Global Award 5/6 : Vallée universelle
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Tour d’observation du delta de la Reuss, Altdorf, Suisse, 2012 @ Emeline Curien

Gion Antoni Caminada, Vrin, Suisse

Gion Antoni Caminada, architecte des communautés rurales, construit principalement à Vrin, son petit village natal de 250 habitants, situé en région montagneuse à l’ouest du canton Suisse des Grisons. L’architecte qui parle le romanche, est aussi citoyen et charpentier de formation. G.A. Caminada contribue à la vie de son village, qui fait partie intégrante de la sienne. Sa démarche se nourrit de lecture de philosophe français, Bruno Latour ou Henri Lefebvre, tandis que l’écriture lui permet de penser sa pratique : dans ses textes, il propose neuf thèses devant permettre aux territoires excentrées de se développer de manière autonome*. L’architecte entend lutter contre deux types d’aliénation qui menacent les villages, qui sont la muséification et la soumission aux techniques industrialisées, aux normes et aux schémas « universels ».

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Salle polyvalente de Vrin, Suisse, 1995 @ Emeline Curien

Gion Antoni Caminada construit peu, lentement. Sa pratique est fondée sur la confiance, sur l’échange tranquille avec le territoire et ceux qui l’habitent. « Je crois que les gens ont besoin d’avoir une prise sur ce qui les entoure pour exercer leur responsabilité sur leur lieu de vie et sur l’environnement », nous dit-il, les espaces étant directement en lien avec ceux qui les occupent. Sa réflexion porte sur l’économie du village. Les édifices qu’il dessine tissent indissociablement les dimensions spatiales nécessaires aux enjeux symboliques, culturels et politiques. Ses projets se veulent dans la continuité de la substance bâtie, sans mimétisme avec les constructions adjacentes. L’architecte conçoit pour le village des maisons, la salle polyvalente ou encore l’arrêt de bus.

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Maison funéraire de Vrin, Suisse, 2002 @ Emeline Curien

Il nous présente un de ses travaux : une chambre funéraire dont la conception a duré 7 ans. En préliminaire, il lui a fallu comprendre les étapes du deuil dans une société contemporaine qui refoule de plus en plus la mort et, dans un même temps, rendre possible de nouvelles formes de rituels et veillées funéraires, dans un lieu autre que l’habitat, à mi-chemin de l’église et du cimetière. Le bois massif empilé, technique constructive traditionnelle, est choisi parce qu’il est issu d’une filière locale et transformé sur place. En plus de son esthétisme fort car l’architecte semble creuser dans la masse, l’utilisation de ce matériau lui permet de créer de la valeur ajoutée au sein du territoire et de se libérer de la dépendance à l’industrialisation. Gion Antoni Caminada cherche à sauvegarder les forces sur place malgré l’exode rural ; ce qui est spécifique à Vrin peut être amplifié.

* Bettina Schlorhaufer, Cul zuffel e l’aura dado, Gion A. Caminada, Lucerne : Quart, 2008

Amélie Luquain

 

Courtesy Cité de l’Architecture et du Patrimoine