. De nombreux freins doivent être levés avant d’inviter sa poule chez soi. Le Service de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme analyse la possibilité de modifier le règlement de zonage pour permettre l’élevage de gallinacés sur les propriétés résidentielles. « Le bien-être des animaux et la protection de l’environnement sont des préoccupations majeures pour l’élaboration d’un règlement municipal relatif à la garde des volailles en milieu urbain. « Les problèmes sont, notamment, les gens peu informés, l’abandon des animaux, l’impact sur le voisinage, l’intégration d’un poulailler avec un environnement urbain, l’entretien de l’installation d’élevage et la gestion des excréments et l’élimination des poules mortes. Donc, avant d’entreprendre une modification réglementaire, on recommande d’y aller par étapes, soit de créer un comité avec les intervenants potentiels, de proposer un cadre réglementaire et organiser une consultation avec les citoyens intéressés par l’agriculture urbaine », a pour sa part expliqué le Marc Pettersen, président du la Commission de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme de Saguenay. Pettersen affirme ne pas vouloir faire du dossier un enjeu politique : les citoyens ont sûrement d’autres chats à fouetter.

Via Le Courrier du Saguenay 

 

Voyage en Russochinie

Fondée en 1898 par des ingénieurs russes venus construire les chemins de fer de l’est de la Chine, Harbin a vu affluer plus de 100 000 Russes blancs fuyant les soviets. Les Chinois s’y installèrent également, comme ouvriers ou marchands, et ceux atteignirent la prospérité y édifier des maisons de styles européens, selon des plans inspirés de leurs voisins européens. Une histoire qui a fait de Harbin une sorte de ville russo-européenne, qui voit son patrimoine menacé par la prospérité économique. La population chinoise se serait mobilisée pour éviter les démolitions. « Affligés par ce processus de destruction et responsabilisés par les réseaux sociaux, M. Bu, Mme Gao et d’autres habitants se sont mobilisés pour préserver ce qu’il reste de l’architecture russe de Harbin endommagée par la guerre, la révolution et désormais le réaménagement urbain ». La ville, qui prend lentement conscience de la valeur touristique de ces édifices, en conserve certains et tente d’en reproduire d’autres « Dans le quartier de Lao Daowai, la municipalité a expulsé les résidents, fait détruire les vieilles maisons pour les remplacer par des bâtiments reproduisant un style ancien loués à des sociétés commerciales. Ce projet dont il existe des équivalents dans de nombreuses autres villes chinoises ayant construit de nouvelles “villes anciennes” a été accueilli avec mépris par les défenseurs locaux du patrimoine qui jugent absurde de démolir l’architecture ancienne authentique pour bâtir des imitations ». « C’est un échec, car c’est factice », estime M. Hu ». En architecture comme ailleurs, il faut se méfier des contrefaçons.

Via Russie Info et The New York Times

La cathédrale Sainte-Sophie, centenaire, a été conservée en tant que musée à Harbin. Gilles Sabrié pour le NYTimes

 

Napoleon Dynamite

Pas besoin de détruire des bâtiments pour faire table rase du passé, ou du présent qui lui appartiendrait déjà. « Nous pensons qu’il faut dynamiter la façon d’enseigner l’architecture en France », affirment Christian Girard et Philippe Morel, créateurs du département digital knowledge à l’école d’architecture Paris-Malaquais. « Malheureusement en France les agences d’architecture sont en retard sur les innovations. Très peu d’entre elles ont des cellules de R et D, comme c’est le cas par exemple chez Norman Foster ou Zaha Hadid Architects. (…) Aujourd’hui on ne peut pas sortir d’une école d’architecture sans savoir programmer ou, au minimum, comprendre les principes fondamentaux de la computation, cela permet d’avoir une puissance opérationnelle. Mais, hélas, la tradition culturelle française assimile toujours l’architecte à un artiste. L’enseignement en Allemagne, en Hollande, en Suisse ou en Angleterre est un enseignement plus technique. En France, la computation n’est maîtrisée ni par les professeurs ni par les étudiants. L’anglais, qui est la langue de l’architecture, est encore trop peu utilisé. Si on ajoute à cela une forme de technophobie, on comprend le retard français dans la fabrication numérique ». Sacrés Frenchies enfermés dans leur village gaulois, toujours à la bourre d’une technologie ! « Par ailleurs, nous sommes la seule école d’architecture en France à avoir un robot. Nous essayons d’apporter aux étudiants une sensibilité au faire par la robotique, qui supprime la question de la malfaçon et ouvre des possibilités de construction sans commune mesure avec les procédés habituels », explique Girard, qui voit dans l’augmentation des moyens techniques une solution à la pénurie de logements et à une démocratisation de l’architecture, quitte à se passer de l’architecte. Pourtant, en face des robots, les étudiants du monde entier développent leur sensibilité au faire en se tournant vers le bricolage et le do-it -yourself. Entre le Low et High Tech, le geek et le bûcheron, qui est in, qui est out ?

Via Le Monde

Bras robotique du laboratoire d’architecture de Zurich. ANDREA DIGLAS/ ITA/ARCH-TEC-LAB AG

 

Olivier Namias

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

Alors que labels et normes sont en crises, l’agence Naud & Poux propose une autre vision de la durabilité, interprétée sous la notion de pérennité. Pari(s) 2072, appliqué aux 68 logements du boulevard Davout, propose des solutions de résilience allant à l’encontre de l’obsolescence programmée, déjà constatée dans les produits de consommation courante, mais pas encore assumée dans les « produits » bâti.

Pour être durable, soyons pérenne

Dans le cadre du concours EDF Bas Carbone 2012, l’agence Naud & Poux s’est interrogée sur la ville durable : « Labels, certifications et autres normes et réglementations ont fait leur apparition conjointement, en même temps que naissait la conscience d’une démarche environnementale. C’était il y a une dizaine d’années et c’était important pour contraindre et mettre l’ensemble des décideurs sur la voie de la raison. Pourtant la raison ne s’accommode pas bien de la pensée normative. HQE, BBC, RT et autres se côtoient, s’ignorent, se choquent et s’entrechoquent dans une jungle réglementaire assez cocasse, jusqu’à devenir parfois contre-productive ». Normes et réglementations montrent là leurs limites. Il devient nécessaire de dépasser l’énergie « normée » pour penser l’énergie « grise » ou « globale », soit celle du cycle de vie d’un bâtiment : construction, modification, démolition. Ainsi, pour construire durable, il faut déjà prendre en compte la notion de « durer ».

« Pari(s) 2072 se projette dans un monde où un bâtiment construit en 2012 continuera à rendre de bons et loyaux services en 2072 » introduisent les architectes, Elizabeth Naud et Luc Poux. Ils proposent un travail sur la résilience, prenant le contrepied de l’obsolescence programmée des constructions depuis les années 1950. Alors que pendant des siècles, selon eux, la ville s’est reconstruite sur elle-même par superposition, stratification, adjonction, greffe, empilement, etc, ces constructions auraient manqué de vues prospectives. La ville durable s’assimile à une ville qui se renouvelle. « Pour demeurer, les constructions doivent être capables d’accepter les évolutions, les transformations, les mutations pour remplir de nouvelles fonctions, de nouveaux usages », précisent les architectes. Une pensée durable qui s’associe à la notion de densité, pour les architectes qui citent Aristote (-384 -322) : « les hommes se rassemblent dans les villes pour vivre. Ils y restent ensemble pour jouir de la vie. »

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Application à un ensemble de logements

« La démolition d’un bâtiment moderne pour en construire un autre nous donne l’occasion d’une nouvelle interrogation sur l’obsolescence des bâtiments et leur incapacité à s’engager dans une deuxième vie (…) Le projet Davout – du nom de son boulevard – s’est imposé naturellement comme site expérimental de notre réflexion », expliquent Naud et Poux. Dans le cadre d’une requalification territoriale, et plus précisément d’une opération de re-logement, le projet consiste à construire 68 nouveaux logements, ainsi qu’une crèche et des locaux associatifs, avant de démolir les barres vétustes, énergivores et les plus exposées au bruit du périphérique, du secteur Python Duvernois. A savoir, selon les architectes, le coût en énergie grise de l’opération de démolition équivaut à 18 ans de consommation dans le nouveau bâtiment. De quoi motiver un travail sur la résilience.

Depuis la porte de Bagnolet jusqu’à celle de Montreuil, entre le périphérique et le boulevard des Maréchaux, le site s’inscrit dans la bande historique des HBM qui ceinture la capitale. La composition architecturale du projet est dense (COS 4), sur une parcelle épaisse de 29 m. Elle se découpe en un épannelage des toitures allant du R+4 au R+8, mixant l’image du collectif et l’archétype de la maison individuelle en attique. Le plan en Svastika se développe autour d’un patio, reprise de la cour haussmannienne, désenclavée par des circulations pénétrantes. Celles-ci vont chercher la lumière en façade, avant de longer le patio et de rejoindre les noyaux de circulations verticales. Elles desservent des appartements traversants ou d’angles. Ce système de plan permet d’orienter les pièces principales vers l’extérieur, et de disposer les pièces d’eau autour du patio, de façon à ce qu’elles bénéficient elles aussi de lumière naturelle. Aux extrémités des quatre ailes, les cuisines traversantes jouent d’un décalage en façade que souligne le bardage en verre émaillé, libérant des terrasses en bout, tantôt une, tantôt deux. Sur leurs longueurs, elles sont bordées de balcons filants. Ils dégagent des vues et des orientations. L’ensemble, posé sur un socle homogène recouvert d’une peau de métal déployée, composent ainsi 4 façades qui ne laissent aucun pignons aveugles, hormis celui en façade nord près à recevoir une futur construction de logements privés, afin de constituer un front bâti sur le boulevard. Quand à la végétalisation des terrasses, si elle est fortement incitée par l’agencement d’une serre partagée au dernier étage (qui offre, qui plus est, une vue imprenable sur les alentours) et par des supports de végétalisation déjà en place, elle est laissée à la libre appréciation des usagers.

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Référence à la Villa Tugendhat de Mies Van der Rohe avec ce T2 en toiture terrasse, qui prend la forme archétypale d’une maison individuelle sous sa toiture à deux pans. L’entrée se fait par la terrasse, qui ceinture l’habitation, dont les pièces principales dotées de parois vitrées toute hauteur se développe autour d’un bloc humide.

 

Contre l’obsolescence programmée, des propositions de résilience

Si déjà la construction est forte d’une composition extrêmement cohérente et d’un souci du détail, se posent encore les enjeux de durabilité et de mutabilité. « Comment dote-t-on le bâtiment pour assurer sa mutation dans 60 ans ? » posent les architectes. Ce à quoi ils répondent par des propositions de résilience, toutes chiffrées ; une donnée qui permet de les choisir les unes par rapport aux autres et de révéler l’ampleur de l’engagement et de l’anticipation. On notera que dans le plan du bâtiment, les typologies d’appartements sont strictement superposées, ce qui permet une économie budgétaire et constructive dans les descentes de charges et de fluides. Budget que la maîtrise d’ouvrage pourra placer dans les propositions de résilience.

La plus importante d’entre elle est la proposition d’une surélévation potentielle (101€/m2) comme réserve foncière. La structure globale, fondations et descentes de charges, est renforcée, autorisant la construction d’étages supplémentaires en structure légère sur 3 à 5 niveaux. Deuxième point, l’évolutivité des logements à 58€/m2. Une structure poteaux-poutres et façades porteuses à été préférée à des voiles de refends, libérant les cellules de logements de toute structure porteuse. De plus, la charge d’exploitation des planchers courants est augmentée, permettant l’installation de programmes divers. Pour les mêmes raison de mutabilité dans les usages, les architectes ont proposé de rehausser de 1,5 m la première hauteur de parking en sous-sol, la rapportant à 4 m, pour potentiellement installer une superette, une laverie, une salle de sport ou tout autre programme qui n’a pas nécessité à avoir un éclairage naturel ; une proposition à 17€/m2 qui n’a pas été retenue. Quand à la production d’énergie (chauffage et ECS – 2€/m2), elle comprend le raccordement au CPCU (réseau de chaleur urbain), l’installation de panneaux solaires et la récupération de chaleur sur eaux usées. Enfin, l’enveloppe pourra être améliorée (108€/m2), aussi bien en terme d’usage que de thermique, notamment par l’ajout de jardin d’hiver sur les balcons, qui permettent une pièce en plus tout en servant de tampons bioclimatiques.

Des propositions de résilience dont le coût total d’investissement de l’anticipation en 2012 était de 286€/m2. Voici donc un bel exemple de projet « durable » où la pensée théorique a été savamment appliquée.

 

Amélie Luquain

 

 

 

Fiche technique :

Lieu : 138-140 boulevard Davout, Paris 20Maîtrise d’ouvrage : RIVP Maîtrise d’œuvre : Elizabeth Naud & Luc Poux, architectes associés BET TCE Structure, MEP and economist engineering, SAS Mizrahi Consultant environnement : Franck Boutté Programme : construction d’un immeuble de 68 logements sociaux, un local associatif et une crèche Labels BBC Effinergien Certification cerqual H&E profil A, option performance, Plan Climat de la Ville de Paris Surface SHON : 5600 m2 Montant : 12 M€ Livraison : 2017

Lauréat concours EDF Bas Carbone 2012 (Habiter la Ville Durable), mention spéciale prospective urbaine

 

Courtesy Naud&Poux / Schnepp-Renou

Des caves en Toscane : Marco Casamonti, Renzo Piano, Mario Botta

Contenu sponsorisé

A l’approche des vacances, un roadtrip architecture et hédonisme en Toscane à la découverte des nombreuses caves à vin qui jalonnent la région. Ici comme à Bordeaux, les grands vignobles font appel à des architectes de renom pour construire leurs chais.

Caves d’Antinori, Marco Casamonti pour Archea Associati © Antinori
Caves d’Antinori, Marco Casamonti pour Archea Associati © Antinori
Caves d’Antinori, Marco Casamonti pour Archea Associati © Archea

Direction Florence où nous attend la toute dernière Audi A5 cabriolet. Subreptice mais élégante, elle est équipée des dernières technologies en matière de sécurité et de connectivité pour rendre le trajet agréable. Outil de plaisir idéal pour découvrir cette région qui pénètre les sens, elle nous amène tout d’abord au cœur du Chianti à la découverte des monumentales caves d’Antinori conçues par Marco Casamonti pour Archea Associati. Au premier regard, aucun signe extérieur de la cave. C’était l’une des prérogatives imposées à l’architecte. La création de l’Homme se fond dans la nature pour devenir un écrin mystérieux en parfaite emphase avec le calme et la patience nécessaire à la conception d’un grand cru. La cave ne s’intègre pas au paysage, elle est le paysage. Pour autant le résultat n’a rien d’un bunker. Divers puits offrent un chemin à la lumière et l’immense baie vitrée qui parcourt l’ensemble du bâtiment en acier corten offre une vue à couper le souffle. L’intérieur lui, ressemble à un décor de film James Bond. Porté par un infini jeu de spirales et de volumes répartis sur 50 000 mètres carrés.

Caves de Rocca di Frassinello, Renzo Piano © Laurent André
Caves de Rocca di Frassinello, Renzo Piano © Laurent André

Cent trente kilomètres plus au sud, c’est une toute autre architecture qui nous attend : les caves de Rocca di Frassinello, font écho au passé médiéval de ces terres. Propriétaire et fondateur du domaine, le magnat de la presse italien Paolo Panerai a fait appel à son ami de longue date Renzo Piano pour concevoir l’édifice. L’architecte ayant baigné dans le milieu viticole durant son enfance comprend l’essence du métier de vigneron et réalise une structure fonctionnelle. Ainsi l’immense terrasse qui offre une vue sur le domaine n’a rien du délire mégalomaniaque d’un seigneur en manque de serf : la récolte effectuée, les camions déposent les raisins sur l’esplanade. Les meilleurs grains rejoignent alors directement les cuves situées à l’étage inférieur et reliées à la terrasse par des trappes dissimulées dans les briques rouges. Un cheminement vertical idéal pour le travail du fruit qui évite également l’utilisation de pompes gourmandes en énergie. Au cœur du complexe se trouve la plus importante des salles : la cave de vieillissement. Enfoui sous terre, ce théâtre de 40 m de côté est l’âme du domaine : 2500 barriques qui renferment un or rouge en pleine maturation. La conception de la pièce garantit une température et une humidité optimales sans recours à un procédé artificiel. Au centre de la pièce qui sert parfois de salle de concert, un puits de lumière relié à la terrasse. Les rayons de soleil y pénètrent grâce à un habile jeu de miroirs orientables situés au sommet de la tour. Cette dernière est probablement l’une des seules coquetteries de Renzo Piano. Parce que la fabrication n’est pas qu’une histoire de technique mais aussi d’émotion, il souhaitait pouvoir offrir un point de vue privilégié sur le vignoble. Un espace isolé, où la contemplation de la nature mène à la méditation. David LaChapelle qui a séjourné sur le domaine y trouvera l’inspiration et offrira en souvenir une émouvante réinterprétation du Jardin d’Eden, visible dans le hall principal.

Un attachement du vignoble à l’art que l’on retrouve dans l’exposition conçue par l’architecte Italo Rota et dédiée aux Etruscans, peuple ayant occupé les lieux sept siècles avant Jésus Christ, et déjà, producteurs de vin. Les vestiges de leur vie sur ces terres sont visibles à l’extrémité du domaine.

Cantina Petra, Mario Botta © Audi France
Cantina Petra, Mario Botta © Audi France
Cantina Petra, Mario Botta © Audi France

Troisième et dernière étape de ce voyage viticole, la très moderne cantina Petra dans le Maremme. Conçue par Mario Botta elle a été creusée dans la roche et n’occupe de fait qu’une seule face, tournée vers la mer Tyrrhénienne. Jouant sur les volumes et les niveaux afin d’offrir un parcours de fabrication évident et écologique, elle reprend une architecture circulaire, habillée à l’intérieur du bleu emblématique de l’architecte. Le clou du spectacle est la cave de vieillissement, humidifiée naturellement grâce aux écoulements qui se fraient un chemin dans la roche.

Oeuvres monumentales de Mauro Staccioli © Audi France

Avant de rejoindre la sublime ville de San Gimignano pour une visite de la Galleria Continua (implantée dans un ancien cinéma reconverti en galerie d’art contemporain), faites un petit détour par Volterra pour découvrir les vingt œuvres monumentales de Mauro Staccioli. Pour profiter pleinement de l’expérience, le cabriolet est indispensable. D’autant que les routes – superbes – se prêtent au plaisir de conduite, à condition d’avoir la monture idéale…

 

Laurent André

Jacques Mézard, nommé ministre de la Cohésion des territoires

Le Syndicat des Aménageurs Lotisseurs (SNAL) se réjouit de la nomination de Jacques Mézard à la tête du ministère de la Cohésion des territoires. L’ancien ministre de l’agriculture remplace Richard Ferrand. Le précédent ministre voulait, indique le SNAL, infléchir la politique du logement pour l’orienter sur l’ensemble du territoire et non la dédier aux seules métropoles. La présidente du syndicat, Pascale Poirot, indique espérer « compter sur l’expérience d’un élu local, d’un président de communauté d’agglomération et d’un sénateur pour appréhender le territoire dans toute sa diversité et développer une vision large et pragmatique en faveur d’une politique du logement garante de la cohésion entre les bassins métropolitains, périurbains et ruraux (…) Il faut une dynamique nouvelle préservant l’âme de chaque territoire »

Farshid Moussavi livre un immeuble résidentiel au pied de la Grande Arche

Farshid Moussavi livre un immeuble résidentiel au pied de la Grande Arche

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L’architecte Farshid Moussavi  s’est livrée au difficile exercice de construire un immeuble résidentiel à usage mixte, positionné entre deux mastodontes que sont l’Aréna de Nanterre de Christian de Portzamparc et la Grande Arche. Fait notable d’autant plus qu’il s’agit du premier immeuble de logements construits depuis 30 ans à la Défense. Bordant au nord le cimetière de Neuilly, faisant face à la promenade de l’Arche au sud, le bâtiment est autonome, avec des vues ouvertes dans toutes les directions. Ses lames de 12 m de profondeur s’étagent en superstructure sur 11 niveaux. Il abrite 91 appartements traversant sur neuf niveaux, un niveau de penthouse en duplex, ainsi que 110 chambres étudiantes réparties sur six niveaux. « La répartition transversale des appartements permet de disposer d’un ascenseur et d’un noyau d’escalier tous les deux logements. Cette disposition leur confère un degré inhabituel d’intimité, évitant ainsi le traditionnel couloir de desserte », précise l’architecte. Les espaces extérieurs, alternativement en saillie ou en retrait, se différencient en façade. Les espaces saillants sont habillés de panneaux de persiennes coulissants en aluminium anodisé, ceux en retrait sont laissés ouverts. Ainsi, chaque logement est doté de deux types d’espace extérieur privé, de tailles différentes : une loggia à une extrémité, et un balcon de l’autre.

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Fiche technique :

Lieu Nanterre (92) Promoteur Les Nouveaux Constructeurs Aménageur EPADESA Architecte Mandataire Farshid Moussavi Architecture Architecte Associé Richez_Associés Collaborateurs Maître d’œuvre d’exécution / OPC : Auris. BET Façades : Werner Sobek. BET Fluides : Bérim. Economiste : Prima. BET Thermique : Ginko Ingénierie Programme 110 logements étudiants + 91 logements en accession (dont 72 en accession à prix maitrisé, et 9 appartements ‘sociaux’ réservés aux Nanterriens) + 5 commerces Surface 11.500 m2 Budget  20 M€ Livraison : 2017

Liste des entreprises :  Gros-oeuvre / Terrassement : Legendre.  Etanchéité : Cibetanche. Menuiseries aluminium / traitement façades : ATS. Serrurerie int. : TSO REALI. Menuiserie int. bois / cloisons / Faux-plafond : TBI. Plomberie / Chauffage / ventilation : UTB. Electricité / CFO-CFA : M2EP. Sol souple / carrelage / peinture. Parquet : Parqueteurs de France. Chapes : Chapes Coutinho. Boîtes aux lettres : Sirandre. Ascenseurs : EGERI APEM

Matériaux : Structure béton ; Bardage verre émaillé Antelio ; Menuiseries extérieures aluminium ; Persiennes aluminium anodisé naturel ; Platelage extérieur bois

 

Courtesy Farshid Moussavi Architecture / Frederic Souix et L’image Contemporaine

Centre Botín à Santander, Renzo Piano

Centre Botín à Santander, Renzo Piano

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Renzo Piano livre son premier ouvrage en Espagne : le Centre Botín à Santander inauguré le 23 juin 2017. Il accueille la programmation artistique, pédagogique et culturelle de la Fondation Botín, une des plus importantes fondations privées d’Espagne.

Réhabilitant pour la ville un ancien parking du terminal de ferries, le bâtiment surélevé étend ses 10 285 m² en bord de mer. Il est recouvert de 270 000 disques de céramique. Il compte des salles d’expositions de 2 500 m², un auditorium de 300 places, des salles de classe, des espaces de travail, un café-restaurant, une boutique et une terrasse sur le toit offrant un panorama sur la ville et la baie. Le Centre Botin est implanté dans les jardins historiques de Pereda, totalement restaurés et agrandis (40 000 m²) pendant l’aménagement, dans le cadre d’un projet dirigé par le paysagiste Fernando Caruncho en collaboration avec l’agence Renzo Piano Building Workshop.

Le Centre Botín ouvrira ses portes avec trois expositions, l’une consacrée à Carsten Höller, l’autre aux dessins de Goya, et la dernière à des œuvres de la collection d’art contemporain de la Fondation Botín. À l’occasion de cette ouverture, une commande a été passée à Cristina Iglesias qui a crée une nouvelle sculpture permanente pour l’espace public. Une exposition consacrée à l’artiste Julie Mehretu sera ensuite inaugurée dès le 24 octobre 2017.

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Courtesy Fundación Botín / Gerardo Vela et Belén de Benito

 

Une jeune équipe remporte le commissariat du pavillon Estonien : Weak Monument

Laura Linsi, Roland Reemaa and Tadeáš Říha, avec le projet « Weak Monument », remportent l’appel pour le commissariat du pavillon Estonien à la biennale d’architecture de Venise 2018, annonce le Centre Estonien d’Architecture.

3 propositions ont été soumises à la compétition internationale avec 5 passages à la deuxième étape de présentation publique qui a eu lieu jeudi dernier à Tallinn. C’est finalement cette jeune équipe, formée à Tallinn, à Prague et à Delft, qui a su convaincre le jury avec un cadre théorique bien préparé. Les architectes cherchent à interpréter l’héritage de l’architecture moderniste et son importance à l’heure actuelle, en affirmant que la faiblesse, l’ambivalence créative et l’incomplétude dans les projets pourrait être une force. L’objectif du pavillon est de juxtaposer deux concepts différents. Le monument étant un dispositif architectural qui emploie la mémoire par la forme et vise à stopper le temps ; la faiblesse signifie plutôt la flexibilité de changer et de s’adapter. La proposition cherche de nouveaux rôles et possibilités pour la pratique de l’architecture entre ces deux pôles, tout en répondant au thème général de la biennale de Venise.

DeA Architectes, la vêture comme ornement utile

Guillaume Delemazure implante son agence DeA Architectes en 2008 à Mulhouse. Précédemment associé de Herzog & de Meuron, Guillaume Delemazure revendique cette étape de sa carrière, avec une certaine fierté qui cherche à asseoir sa crédibilité. De Strasbourg à Bâle, en passant par Mulhouse, l’agence nous présente trois projets à la géométrie volontairement simple et au travail de façade que Delemazure voit d’une façon plus globale sous le terme d’« enveloppe », de « l’enveloppisme », en somme.

 

Centre de recherche en biomédecine de Strasbourg

A Strasbourg,  le centre de recherche en biomédecine est édifié sur le campus de la faculté de médecine. Il abrite des laboratoires de recherches modulables de haute technicité, en liaison directe avec l’hôpital universitaire. Le projet a convaincu par son implantation urbaine et par sa compacité, à la vue de la petitesse de la parcelle face à la surface nécessaire considérable. Sa volumétrie extrêmement simple, doté d’un plan rectangulaire organisé autour d’un atrium, sur 7 niveaux, et d’un édicule technique, assure, selon l‘architecte, efficacité, sécurité, et optimisation énergétique. Pour répondre à l’appétence de la maîtrise d’ouvrage envers un bâtiment iconique, les architectes ont travaillé sur une façade pour le moins singulière, à tel point que l’on ne peut que se retrouver perplexe ou ébahi, c’est selon, devant un parallélépipède enveloppé sous un ornement contemporain. Car c’est  bien de cela qu’il s’agit en  premier lieu : établir une iconographie, un motif, en l’occurrence à partir d’une image pixellisée. Une position d’autant plus assumée qu’elle se retrouve dans l’organisation même de la maîtrise d’œuvre ;  Groupe 6 étant l’architecte mandataire, et DeA l’agence qui a dessiné la façade depuis la phase concours jusqu’à la livraison, faisant de  l’enveloppe une conception à part entière. Les façades sont habillées d’une vêture unique, constituée de stores métalliques de couleurs différentes. Il s’agit en réalité de brise-soleil orientables, détournés pour être positionnés en bardage fixe. Tantôt orientable, tantôt fixe, l’ensemble se fond dans un même calepinage, constituant une enveloppe homogène.
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Maîtrise d’œuvre : Groupe 6 architectes mandataires / DeA architectes Co-traitant / WSP, CTE, Transsolar. Maîtrise d’ouvrage : Université de Strasbourg. Localisation : Strasbourg (67), France. Surface traitée : 13 060m2. Coût de construction ht : 21 M€. Livraison prévue : 2017

Photographies – DeA Architectes 2017 

 

Quartier d’affaires ZAC Gare à Mulhouse, îlots 5 et 6

A Mulhouse, même motif, même punition. Deux volumes jumeaux se toisent ;  leurs formes parallélépipédiques ont été préconisées par l’urbaniste de la ZAC David Mangin et assumées par DeA Architectes. D’une part, ces immeubles de bureaux se situent en zone sismique, ce qui définit une structure complexe. Le remplissage en panneaux bois limite la masse de la façade. Celle-ci est déportée de 90 cm par rapport au rez-de-chaussée, dont 20 cm pour la vêture laissant filtrer une large  lame d’air qui participe de l’isolation thermique. A nouveau, un revêtement unique, métallique, qui assume plusieurs fonctions comme celle d’enveloppe thermique  ou de garde corps. Egalement, la vêture dissimule 20% des fenêtres, assurant l’aspect monolithique des immeubles. Mais surtout, celle-ci rappelle la trame graphique et colorée des indiennes si caractéristiques de l’industrie textile de la ville de Mulhouse.
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Maîtrise d’oeuvre:  DeA architectes / CTE, Etmo, B2E. Maîtrise d’ouvrage: Nacarat. Localisation: Mulhouse (68). Surface traitée: 3700 mCoût de construction ht : 4,5 M€. Livraison : 2015. Lauréat Archi Design Club Awards 2016 «Catégorie Bureaux Neufs». Lauréat Palmarès 2016 de l’Architecture et de  l’Aménagement urbain d’Alsace

Photographies : DeA Architectes 2017 / P-M. Rouxel 2015

 

Aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg

Quand à l’aéroport de Bâle-Mulhouse-Fribourg, il connaît une forte croissance qui a engendré une stratégie de développement du site, compris entre l’aérogare principale et l’autoroute A35. Etabli par l’agence DeA, la première étape de cette stratégie est la réalisation d’un parking silo au Nord du site aéroportuaire, en 18 mois. Abritant 2500 places, il s‘étage sur 6 niveaux de 220 m de long, soit 70 000 m². Suivant la forme allongée du terrain, il s’organise autour d’une double rampe hélicoïdale, assurant la fluidité du programme. Il est entièrement revêtu d’une fine résille nervurée, a 50% poreuse, qui assure à la fois les conditions de ventilation et les contraintes de sécurité, tout en conférant un caractère monolithique à l’ensemble. De nuit, le bâtiment s’éclaire et fait figure de lanterne prête à accueillir les passagers.

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Maîtrise d’œuvre : DeA architectes / Gagnepark mandataire / Eiffage, Clemessy, Egis. Maîtrise d’ouvrage: Aéroport de Bâle Mulhouse. Localisation: Saint Louis (68). Surface traitée: 70 000 m2. Coût de construction ht : 25 M€. Livraison : Avril 2017

Photographies –  A. Taillard, DeA Architectes 2017 / P-M. Rouxel 2017

 

Amélie Luquain H. 

 

Processus et pratiques, une biennale lyonnaise qui appelle à être re-visitée

Processus et Pratiques, une thématique qu’a choisi d’interroger la biennale de Lyon pour sa première édition. S’inscrivant dans un territoire métropolitain aux grands projets dynamiques tels que Lyon Confluence, Lyon Part-Dieu, Carré de Soie, La Duchère, la biennale interroge les processus de fabrication de l’architecture et de la ville et les pratiques alternatives et citoyennes qui la forgent. Tout du moins, ce fut sa motivation pour lancer un appel à idées en juin 2016, proposant aux candidats de produire des utopies « concrètes ». Derrière cet antonyme, se dresse la volonté de présenter des initiatives réalisables plutôt que des postures visionnaires.

 

« Agro-écosystème urbain » et « ré-générations »

Organisée dans la Sucrière, équipement culturel emblématique du quartier Lyon Confluence, et hors les murs, le lieu accueille une trentaine de projets sur près de 1700 m2, ainsi que des conférences, tables rondes, studio radio, sommet international, explorations urbaines… Cependant, à la suite de l’inauguration, on en retient qu’un ou deux projets marquants. Ainsi, à quelques mètres de la Sucrière, l’agence Fabrique et l’artiste Thierry Boutonnier transforme une friche en une parcelle cultivée, où poussent du lin et du chanvre. A l’intérieur, la récolte est stockée et transformée en matériaux de construction biosourcés, notamment en blocs de béton de chanvre.  Cette « agro-écosystème urbain » ramène la production agricole en ville. La très belle installation de Studio Akkerhuis ne passe pas non plus inaperçue. Ré-générations est un jeu de simulation urbaine qui plonge l’utilisateur dans l’imaginaire paradoxal de l’anthropocène. Inspirée directement du World Game imaginé par Richard Bukminster Fuller en 1960, l’installation interactive cherche à responsabiliser le joueur en lui donnant le choix entre différentes alternatives d’innovations durables ;  toute nouvelle construction, symbolisée par des éléments en bois, devra, selon son implantation (s’étaler dans le campagne ou densifier, s’installer en bord de rivière ou dans la zone d’activité…) impacter à minima la « date de dépassement planétaire ». Dans une deuxième phase, le joueur devra compenser l’impact négatif de son opération en mettant en place des innovations écologiques. Un SimCity taille humaine, en somme. Si le jeu est remarquable par sa plastique et sa technologie, ses règles semblent tout de même difficilement appréhendables par le grand public et les réponses auxquelles elles mènent apparaissent évidentes.

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Aire d’attente, agence Fabriques et Thierry Boutonnier
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Aire d’attente, agence Fabriques et Thierry Boutonnier
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Re-génerations, Studio Akkerhuis
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Re-génerations, Studio Akkerhuis

L’Atelier des Utopies, des projets en fabrique

Dans ce même Atelier des Utopies – dont le nom nous rappelle qu’il s’agit de projets en cours, et que le temps de la biennale est une étape intermédiaire, de commencement ou de l’aboutissement d’une démarche de recherche – s’installent d’autres projets qui testent les capacités mécaniques des matériaux, des constructions modulaires qui interrogent les spatialités de l’agora, des « heterotopia » alias des capsules futuristes qui accueillent les imaginaires des habitants, des recherches en cours sur les « îles blanches » de nos agglomérations où sur la réactivation des territoires de nuit… Un ensemble amené à évoluer et muter dans le temps cours de la biennale, au gré des intervenants et des utilisateurs, mais dont le potentiel ne peut être apprécié que si la biennale se visite en deux temps, à son ouverture puis avant sa fermeture.

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Qui es-tu brique ? Amàco
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Territoires de nuit, AWP
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Hétérotopia, What Time is I.T.
les iles blanches_0101_biennale lyon
Les îles blanches, 0101

 

Amélie Luquain H.