Flash-back quelques décennies en arrière, dans les années 1960. Rien ne laissait prédire la fin des 30 glorieuses. On embauchait donc à tout va, de nombreux ouvriers venaient de loin pour travailler dans les industries françaises, qui tournaient à plein régime. Une population ouvrière qui nécessitait d’être logée. C’est ainsi que l’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture invente le Tétrodon, habitat modulaire, conçu pour être produit en série, de manière peu coûteuse et légère.
Photo : Anne Vanrapenbusch
Le tétrodon, un container augmenté
Sur la base d’un container de dimension standard ( 913,5 x 243,6 x 258,8 cm ), 1 La structure du container permet d’assurer une auto-stabilité, qui permettant d’assembler les Tétrodon, de les empiler, afin de créer de grands volumes de plusieurs logements. Sur cette base métallique viennent s’ajouter des coques en polyester, qui abrite chacune un usage bien spécifique : espace-repos, espace-repas, espace-cuisine, espace-sanitaire. L’architecte Jacques Berces et la designer Annie Tribel ont travaillé sur ces excroissances qui permettent d’ajouter de l’espace aux 22m² initiaux. C’est d’ailleurs de là que le Tétrodon tire son nom : le Tétrodon est un poisson qui a la capacité de se gonfler en fonction de ses besoins (défensifs notamment). Le module du container pouvant être multiplié à la demande, cela à permis de créer des regroupement de plusieurs habitats.
Axonométrie : CAUE Gironde
L’architecture au service
La production du Tétrodon est donc lancée en série, pour loger rapidement les ouvriers. Dans une démarche de diminution des coûts, les coques sont assemblées sur site, directement sur les containers, afin de faciliter le transport de ces derniers. Les premiers exemplaires commandés par la SONACOTRA (Société Nationale de constructions de logements pour travailleurs) sont installés à Fos-sur-Mer, dans les Bouches-du-Rhône. Une petite centaines d’exemplaires seront utilisés dans un centre de vacances, en Gironde à Lège-Cap-Ferret. D’autres projets Tétrodon verront le jour, mais seul un millier d’exemplaires seront fabriqués. Habitat modulaire faire d’acier et de plastique, le Tétrodon subi de plein fouet le choc pétrolier de 1973, et la production est arrêtée.
Le tétrodon aujourd’hui
Aujourd’hui, l’habitat utopiste des années 60 tente de revenir au gout du jour. En Gironde, 40 sont utilisés pour loger des saisonniers à Claouey, alors que 40 autres, entreposés à l’espace Darwin de Bordeaux, servent de logements d’urgences. On cherche à sauver un patrimoine architecturale, qui a d’ailleurs reçu le label Patrimoine du XXe siècle en 2012. On cherche à les ré-exploiter, à leur trouver un nouvel usage, on les déplace, pour sensibiliser le public à cette architecture utopiste certes, mais qui soulevait déjà les questions du logement d’urgence et sa précarité, dès les années 1960.
Photo : Anne VanrapenbuschPhoto : Anne VanrapenbuschPhoto : Anne Vanrapenbusch
L’Atelier d’Urbanisme et d’Architecture
L’AUA, créé en 1960 par l’architecte Jacques Allégret, avait pour vocation d’engendrer des réflexions autour du projet d’architecture et d’urbanisme, en croisant les différents métiers qui étaient amenés à y réfléchir, notamment les architectes et les urbanistes, mais également des ingénieurs, des décorateurs… Il souhaite « offrir un lieu qui permette à différents spécialistes de travailler côte à côte sur les mêmes dossiers, d’apprendre à se connaître et à se comprendre » Relativement inédit à l’époque, ce travail de collaboration semblait nécessaire au fondateur de l’Atelier d’urbanisme et d’architecture. Durant les 26 années de son existence, l’Atelier ne dépassera jamais 50 employés, des indépendants venants de tant à autre pour soutenir divers projets. Malgré la dissolution de l’AUA en 1986, la thématique de la collaboration entre plusieurs acteurs du bâtiment reste une préoccupation toujours très actuelle.
Dans la ville sud-coréenne d’Ulsan, l’atelier Rieuldorang a imaginé une résidence monolithique avec une découpe en négatif de la maison à pignon sous la forme d’un large couloir traversant le bâtiment.
Demandez à n’importe quel enfant de dessiner une maison, et il est probable qu’il commence par un rectangle et dessinera inévitablement deux lignes sur le dessus pour représenter la toiture en pente. Cette notion de maison transcende la culture et se manifeste sous la forme de la maison vernaculaire.
Une idée qui a été le point de départ pour l’architecte Kim Seongyoul, fondateur de l’atelier Rieuldorang, pour la conception de la maison coréenne «Manhwaricano». Kim Seongyoul a estimé qu’en inversant le positionnement de la forme de toit à pignon, présentant plutôt un espace vide à pignon dans le cube monolithique, il pourrait créer une parodie de «maison» dans l’espace négatif.
«J’ai commencé à concevoir avec la question de savoir comment l’architecture peut entrer dans le monde de l’émotion», déclare Kim Seongyoul. En effet, l’architecte voulait découvrir la beauté des choses ordinaires, comme de simples formes géométriques, et c’est exactement ce que lui et son équipe ont accompli avec ce projet. Cette conception utilise la forme de «l’idée d’une maison» pour créer un espace négatif dans un projet complexe, offrant ainsi une lecture poétique de l’habitat moyen.
Tout ce qui reste de cette vieille notion vernaculaire, c’est l’empreinte qu’elle occupait autrefois et les idées laissées derrière elle. L’espace libre sous la forme d’un pignon devient une séquence menant dans la maison. Kim Seongyoul affirme que l’histoire fait partie de tout projet et que l’architecture, comme l’art, s’inscrit toujours dans cette éternelle chronologie.
La maison en briques de deux étages, située dans une plaine, est entourée de maisons aux silhouettes différentes. Recouvert sur toutes les faces avec du bois chaud, ce couloir à double hauteur sert d’entrée à la maison.
Les beaux jours arrivent doucement. C’est une belle occasion pour découvrir ou re-découvrir le patrimoine architectural qui s’est installé dans les rues parisiennes. Après vous avoir fait redécouvrir le Corbusier, et ses nombreuses facettes, nous vous proposons de découvrir ses réalisations dans la capitale. Ses œuvres sont internationales, mais vous n’avez guère besoin d’aller à l’autre bout du monde ou de la France pour observer ses réalisations. Voilà cinq de ses œuvres que vous pouvez visitez à Paris.
Raoul La Roche était un mordu d’art, et fervent collectionneur. Il demande à Le Corbusier d’imaginer une résidence qui lui permettrait à la fois d’exposer ses collections, tout en y habitant confortablement. L’architecte instaure alors une véritable promenade architecturale. C’est cette particularité de commande qui rend la réalisation hors-norme, d’autant plus que Le Corbusier y applique les 5 points d’une architecture moderne, tout en utilisant le béton armé, matériau nouveau à l’époque. Dans les années 1930, de nombreux artistes, architectes, et autres aficionados d’arts viennent visiter le bâtiment… et les tableaux de Raoul La Roche. Aujourd’hui, c’est ici que la Fondation Le Corbusier a établi ses quartiers. La Maison la Roche se visite, tandis que les bureaux de la fondation sont situés juste à côté, dans la Maison Jeanneret, ainsi que la bibliothèque regroupant les archives laissées soigneusement par l’architecte lui même.
Situé dans le 14e arrondissement de Paris, la maison-atelier est la première réalisation du Corbusier dans la capitale, en 1922. Il conçoit cette habitation pour son ami peintre-dessinateur Amédée Ozenfant. A l’origine, le rez-de-chaussé était occupé par le garage. Aujourd’hui, les ouvertures en fenêtres-bandeaux ont été modifiées. Le premier étage est l’habitation, alors que le second est entièrement dédié à un vaste atelier d’artiste, baigné de lumière par de grandes baies vitrées et de grands volumes, qui n’attendait qu’à être exploité par le peintre. Même si l’intérieur n’est pas visitable, vous pourrez admirer le bâtiment de l’extérieur, et relevé les différentes caractéristiques de l’architecture moderne.
L’unité d’habitation et sa cellule, Cité de l’architecture et du patrimoine
Si vous souhaitez vous immerger dans les logements sociaux créer dans les unités d’habitations que le Corbusier créait à Marseille, Berlin, Firminy près de Saint-Etienne, Rezé près de Nantes et Briey-en-Forêt en Meurthe et Moselle, rendez-vous… à la cité de l’architecture et du patrimoine de Paris. En effet, vous y trouverez une reproduction grandeur nature d’une cellule d’habitation, avec le mobilier d’époque. Les deux guerres vécues par le Corbusier marque son esprit, et font grandir en lui l’envie de reconstruire le pays, en produisant des logements de masse. Il y appliquera sa pensée théorique, y appliquera le Modulor… Aujourd’hui, ces logements sont toujours habités et font partie d’un patrimoine riche à conserver !
Pour finir, en s’éloignant quelques peu de Paris, vous pourrez visiter la Villa Savoye, véritable manifeste de l’architecte et du mouvement moderne. Cette réalisation, située dans la ville de Poissy, reprend de manière rigoureuse les 5 piliers d’une architecture moderne préconisée par l’architecte : le rez de chaussé est dégagé grâce à des pilotis, les fenêtres-bandeaux structurent des vues sur l’extérieur, le plan libre permet de dresser une façade libre de toute contrainte et le toit-terrasse crée un espace supplémentaire. Conçu en 1931 pour de riches propriétaires, la villa est classée Monument Historique depuis 1965, et Patrimoine Mondial depuis 2016.
Après s’être confronté à l’urbanisme chaotique de la ville de Lima, il faut prendre la direction du Sud pour regagner la tranquillité péruvienne. C’est au km 116 de la seule route bordantla côte du Pérouque les architectes Sandra Barclay et Jean-Pierre Crousse ont imaginé trois projets résidentiels. Cachées derrière un large portail en bois, une quinzaine de maisonsse côtoient sur les hauteurs arides de la plage La Escondida. Agrippées à la falaise, trois maisons font face à l’immensité de l’océan pacifique…
C’est au cours des années 1998, 2001 et 2002 que Barclay et Crousse dessinèrent ces trois projets depuis leur atelier parisien, trois maisons nommées casas 39, 40 et 41. Conscients de la difficulté à suivre un chantier à distance et désireux de garder le total contrôle sur la réalisation, le couple d’architecte ôta tout détail superflu du projet pour ne garder que le gros œuvre et la notion d’espace. Préférant travailler avec les matières environnantes afin de minimiser le coût et l’énergie de transport, les maisons se constituent essentiellement de béton pour la maçonnerie, de brique en terre crue pour le remplissage, enduites par la suite de ciment parfois peint.
S’inspirant de certains principes des maisons pré-colombiennes, Barclay et Crousse imaginèrent des espaces, pour la majeure partie, extérieurs, afin de dépasser la notion d’abri pour s’intéresser en priorité à l’idée de microcosme. Grâce à une forme moderne et épurée , les espaces, à la fois fluides et transparents, entretiennent ainsi quasiment toujours un lien avec le paysage.
_Cécile Gauthier
Images :Nicolas Balsan
Tout juste lauréate du prix d’Architecte de l’année (Architect of the Year Award) décernée par l’Architectural Review, Sandra Barclay donnera ce soir une conférence à l’Académie d’architecture, 9 place des Vosges à Paris, sur le thème « La Présence de l’absence »
Biographie : Nés à Lima, Jean-Pierre Crousse et Sandra Barclay ont enseigné ou étudié à l’école d’architecture de Paris-Belleville. Depuis 2006, ils sont installé à Lima. En 2016, ils ont assuré le commissariat du Pavillon Péruvien à la 15e biennale d’architecture de Venise.
Aujourd’hui, nous vous proposons de revenir sur un classique de l’architecture moderne. Bien loin de l’agitation des grandes villes, c’est à Croix, dans le Nord, que l’industriel roubaisien Paul Cavrois demande à Robert Mallet-Stevens de lui construire une résidence familiale, en 1929. Il a en effet été séduit par la villa Noailles, que l’architecte parisien avait réalisé quelques temps plus tôt près de Toulon.
Personne influente dans le milieu de l’industrie textile, Monsieur Cavrois se devait d’avoir une maison exemplaire. Véritable château moderne, la villa permet d’accueillir les neuf membres de la famille, ainsi que le personnel de maison. Elle reprend les codes de l’architecture moderne de l’époque, dont les maîtres mots pourraient se résumer ainsi : Luminosité, hygiène et confort. On remarquera le blanc immaculé dont est couverte la cuisine : du sol au plafond, à travers la céramique, la peinture, le mobilier. Il fallait que tout soit facilement nettoyable, et la moindre tâche visible au premier coup d’oeil. Les pièces tournées vers le jardin sont baignées de lumière grâce à de grandes baies vitrées. L’hygiénisme de l’époque passe également par l’hygiène du corps, d’où l’installation d’une bassin de 27m de long.
Le luxe de cette maison n’est pas visible dans les fioritures, puisqu’elle se veux fonctionnelle. Mais c’est plutôt avec le recourt à de belles matières, telle que le marbre vert de Suède, ou à des essences de bois nobles, que la villa Cavrois se démarque. Le béton armé, utilisé pour la structure, est un matériaux nouveau à l’époque ! Celui ci a ensuite été recouvert de briques de teintes jaunes, qui proviennent de 26 moules différents, dessinés spécialement pour la villa. A l’intérieur, l’architecte alterne entre des monochromes peints et les textures des matériaux bruts.
Elle est également équipée d’infrastructures rares, que seuls les plus riches peuvent se permettre dans les années 30 : l’eau chaude et froide, l’électricité, et le téléphone dans toutes les pièces, afin de faciliter les communications au sein même de la villa de 1840 m².
Un classique à visiter
La confiance que lui ont accordé Monsieur et Madame Cavrois ont permis à Robert Mallet-Stevens de développer au mieux sa pensée de l’architecture, poussant son fonctionnalisme à son maximum. Rien n’est laissé au hasard, ce qui fait de la villa Cavrois l’œuvre-manifeste de l’architecte.
Après le passage de la famille Cavrois, mais aussi de l’armée allemande qui en fait une caserne durant la seconde guerre mondiale, la villa est laissée à l’abandon, avant d’être racheté par l’Etat en 2001. Une vaste campagne de restauration, dont le coût s’élève à près de 23 millions d’euros, permet à la villa de retrouver son charme. Grâce au travail du Centre des monuments nationaux, la villa accueille de nouveau les visiteurs férus d’architecture ou les simples curieux qui souhaitent découvrir une icône de l’architecture moderniste.
La villa Cavrois est ouverte tous les jours de 10h à 18h, sauf le lundi. L’entrée est gratuite pour les moins de 18 ans, les européens de 18-25 ans, ainsi que tous les premiers dimanches du mois, de novembre à mars.
La revue Architectures CREE revient sur les constructions qui ont marqué l’année. Programme par programme, elle a sélectionné pour vous des réalisations qui ont émergé du paysage français, et vous en propose la relecture. Ci-dessous, notre best of 2017 de logements.
En France, les bourgs se vident et paradoxalement dévorent les terres agricoles. D’un côté, les centres métropolitains accaparent les activités économiques et sociales. De l’autre, les pavillons prisés par la classe moyenne colonisent depuis les années 1970 la périphérie des petites villes. Afin de redynamiser l’économie des milieux ruraux et périurbains et d’accompagner la transition écologique des territoires en limitant l’étalement urbain, ont lieu aujourd’hui des opérations de revitalisation et de densification des parcelles en centre-bourg. C’est dans ce contexte que s’inscrivent, à Cesson (77), une commune de 10 000 habitants, 80 logements de taille intermédiaire construits par MDNH Architectes. Des constructions qui convoquent la figure de la maison, en reprenant les toitures à deux pans ; réminiscence d’un passé de bourgade, comme si elles seules pouvaient emporter l’adhésion de tous.
Autre petite commune, de quelques 6 000 habitants, celle d’Homécourt, en Meurthe-et-Moselle. L’activité minière en déclin a laissé place aux traditionnelles zones d’activités : un tissu discontinu qui constitue le plus souvent la dernière frange urbaine avant la forêt ou les exploitations agricoles. Un îlot compact combinant 19 maisons individuelles et 16 appartements en collectif, contraste avec la faible densité des constructions alentours. Pour l’inscrire dans son environnement, les architectes Stéphane Cachat, Marc Chassin et Laurent Noel de l’atelier Martel puisent leur « imaginaire dans des formes connues et familières, archétypes de l’architecture périurbaine », disent-ils : implantation en bande, maisons accolées, jardins privatifs, façades en enduit, toits double pente en zinc. Une « banalité apparente » qui compose avec le déjà là, et faciliterait les mécanismes d’appropriation des habitants.
« Pari(s) 2072 se projette dans un monde où un bâtiment construit en 2012 continuera à rendre de bons et loyaux services en 2072 » introduisent les architectes, Elizabeth Naud et Luc Poux. Ils proposent un travail sur la résilience, prenant le contrepied de l’obsolescence programmée des constructions depuis les années 1950. Alors que pendant des siècles, selon eux, la ville s’est reconstruite sur elle-même par superposition, stratification, adjonction, greffe, empilement, etc, ces constructions auraient manqué de vues prospectives. Dans le cadre d’une requalification territoriale, et plus précisément d’une opération de re-logement, le projet consiste à construire 68 nouveaux logements boulevard Davout (paris 20e), avant de démolir des barres vétustes et énergivores. Epannelage des toitures, plan en Svastika, circulations pénétrantes, réserve foncière en surélévation, évolutivité des logements, pièce en plus : autant de propositions destinées à servir la résilience.
Nouvelle silhouette dans la skyline nantaise, une construction de l’agence Berranger Vincent de 53 m de hauteur (limite IGH oblige) s’attache au tissu hétérogène. Courante dans ce contexte déjà pourvu de « tours » des années 70, ses atours modernistes sont revisités par des biais et des matériaux contemporains ; une façon de la rendre plus attractive et moins sévère. Les 69 logements en accession qu’elle abrite sont complétés d’un immeuble de 13 logements sociaux le long de l’avenue et de 5 maisons individuelles groupées en balcon sur le fleuve.Une mixité qui interroge; car limitée par bloc d’habitation quand elle aurait pu être exercée au sein d’un même immeuble. De plus, cette construction entre largement dans le débat sur la tour européenne contemporaine, une typologie mise à mal par les échecs supposés ou réels des constructions léguées par le mouvement moderne.
Bien que le 16e arrondissement n’en est pas à son premier essai dans l’exercice de son sport favori antisocial, le bailleur social Paris Habitat et les architectes Soler et Ricciotti dresse les deux premiers immeubles de logements sociaux d’un îlot de quatre bâtiments. Les architectes proposent une volumétrie qu’ils disent inspirée de l’esthétique et du « bon sens » haussmannien, reprenant « des gabarits haussmanniens avec des matériaux contemporains », précise l’architecte, qui va jusqu’à se poser en avant-gardiste. Un haussmannien qui prend quelques libertés vis-à-vis de son modèle en s’affranchissant notamment de l’alignement, de la continuité sur rue et de la hauteur.
Rue Oberkampf (Paris 11ème), l’agence Barrault et Pressacco a eu l’audace de proposer à la RIVP la construction de logements en pierre massive. Projet retenu en 2011 par une maîtrise d’ouvrage qui s’interrogeait pourtant sur les capacités de la filière et les coûts engendrés.
Les architectes Thibault Barrault et Cyril Pressacco ont convoqué un matériau de construction trop souvent oublié par les architectes contemporains : la pierre massive, employée pour une construction de logements dans Paris. Rue Oberkampf donc, au numéro 62, dix-sept logements et un commerce prennent place entre un bâtiment faubourien caractéristique de l’Est parisien et une rénovation haussmannienne de la deuxième moitié du XIXème siècle. Alignée sur rue, la construction en pierre figure la transition entre ces deux types, à moins qu’elle n’exprime une troisième voie. A l’arrière, sa volumétrie se révèle. Tirant profit du tissu parisien et de sa réglementation urbaine, elle opère une série de gradins, tout en dégageant un vide en cœur d’ilot par sa forme en L. Le plan courant s’organise ainsi selon deux principes. Sur rue, le volume comprend un studio et un grand logement traversant augmenté d’un balcon orienté sud-ouest. Dans le corps de bâtiment en gradins, un seul logement par niveau s’ouvre sur une large terrasse. Chaque retrait occasionne la suppression d’une chambre.
Dès le premier abord, le bâtiment affiche ses 380 tonnes de pierre, issues des carrières de Bretignac puis transformées à Angers, faute d’avoir pu trouver lors de l’appels d’offre des compétences dans la filière en Ile-de-France. En façade, les blocs de pierre massive de 130 cm de large et 30 à 35 cm d’épaisseur s’empilent, selon un calepinage qui s’interdit la pose en quinconce et préfère un aménagement en pile porteuse. Une façon pour les architectes d’affirmer l’appartenance de la pierre à l’ossature plutôt que de renvoyer à des appareillages traditionnels. Le retrait des éléments qui constituent la baie permet de révéler autant les pilastres d’un ordre vertical que les linteaux (190 cm) et les allèges. La baie est le seul moment de l’ornement.
Si elle reste la plus voyante, la pierre n’est pas l’unique matériau de cette construction, en réalité hybride. La façade en pierre massive porteuse repose sur des portiques en béton armé au rez-de-chaussée. Ce matériau est celui des fondations prolongées jusqu’au premier étage en superstructure, qui va chercher le sol jusqu’à 15 m de profondeur. Le béton se retrouve sur cour, en balcon rapporté en console ou en nez de terrasse sous forme de poutres coulées en place assurant les portées horizontales transversales. Apparent, le béton ne se cache pas, mais, une fois poncé, révèle ses composants rocheux. Si la pierre est utilisée en façade pour ses capacités de compression, c’est une charpente métallique qui supporte les planchers. Structurant le plan, trois poutres métalliques définissent deux bandes de pièces humides et servantes dans une épaisseur continue et constante à tous les niveaux.
Afin d’alléger la masse globale du bâtiment, et ainsi diminuer les reports de charge sur les façades, les planchers sont constitués de panneaux de bois lamellés croisés et contrecollés (CLT). Ces planchers sont laissés bruts et visibles en sous-face, et habillés d’un parquet en chêne massif. Entre, un complexe isolant pris en sandwich entre deux chapes pallie aux déficiences acoustiques du plancher bois : sa masse contre les effets de ressort et les bruits de choc. Avec le bureau d’études structure et thermique LM Ingénieurs, les architectes ont travaillé à la cohérence de l’enveloppe, valorisant les performances de la pierre, qui suffit à répondre aux exigences acoustiques, même sur rue, et qui a d’ailleurs de meilleures performances thermiques que le béton. Elle est associée à une isolation en béton de chanvre (mélange de chènevotte, une fibre issue du chanvre, de chaux aérienne et d’eau), utilisé pour ses propriétés perspirante et hygrophile. S’il est un très mauvais isolant, il a pour capacité de capter la vapeur d’eau qui se transforme en micro gouttelette jusqu’à dégager des calories, ce qui rend la paroi chaude. Ainsi, en hiver, la vapeur diminue tandis que la chaleur augmente, assurant un meilleur confort. L’isolant est projeté depuis l’intérieur sur les façades en pierre, puis taloché et enduit ; une finition qui situe la pierre depuis l’intérieur du logement.
Tradition et avant-garde
Cet assemblage atteste de l’intérêt des architectes pour « un matériau en adéquation avec sa fonction constructive », lu comme tel, sans habillage, leur combinaison assurant réversibilité et durabilité. Pour Thibault Barrault et Cyril Pressacco, « le juste matériau doit être à sa juste place ». Initialement, les architectes ont choisi la pierre en référence à leurs héros, que sont Perraudin, Pouillon, Hardouin Mansart, Delorme ou les bâtisseurs des cathédrales. Ils convoquent l’histoire architecturale, bien que, contrairement à un Perraudin qui leur semble trop exclusif dans son approche constructive, ils restent accrochés aux nécessités contemporaines pour pouvoir construire dans les coûts demandés, d’où le recours à une multiplicité de matériaux. Cet immeuble de logements parisiens structurés de pierre massive est une œuvre marquante pour ce qui n’est que la troisième construction de l’agence. Au-delà de la pierre, il s’agit d’une construction hybride qui n’est pas sans évoquer la tradition constructive parisienne. L’innovation serait-elle dans le vernaculaire ? En témoigne les architectes cités ci-dessus, qui ont toujours fait foi d’avant-gardiste, soulignent quelque peu admiratifs Barrault et Pressacco. Les architectes, retenus à l’appel à projet FAIRE organisé par le Pavillon de l’Arsenal, mènent actuellement une recherche sur la pierre massive et sa filière._Amélie Luquain
Fiche technique :
Lieu : 62 rue Oberkampf, Paris 11 Programme : 17 logements et 1 commerce Maître d’ouvrage : RIVP Maîtrise d’œuvre : Barrault Pressacco (mandataire), LM Ingénieurs (structure et thermique), Atelux (fluides), ALP Ingénierie (économie), QCS Services (acoustique) Entreprise générale : Tempere Construction Pierre : Bonnel (mise en œuvre pierre), Atelier Lithias (transformation pierre), France Pierre (extraction de la pierre de Brétignac) Surface : 1085 m2 SHAB / 1222 m2 SDP Budget : 3,2 M€ HT Concours : Novembre 2011 Livraison : décembre 2017 Travaux : 24 mois Labels : label biosourcé niveau 3, Label BBCA (bâtiment bas carbone), certification Habitat & Environnement CERQUAL, Option Performance, RT 2012, plan climat Ville de Paris
C’est à Strasbourg, un territoire à l’écart des enjeux de la métropolisation, mais pourtant en profondes mutations, que Dominique Coulon s’est implanté, imbriquant dans un même lieu son bureau et son logement.
La ville de Strasbourg possédait un certain nombre de dents creuses, de terrains libres trop petits pour intéresser les promoteurs. En 2009, elle lance une consultation auprès des architectes afin de vendre et d’aménager ses parcelles. Au 13 rue de la tour des pécheurs, dans le quartier historique de la Krutenau, la surface au sol de 120 m2 est petite, mais cela n’effraie pas Dominique Coulon qui y voit l’opportunité d’y implanter son agence. « La contrepartie a un prix attractif, c’était de faire un bâtiment exemplaire engagé notamment sur des performances énergétiques élevées, l’utilisation de matériaux bio-sourcés et un projet de mixité. » précise l’architecte, dans une ITW filmée pour Architectures CREE datée du mois d’avril.
Se montrer ou se cacher
L’immeuble est une petite tour en bois brulé, du mélèze, une technique qui rend pérenne la peau du bâtiment grâce à la brulure du matériau. La façade masque l’imbrication des programmes. Le jeu des percements semble aléatoire, ne suivre aucun impératif fonctionnel et leurs différentes tailles brouillent la lecture des étages. Des stores de projection rajoutent une teinte colorée. Les bureaux sont légèrement en contrebas, de 80 cm par rapport au niveau de la rue. « On a mis l’atelier de maquette devant les baies vitrées. Il y a quelque chose d’intéressant parce qu’on peut voir comment un bureau d’architecture travail. C’est une attitude, c’est une posture. Quand on fait ça, on est probablement plus enclin à dialoguer » assume l’architecte, influencé par l’attitude des pays nordiques.
Séparer ou échanger
Ce bâtiment est aussi un exemple de mixité, imbriquant dans un même lieu bureau et logement. « Pour moi c’est une chance d’habiter et de travailler dans un bâtiment qu’on a dessiné. Il y le logement, il y a le bureau. Tout ça fonctionne en harmonie. » explique Dominique Coulon. A la manière du Raumplan d’Adolf Loos, dans un jeu d’imbrication complexe, les espaces ont des proportions presque adaptées à leur fonction. Il n’y a pas de régularité dans les hauteurs de dalle. L’escalier du bureau est imbriqué avec celui des logements, séparé d’une maille de métal. Le bureau n’est finalement jamais fermé vis-à-vis des logements. « On peut imaginer des échanges, ce n’est pas une imbrication étanche entre les éléments de programmes » indique l’architecte. Le bâtiment se termine avec une toiture plate comprenant une terrasse avec bassin et jardin. Dans ces hauteurs, un volume de béton brut pivote de 10 degrés. Il s’autonomise par rapport à la masse noire du socle de bois et donne une lecture dynamique de l’angle._Amélie Luquain
Maitrise d’ouvrage : Privé Maitrise d’œuvre : Dominique Coulon & associés Architectes : Dominique Coulon, Olivier Nicollas, Benjamin Rocchi, Steve Letho Duclos BET Structure : Batiserf ingénierie BET Electricité : BET G. Jost BET Fluides : Solares Bauen Economiste : E3 Economie Programme : Bureaux, appartements Lieu : 13 rue de la Tour des pêcheurs, 67 000 Strasbourg Surface : SHON 500 m2 Coût : 1 320 000 € H.T Concours : 10 terrains pour 10 immeubles durables, novembre 2009 Livraison : septembre 2015
Qui aurait cru, 132 ans après la publication du Germinal d’Emile Zola, que les noirs corons puissent un jour devenir patrimoine ? Frappé de plein fouet par la désindustrialisation, le bassin minier du Nord est en pleine revitalisation. Si le Louvre-Lens de Sanaa constitue une opération phare, c’est aujourd’hui à 25km à l’ouest que les petites maisons rouges de la Cité des Électriciens de Bruay-la-Buissière font peau neuve. En décembre, centres d’interprétation, résidences d’artistes et gîtes d’étapes conçus par Philippe Prost consacreront la mue de cet ancien coron.
Archétype de la cité minière du XIXe siècle, la Cité des Electriciens de Bruay-la-Buissière, dans le Nord-Pas-de-Calais, appelée ainsi en référence aux noms de ses rues, est construite par la compagnie des mines entre 1856 et 1861.Témoignage de l’habitat des familles de mineurs, ces 37 logements sont nés d’une révolution industrielle qui a radicalement bousculé le paysage existant. « L’implantation de la mine a urbanisé des secteurs agricoles qui ne l’étaient pas, et a transformé durablement le paysage qui a vu apparaitre fosses, chevalets, terrils et cités », précise Isabelle Mauchin, responsable de la Cité des Électriciens au sein de la Communauté d’agglomération. Fleuron et fierté des habitants, la mine reste aussi un traumatisme, la fermeture des puits entrainant la récession économique. Sur les 120 km de long et 12 km de large du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les séquelles liées à trois cents ans d’activité restent palpables et lisibles sur le territoire. Ses constructions sont le marqueur d’une mémoire douloureuse. De ce patrimoine en déshérence, faut-il conserver les ensembles de vilains et communs corons ? Les habitants, dans une situation sociale difficile, ont longtemps eux la volonté d’effacer cette page. Mais en 2007, le tournage de quelques scènes de Bienvenue chez les Ch’tis rend la cité populaire. En 2012, le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais achève de changer la donne. La Cité des Électriciens, un des plus ancien coron des Hauts de France, fait partie des cinq cités-pilotes labélisées au titre de « Paysage culturel évolutif vivant ». Ce classement implique que le territoire ne sera pas mis sous cloche, ni figé ni muséifié, mais qu’il sera nécessaire de l’accompagner dans sa mutation. Cette même année 2012, la Communauté d’agglomération de Bruay-Béthune lance une consultation pour la réhabilitation du site, remportée en 2013 par l’atelier d’architecture Philippe Prost. En préservant l’existant et en lui affectant de nouveaux usages, le projet de l’architecte conserve et adapte ce patrimoine ordinaire, que les acteurs locaux qualifient de « monument du quotidien ».
Habiter le patrimoine ordinaire
Ces humbles bâtiments aux abords délaissés et progressivement abandonnés étaient organisés selon un plan masse orthogonale ; cinq longères sont disposées à la perpendiculaire d’un corps central transversal. Ils appellent une affectation en rapport avec leurs identités, à savoir, un équipement muséographique, le centre d’interprétation de l’habitat et du paysage miniers réparti entre deux bâtiments, l’un restauré, l’autre contemporain. Il est assorti de résidences d’artistes, d’ateliers pédagogiques et de gites d’étapes touristiques, égrenés dans les bâtiments existants en fonction de leurs capacités respectives. Aussi, les annexes fragiles que l’on appelle carins – qu’on pourrait assimiler à des abris de jardins – sont restaurées afin d’accueillir de petits lieux insolites comme un espace de restauration, un sauna, etc.
1 – 1856-1861 : construction de la cité n°2 par la compagnie des mines de Bruay
2- 1880-1890 : construction des carins dans les jardins
3 – 1910 : construction de baraquements pour abriter les ménages réfugiés
4 – 2017 : réhabilitation de la Cité des Electriciens, création du centre d’interprétation du paysage et de l’habitat minier
La Cité des Électriciens est fondée sur d’anciennes carrières de marnes. Il a donc fallu au préalable consolider le sous-sol afin d’éviter tout risque d’effondrement, une tache ardue puisqu’il n’existait aucun plans des galeries souterraines, explique Philippe Prost. L’ensemble des espaces extérieurs, pensé avec les paysagistes de l’Atelier FORR, reconstitue le parcellaire des jardins à partir des traces encore visibles. « La trame ancestrale des potagers est exhumée pour redessiner le paysage alentour » attestent-ils. Sur une parcelle faisant parie intégrante de l’histoire du site, puisque située à l’exact emplacement d’un des baraquements construits en 1910 pour l’accueil des réfugiés de la Grande Guerre et démolis cinquante ans plus tard, le centre d’interprétation est logé, pour sa partie paysage, dans une construction neuve. D’expression contemporaine, il reprend le gabarit du corps central ainsi que la partition structurelle de ses murs de refends. La forme iconique du toit à deux pentes est détournée au profit d’un monolithe recouvert d’une carapace de tuile de parement vernissée rouge, posée sur une ossature bois et métal. Les refends transversaux se retrouvent eux sous forme de failles vitrées continues du mur au plafond, scandant l’espace muséographique tout en lui apportant de la lumière naturelle. En bordure de terrain, il cadre des vues d’un coté sur le lointain terril, de l’autre sur la cité elle-même.
Quand aux espaces rénovés, ils adoptent des moyens et des techniques actuelles sur mesure, pour répondre aux exigences base consommation (BBC). L’architecte mêle réflexion technologique et dimension mémorielle. Par exemple, l’apport de la lumière naturelle par les murs nord des habitations est traité par la mise en œuvre de moucharabiehs, un travail sensible sur la géométrie de la brique qui évite de percer et de dénaturer les murs pleins. Autre mesure, l’isolation par l’intérieur, garantissant la préservation de l’apparence architecturale, de la maçonnerie en brique aux menuiseries en bois, toutes équipées d’un châssis à double vitrage sur les percements d’origine. Un raisonnement écologique qui s’articule avec la politique énergétique développée par le Nord-Pas-de-Calais, une région qui cherche à mettre en pratique les théories de la Troisième Révolution Industrielle, fondée sur le couplage des technologies de l’Internet et des énergies nouvelles, défendues par l’économiste américain Jeremy Rifkin, consultant, aujourd’hui, sur ce territoire.
Réhabilitation et extension de la Cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière, 62700, site classé au patrimoine mondial de l’humanité UESCO au titre de « Paysage culturel évolutif », 5ème site remarquable du Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais Programme : Centre d’interprétation de l’habitat et du paysage minier – 4 résidences d’artistes – 4 gîtes – 13 carins : usages variés (exposition, carin frites, chambre, sauna, jeux, poulailler, abri de jardin) – 1 carin mobile Situation : Bruay-la-Buissière sur la route nationale Anatole France, entre ville et terrains agricoles. Maîtrise d’ouvrage : Communauté d’agglomération Béthune-Bray Architecte mandataire : AAPP – Atelier d’Architecture Philippe Prost Equipe de maîtrise d’œuvre : FORR paysagistes / Verdi ingénierie BET TCE + OPC / TechniCity BET HQE / Du & Ma, scénographie / Catherine Mariette, muséographie / Atelier Villar+Vera, graphisme Calendrier : études de février à novembre 2013 / chantier d’octobre 2014 à septembre 2017 / inauguration décembre 2017 Surfaces : site 14 673 m2 / centre d’interprétation – de l’habitat > réhabilitation 500 m2 – du paysage minier > construction neuve 250 m2 / résidences d’artistes 400 m2 / gîtes 340 m2 / carins 200 m2 Estimation prévisionnelle travaux : 9,2 M€ HT Mission : Base + EXE + SYN + OPC + Muséographie Prix : 2014 prix du jury au concours d’architecture Bas Carbone EDF / 2016 1er Prix Architecture Bâtiment tertiaire
A Cesson (77), commune de 10 000 habitants, l’agence MDNH Architectes participe à la revitalisation du centre-bourg avec l’édification de 80 logements intermédiaires.
En France, les bourgs se vident et paradoxalement dévorent les terres agricoles. « Comment un village peut-il se dépeupler et croître en même temps ? »* s’interrogeait Rem Koolhaas dans un article de la Revue Icon en 2014. D’un côté, les centres métropolitains accaparent les activités économiques et sociales. De l’autre, les pavillons prisés par la classe moyenne colonisent depuis les années 1970 la périphérie des petites villes. Afin de redynamiser l’économie des milieux ruraux et périurbains et d’accompagner la transition écologique des territoires en limitant l’étalement urbain, ont lieu aujourd’hui des opérations de revitalisation et de densification des parcelles en centre-bourg. A Cesson (77), le bailleur social 3F en a déjà réalisé trois. Située au cœur de la vallée de la Seine, à mi-chemin entre la forêt de Sénart et la ville de Melun, la commune a vu sa population se multiplier jusqu’à atteindre 10 000 habitants, suite à la construction de la gare du RER D dans les années 1980, les habitants semblant y trouver une alternative à la ville (trop) dense tout en étant proche de la capitale.
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les 80 logements sociaux intergénérationnels pour 3F, construit par MDNH Architectes. Ils sont implantés le long de l’avenue Charles-Monier, l’un des axes majeurs de la commune, jalonné de plusieurs commerces de petites tailles, a proximité de la mairie et de la gare. Investissant une parcelle qui hébergeait auparavant une station-service, ils s’insèrent discrètement dans le tissu urbain, l’ensemble se subdivisant en plusieurs constructions accolées qui reprennent les volumétries du centre-bourg. Ainsi, quatre volumes bâtis sont eux mêmes redivisés en plusieurs bâtiments, réinterprétant l’emprise au sol, les hauteurs (R+1+ comble) et les toitures à deux pans. Depuis la rue, l’une de ces grandes maisons marque le pivot vers l’intérieur de l’îlot par un angle largement vitré en rez-de-chaussée, contenant le local associatif. Recouverte de pierres calcaires, elle fait référence aux meulières du bâti historique de Cesson, avant de révéler une matérialité à part en cœur de parcelle. Les logements s’y organisent ensuite autour d’un espace paysagé qui prolonge la rue. Un maillage de venelles et de porches donne accès aux placettes jardinés et aux vastes halls d’entrée toute hauteur. Fait remarquable, plutôt que d’être les « restes » d’un édifice, les halls dit « cathédrales » sont ici pensés comme tels, dégageant de vastes volumes éclairés par de grands panneaux de verre profilé en U et des suspensions lumineuses à l’allure industrielle. Les locaux vélo, eux, sont laissés visibles derrière de grandes baies vitrées.
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Quel archétype pour demain ?
Ces constructions convoquent la figure de la maison, en reprenant les toitures à deux pans imposées par le PLU ; réminiscence d’un passé de bourgade, comme si elles seules pouvaient emporter l’adhésion de tous. Empruntant un vocabulaire contemporain qui puise dans les codes de l’habitat traditionnel, elles sont ici revisitées et creusées : les volumes des sous-pente sont exploités et donnent aux appartements des derniers niveaux de plus amples hauteurs sous plafond. A l’extérieur, certaines parties des toitures sont évidées, les parties en creux offrant de grandes terrasses aux usagers. Chaque logement, en simplex ou en duplex, est traversant, profitant d’une double ou d’une triple orientation. Des volets coulissants sont intégrés à la façade, les portes-fenêtres sont toute hauteur, les menuiseries sont en bois et en aluminium, des tuiles plates ou du zinc couvrent les toitures … des détails qui viennent surhausser la qualité de l’ensemble.
* Rem Koolhaas, Koolhaas in the country, Revue Icon, 2014
Amélie Luquain H.
Fiche technique :
Programme : 80 logements sociaux intergénérationnels (5 T1, 27 T2, 28 T3, 16 T4, 4 T5), un local associatif municipal, un parking enterré sur un niveau de 77 places et 4 places à l’extérieur Localisation : 13 avenue Charles-Monier, Cesson (77) Aménageur : EPA SENART Maître d’ouvrage : La Résidence Urbaine de France / 3F Maître d’oeuvre : MDNH architectes, Marie Degos et Nicolas Hartung, architectes associés. Structure : EVP. Économiste : AXIO. Fluides : WOR. Entreprise générale : Ballestrero (Bouygues Bâtiment IDF) Surfaces : 5433 m2 SDP et 4770 m2 SHAB Coût de l’opération : 8,2 M€ HT Performances environnementales : RT 2012 -10% et H&E profil A Calendrier : Concours novembre 2013, livraison mars 2017
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