Voie urbaine : les chroniques d’une ville par ses habitants

Voie urbaine : les chroniques d’une ville par ses habitants

Porté par Lucas Bacle (agence brumm*) et Killian Wieber, le projet Voie Urbaine a emmené le public d’Agora 2017 dans un voyage énigmatique et envoûtant au cœur de la ville de Bordeaux.

Voie urbaine détourne un tramway pour le transformer en un espace de diffusion itinérant, à mi-chemin entre salle de cinéma et salle d’exposition. Recouvert d’une écriture énigmatique – un texte que des milliers de personnes ont vu, mais qui, pour l’instant, n’a pas été déchiffré –  sur un fond noir intense à l’image des tableaux de Soulages, il a parcouru la ville de Bordeaux sur les lignes A, B et C, invitant les usagers à l’explorer. 19 courts-métrages originaux totalisant plus de 2h15 de film y étaient diffusés. Les écrans posés sur des socles noirs délivraient durant les voyages quotidiens des passagers des bribes de récit sur la ville de Bordeaux. Les témoignages s’y bousculent et viennent dessiner en creux une image instantanée de la métropole. Avec l’idée que l’homme fait la ville et inversement, que l’un sans autre n’existerait pas, les réalisateurs s’interrogent sur les relations entre les usagers et les lieux qui les abritent. Ils racontent la ville par le biais de personnages fictionnels, tentant de saisir « l’air du lieu ». Ces personnages et leurs histoires forment les parties d’un récit plus vaste. On y voit un commercial qui, captif d’une boucle spatio-temporelle, fait écho à la ville générique, en référence à Koolhaas. Est également mise en scène la légende urbaine de prisonniers emmurés dans le béton de la base sous-marine construite par les Allemands pendant la Seconde Guerre mondiale. Mais aussi des vues aériennes de Bordeaux durant la guerre froide à partir d’images d’archives. Un contenu hétéroclite mais sommes toutes unitaire. Composées d’un nombre fini d’éléments à un instant T, les images se superposent et composent un tableau aux contours flous, car non exhaustif. Elles sont la résultante d’un espace localisé, d’une société et d’une époque. S’inscrivant dans la promotion de Bordeaux via Agora, certes, ces films en proposent surtout un regard critique à partir de celui de ses habitants. En témoignent des enfants qui projettent Bordeaux à l‘horizon 2050. En 10 jours, le Tramway Noir de Voie Urbaine a transporté plus de 15 000 personnes au sein de la métropole Bordelaise.

 

voie urbaine bordeaux agora 2017

voie urbaine bordeaux agora 2017

A travers des codes narratifs du cinéma, le projet rend accessible au grand public des notions d’urbanisme, d’architecture et d’histoire. Il n’est que la première phase de la manifestation Voie Urbaine. Un jeu vidéo, bientôt disponible en téléchargement constituera son aboutissement, condensant l’ensemble des messages diffusés durant l’évènement au travers d’un seul médium. A venir également, un site web interactif, qui permettra de lire l’ensemble des films de manière non linéaire mais géographique, via une carte. Ce site a vocation à s’étoffer. Toutes les nouvelles vidéos réalisées dans le cadre de Voie Urbaine s’ajouteront aux premières de manière sédimentaire, afin de restituer une image kaléidoscopique de la ville de Bordeaux.

voie urbaine bordeaux agora 2017

voie urbaine bordeaux agora 2017

* brumm est un studio, il réunit des architectes et des réalisateurs qui mettent en image la vie qui bruisse entre nos murs. Par la maîtrise des techniques de captation issues des métiers du cinéma et l’élégance de sa narration, brumm développe une vision qui lui est propre.

 

Amélie Luquain

Courtesy Voie urbaine

 

L’Odyssée fantôme : paysages de demain

L’Odyssée fantôme : Paysages de demain est une exposition du collectif Sauvage Garage qui était présentée du 15 au 26 septembre à Bordeaux, dans le cadre de la biennale Agora.

l'odyssée fantôme_paysages de demain_sauvage garage

« Le Commandant du vaisseau P4Y54G35 souhaite la bienvenue aux visiteurs qui nous rejoignent. Mon équipage et moi-même sommes partis vers des espaces futurs afin de mieux comprendre la façon dont l’homme va agir, où il va trouver refuge et comment il va faire évoluer son habitat face à de nouvelles contraintes. » Commence ainsi l’odyssée fantôme, autour d’une fable rédigée par Pascal Vion et éditée par Anne Lecomte dont la vision futuriste remet en question le lien entre l’homme et la ville. « Les bâtiments se meuvent continuellement (…) Une vie indépendante de celles des hommes qui les occupent (…) Les constructions se jouent des habitants (…) L’hypnotisme architectural les contraint à rester (…) Inconsciemment, nous devenons pantins au milieu de ces décors gigantesques et minimalistes » poursuit la fiction, qui imagine un monde dystopique à mi-chemin entre le rêve (ou le cauchemar) et la réalité, où l’architecture est le personnage principal.

l'odyssée fantôme_paysages de demain_sauvage garage
Face à la problématique de la surdensité et de l’expansion des villes, serait engendré une amplification du phénomène d’expropriation. A la fois protestation et témoignage d’une vie antérieure, la petite maison colorée tente de résister à l’expansion d’une ville grise et froide (c) Julien Renard

Ainsi, parti en exploration dans le futur, l’équipage livre ses impressions au fur et à mesure de ses découvertes, proposant un retour en images plongeant le visiteur dans le fantasme des paysages de demain. L’installation prend place dans un espace orthogonal, la Halle des Chartrons à Bordeaux. Disposées selon un plan cartographique inspiré d’un système planétaire, 12 bornes « fantômes » relatent les expériences de chacun des équipiers. Elles utilisent une technologie « fantasmatique », un procédé photographique capturant le mouvement des paysages entrevus. Concrètement, il s’agit de boîtes noires dans lesquelles est agencé un décor tridimensionnel, des effets lumineux et des hologrammes. Un diorama contemporain, en somme, artifice réaliste fabricateur d’illusion, que les commissaires de l’exposition «Dioramas» qui vient de s’achever au palais de Tokyo (Paris) définissent ainsi : « il se caractérise par la mise en scène d’une situation et de son environnement d’origine (…) Il est une reconstitution artificielle d’un lieu ou d’une temporalité qui a existé ou aurait pu exister ». Une définition à laquelle pourrait se rajouter le verbe « exister » accordé au futur.

l'odyssée fantôme_paysages de demain_sauvage garage
Le dispositif met en scène un environnement naturel. Au fur et à mesure que le spectateur découvre cette scène, des données numériques s’accumulent pour le renseigner, le compléter ou l’effacer. Goggle map, la géolocalisation, Instagram et autres applications intelligentes multiplient et complexifient les données du territoire. (c) Ava Roghanian et Bertrand Courtot

L’installation invite le visiteur à se promener dans les décors urbains, sauvages, oniriques de notre futur quotidien. Des paysages hypothétiques nés des grandes réflexions actuelles, comme le changement climatique, l’avancée des sciences en terme d’intelligence artificielle ou de de nanotechnologie ou encore l’expansion croissante des villes et la surdensité. Une exposition qui, dès les premiers regards, émeut par sa plasticité, et à bien y regarder, interroge les bouleversements du XXIe siècle.

l'odyssée fantôme_paysages de demain_sauvage garage
Cet environnement s’anime autour de l’idée que des hommes ont choisi de donner un autre sens à leur vie pour nous sauver de notre propre destruction. Certains sont allés s’isoler en pleine nature et ont sacrifié leur vie charnelle. Ces sortes de « moines », par le biais de la méditation, sont devenus des gardiens s’efforçant de nous protéger de nous-mêmes. (c) Sophie Tricoire

 

Amélie Luquain

Tous visuels courtesy du collectif Sauvage garage

Les paysages augmentés de Bas Smets

Les paysages augmentés de Bas Smets

À l’heure de l’anthropocène, le paysage devient un élément essentiel du projet urbain, explique le paysagiste Bas Smets en introduction à l’exposition «Paysages augmentés» présentée à la biennale Agora à Bordeaux, dont il assure le commissariat. La notion de paysage y est explorée à travers une double approche, mise en images par les rares réalisateurs qui ont fait de l’architecture et du territoire leur champ d’investigation : Bêka Lemoine et Christian Barani. « Avec Ila Bêka et Louise Lemoine, nous présentons cinq portraits de paysages urbains, révélant l’influence de la géographie et du climat sur les pratiques et les comportements des habitants de la métropole : l’apprivoisement du gel et de la glace lors de la métamorphose hivernale de Saint-Pétersbourg, l’inventivité des économies informelles suite aux pluies tropicales de Bogota, les activités contrastées de la ville de Naples, entre torpeur et chaos au pied du volcan, l’intensité du travail et des petits métiers dans la jungle urbaine de Séoul, mais aussi les mesures de protection contre le soleil et la chaleur dans la médina de Rabat». Des courts-métrages, qui, comme souvent chez Beka/Lemoine, traitent l’urbain à partir de l’humain. Mais si dans Houselife, le pari de suivre le quotidien de la femme de ménage de la maison Lemoine (dessiné par Koolhaas) pour comprendre l’architecture fut pertinent, pas sûr que ce process le soit tout autant ici. Le projet apparait plutôt comme une redite de leurs précédents travaux, et à l’image, n’interroge pas la question du paysage, pour se cantonner à celle des pratiques sociales.

paysages augmentés_bas smets_agora 2017 Bordeaux
courtesy Canalcom

« Avec Christian Barani, nous avons exploré des projets de paysages dans cinq métropoles contemporaines. Ils répondent notamment à la nécessité de contenir les montagnes friables à Hong Kong, l’ambition de transformer l’île de Singapour en jardin, la résistance du réseau de lacs et de rochers face au développement d’Hyderabad, l’opportunité de donner de l’amplitude à la nature à Bordeaux et à l’idée de projet de paysage comme nouvelle image pour Bordeaux » explique Bas Smets. Fruit d’une coproduction menée entre le paysagiste et le vidéaste, parcourant ensemble les lieux qu’ils interrogent, la notion de « paysage augmenté » défendue par Bas Smets devient explicite dans les images de Barani. Notamment dans la séquence portant sur Hong Kong, qui met en avant la résilience du territoire : des coteaux friables augmentés de coques de béton, une ingénierie coûteuse qu’il faut renouveler en permanence. « Les collines de l’île de Hong Kong sont faites de roches friables. Après une série de glissements de terrain catastrophiques dans les années 1970, le gouvernement de Hong Kong a mis en place un organisme géotechnique spécial pour faire face aux problèmes de sécurité des pentes. Elles ont été couvertes avec une couche protectrice, une coque technologique disposant d’un système de surveillance intégré. Des techniques effaçant véritablement la frontière entre le naturel et le l’artificiel. Les collines de l’île ont été transformées en un paysage hautement équipé, un territoire construit de pentes de béton et de réservoirs d’eau artificiels, traversé de sentiers récréatifs. L’ingénierie du territoire a été la condition du développement de Hong Kong » peut-on lire sur le journal de l’exposition. De plus, ces cinq derniers films sont accompagnés d’une recherche cartographique. Ils sont des sources de projet, point de départ pour imaginer des paysages augmentés.

 

Ces deux séries de courts métrages sont diffusés dans deux espaces pentagonaux permettant aux visiteurs de s’immerger dans les paysages. Bêka et Lemoine présentent simultanément leurs films sur cinq écrans, tandis que Barani déploie de façon panoramique un film unique sur cinq écrans. Ce dispositif ne permet pas de tout voir. Les paysages se dévoilent aux visiteurs au gré de leurs mouvements. « L’exposition révèle les influences mutuelles de l’homme et du paysage. Elle invite à imaginer l’avenir du paysage et affirme l’ambition de son projet » conclue Bas Smets.

 

Amélie Luquain

 

BOM, HAME, FUSO & co remporte le concours EDF Bas Carbone 2017

BOM, HAME, FUSO & co remporte le concours EDF Bas Carbone 2017

L’équipe pluridisciplinaire composée de BOM Architecture, HAME et Atelier FUSO (en collaboration avec LS2, paysage / Ingérop / ECIC / Atelier Colin & Poli Paysages / Inprozess / Fanny Leglise, architecte, auteur / Jean-Philippe Bretin, designer graphique), a reçu le « Trophée Bas Carbone EDF » pour son projet « Palun 15%, Paysages, énergies, humanités en 2050 ». L’équipe a été dévoilée lauréate de la 8ème édition du Concours EDF Bas Carbone le 22 septembre à la base sous-marine de Bordeaux.

[masterslider id= »180″]

Les quatre projets finalistes de cette session 2016/2017 (Axionomia, De la cathédrale carbone au bocage urbain, Le Trait), sont exposés jusqu’au 15 octobre à la base sous-marine de Bordeaux, dans le cadre de l’exposition « Bordeaux Respire ». Un aperçu des projets sur notre site : Concours Bas Carbone EDF : 4 équipes en lice