D’Europa City à la grotte de Chauvet : la revue de presse du 31 mai 2016

EuropaCity, avenir de la culture pour Aillagon, Bofill revient à Abraxas, 176 000 ans d’architecture, de la pierre pour Paris ?

revue de presse
Barrault & Pressacco, 17 appartements pour la RIVP, 62 rue d’Oberkampf, Paris (Livraison 2017)

 

La tentation de Gonesse

Après la rue de Valois, Venise et Versailles, Jean-Jacques Aillagon se verrait-il un avenir dans le triangle de Gonesse, à la direction des arts du centre commercial EuropaCity ? On pourrait le croire, à la lecture de la tribune qu’il vient de publier dans Libération, véritable plaidoyer pour cette opération dont on craint qu’elle ne devienne le premier foyer zadiste en région parisienne. Des polémiques ? C’est qu’« un projet de ce type ne va pas sans ébranler quelques préjugés dont celui de l’antagonisme de principe entre culture et commerce ou encore entre culture et loisir » affirme en expert l’ancien ministre de la Culture en évoquant l’opération portée par Auchan et le leader chinois de l’immobilier commercial (le Dalian Wanda group). Sans s’attarder ni sur la nature ni sur le nombre des équipements faisant la valeur de ce Muségasin, Aillagon fait un rêve : « Puisse EuropaCity demain proposer une expérience tellement exceptionnelle de l’espace urbain qu’on pourra, dire et écrire “Ça se passe à EuropaCity et nulle part ailleurs”, comme on écrivait à la fin des années 70, dans Libération, “Ça se passe à Beaubourg et nulle part ailleurs”. Une nouvelle race de magasin, en somme, pour reprendre le slogan adopté par une enseigne concurrente toujours au milieu des années 70.

Europacity, une nouvelle frontière culturelle, Libération, 26 mai 2016

 

 

En sursis

Les propos de l’ancien ministre de la Culture du gouvernement Raffarin n’ont pour l’instant soulevé que quelques quolibets sur les réseaux sociaux. Aillagon est plus chanceux qu’Anne Hidalgo, qui vient d’être condamnée à 500 euros d’amende – avec sursis – et un euro de dommages et intérêts pour avoir diffamé Jean-François Cabestan, architecte et historien. Dans une interview au parisien du 24 octobre 2014, la maire de Paris reprochait à Cabestan « d’avoir utilisé des documents municipaux à des fins personnelles, pour un colloque », faute qui justifiait son non-renouvellement au sein de la Commission du Vieux Paris. Les prises de position de Cabestan contre plusieurs projets soutenus par la Ville pouvaient laisser planer un doute sur une éventuelle sanction prenant pour prétexte une violation du règlement. Le tribunal n’a pas suivi l’interprétation de la maire, relevant notamment que Cabestan n’avait jamais fait « l’objet de remarques ou de mises en garde sur cette utilisation de documents » et que l’évocation du seul cas de l’architecte-historien « alors que la question qui lui était posée était formulée en des termes généraux, traduit un manque de prudence et une intention de nuire incompatibles avec la bonne foi ». Anne Hidalgo a fait appel, Jean-François Cabestan n’a pas retrouvé sa place de membre à la commission.

Le Figaro, 24 mai 2016

 

 

Ricardo, le retour

« Paris centre est une ville magnifique, mais intouchable. On peut difficilement y faire d’architecture nouvelle, plutôt de la rénovation… contrairement à ici, où beaucoup de choses sont possibles. » Ici, c’est loin de toute commission du Vieux Paris, à Noisy-le-Grand, où Ricardo Bofill revient pour visiter son projet du Palacio d’Abraxas 33 ans après son inauguration. Lieu de tournage de nombreux films, dont Brazil et Hunger Games, l’endroit était très décrié par la municipalité précédente, qui voulait le détruire. La nouvelle municipalité LR n’a pas d’allergie à cet ensemble de 610 logements, que l’on revoit d’un œil favorable. Le plus français des architectes catalans a été accueilli en héros par les habitants, relate le parisien : « “Merci d’être venu jusqu’à nous, mais surtout merci d’avoir conçu cet endroit qui nous plaît tant, qu’on ne quitterait pour rien au monde”, s’enthousiasme Sabah Hamida, 43 ans, locataire depuis 18 ans, en serrant la main de l’architecte. “Vous avez créé un quartier solidaire avec un esprit de village, où les pauvres côtoient ceux qui ont plus d’argent, où les jeunes vivent avec les vieux”». Une autre habitante lui a présenté un nourrisson, son neuvième fils, le septième né au Palacio. Au beau fil du temps, cette heureuse résidente pourra rencontrer Pablo Bofill, le fils de Ricardo, qui donnera bientôt son visa aux travaux de requalification financés par l’ANRU, l’État, la Région et des fonds privés.

Thomas Poupeau, “Noisy-le-Grand : l’architecte star de retour au Palacio”, Le Parisien, 17 mai 2016

 

 

Néandertal architectes & associés

Contrairement à Ricardo Bofill, il ne visitera plus son œuvre, l’anonyme néandertalien qui a arrangé 400 morceaux de stalagmites découpés et agencés en anneau au fond d’une grotte du Tarn, à Bruniquel. Et pour cause : la cérémonie de pose de la première pierre eut lieu voici 176 000 ans, soit 130 000 ans avant l’occupation de la grotte Chauvet, considérée jusqu’alors comme la plus ancienne grotte habitée. C’est ce que nous apprennent les recherches effectuées après la découverte de cette grotte en 1990, recherches dont les résultats viennent d’être communiqués par les archéologues. À leur grande surprise, ils ont trouvé une «  preuve de l’appropriation du monde souterrain par l’Homme de Néandertal. Un schéma que nous n’avions pas du tout imaginé jusqu’à présent”, explique Jacques Jaubert, professeur de préhistoire à l’Université Bordeaux 1. Qu’en pense la commission du Vieux-Bruniquel ?

April Guillermard, “Une construction humaine vieille de 176 000 ans découverte à Bruniquel”, Culture Box, France info TV le 26 mai 2016

 

 

Ici c’est la pierre

Rêvé en pierre, Abraxas avait dû être construit dans un béton préfabriqué beige singeant le calcaire. Après-demain, un tel ensemble pourrait-il être réalisé en pierre véritable ? La question n’est pas saugrenue, elle a même été posée aux participants d’un workshop organisé par l’AIGP du 25 au 29 avril dernier. Le matériau pourrait être mis à contribution pour la production d’une partie significative des 70 000 logements à construire chaque année sur le territoire métropolitain. La ville a une histoire avec la pierre, notait Pierre Levy, l’architecte à l’initiative de l’événement. Le regain d’intérêt pour le matériau est perceptible, des bailleurs et des architectes l’utilisent déjà pour la réalisation de petites opérations, telle celle de 32 logements conçue par Barrault & Pressacco pour la RIVP. Écologique, elle reste plus chère que le béton. Les maîtrises d’ouvrages soumises aux baisses de dotations publiques ont tendance à s’en détourner, note le quotidien Les Échos. Il sera difficile de l’utiliser dans l’opération “réinventons nos places”, lancée par la Ville avec un budget de 30 millions d’euros pour sept sites, contre 24 millions pour la seule place de la République. Il ne reste plus qu’une solution : lancer d’urgence “réinventer la pierre”, incitation officielle à devenir complètement stone sans que personne ne vienne vous la jeter – la pierre.

Agathe Mercante “Grand Paris : des architectes militent pour la pierre”, Les Échos, 25 mai 2016

 

Olivier Namias

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