L’école des Beaux-Arts de Paris reprend ses fonctions muséographiques.

L’école des Beaux-Arts de Paris reprend ses fonctions muséographiques.

« L’école des Beaux-Arts de Paris n’est pas un monument, ni un ensemble de monuments. Ce qui fait monument à l’école des Beaux-Arts, c’est précisément son histoire et sa fonction. Authenticité, état de référence, état d’origine, aucun des outils « standards » du restaurateur n’est pertinent dans ce lieu. Chaque espace, chaque vestige de la cour, chaque sculpture porte sa propre histoire. Si c’est un livre, c’est une encyclopédie dont les volumes continuent à s’écrire chaque jour. Ici, pas de grands plans, pas de « gestes », il faut suivre la palpitation de l’histoire et de la vie de ce monument perpétuel afin de lui permettre d’accueillir, tout en douceur, les usages contemporains dont il a besoin. » introduit François Chatillon, Architecte en chef des Monuments Historiques, en charge de la rénovation du site depuis 2013. Et il a bien raison de décrire ainsi cette école, comme un collage d’éléments architecturaux qui s’est constitué au fil du temps.

Collage architectural

Les Beaux-Arts se déploient sur plus de deux hectares au cœur de Paris, entre le Louvre et Saint-Germain-des-Prés. A l’époque, vers 1800, l’école est installée dans l’ancien couvent des Petits Augustins, avant qu’il n’accueille le musée des Monuments français fondé par Alexandre Lenoir. Héritage architectural des siècles passés, l’école comprend des bâtiments du XVIIe jusqu’au XXe siècle, laissant apparaitre ici ou là des éléments architecturaux beaucoup plus anciens. Dès la cour d’honneur de la rue Bonaparte, est donné un aperçu de cette variété architecturale. « Les édifices qui la bordent ont pour la plupart été érigés par dans la première moitié du XIXe siècle par l’architecte François Debret ou par son élève et beau-frère Felix Duban. Le XXe siècle lui-même a laissé son empreinte dans cette enceinte avec de nouveaux étages d’ateliers construits après 1945 par Auguste Perret pour accueillir des élèves toujours plus nombreux, aujourd’hui au nombre de 600 », peut-on lire dans une brochure dédiée aux Journées du Patrimoine 2017. Si l’école des Beaux-Arts est chahutée dans son écriture architecturale, elle le fut aussi dans son organisation suite aux évènements de Mai 68 qui ont vu apparaitre des tensions entre les disciplines enseignées. S’en est suivi la séparation des enseignements artistiques de ceux architecturaux en 1977, ce  qui donnera ici naissance à deux institutions : d’un côté les Beaux-Arts de Paris (anciennement ENSBA) et de l’autre l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais (ENSAPM). Une histoire tant sociétale qu’architecturale qui vaut bien une mise en avant de ces bâtiments tous classés au titre des Monuments Historiques.

 

L’enseignement par la muséographie

L’école des Beaux-Arts de Paris fêtait en 2017 son bicentenaire, année au cours de laquelle elle a fait sa demande d’appellation « Musée de France » afin d’exposer ses collections qui ne constituaient jusqu’alors que des outils pédagogiques. « Mettre les étudiants dans un musée pour qu’ils apprennent directement au contact de l’histoire de l’art, c’est cohérent », rétorque François Chatillon, architecte en charge de la rénovation. Depuis 8 ans déjà, l’école fait l’objet d’un programme de rénovation ambitieux liée à la création d’un parcours muséographique accessible à tous, restauration appuyée par son nouveau directeur Jean-Marc Bustamante. Le palais des Beaux-Arts voit se succéder plusieurs chantiers : celui des décors polychromes d’inspiration italienne de la magnifique cour vitrée du palais des Etudes conçu entre 1830 et 1870 ; celui de la bibliothèque fondée par Prosper Mérimée en 1864, dont l’architecture générale évoque la Renaissance ; celui de la salle Melpomène, principalement dédiée à l’accueil d’expositions ; et plus récemment celui de l’amphithéâtre d’honneur, où ont été restaurés le parquet marqueté, les boiseries et les peintures. Reste encore à mener le chantier de rénovation des couvertures et verrières de l’Hôtel Chimay, ainsi que la rénovation de la cour du Mûrier, un « atrium cloitre à l’italienne » avec une fontaine centrale, entourée sur ses trois côtés d’une galerie d’arcades en plein cintre et pilastres doriques, ornés de fresques d’inspiration pompéienne et de ses statues antiques qui devrait s’achever en 2018. Un ensemble qui bénéficiera bien entendu d’une mise en accessibilité et d’outils technologiques contemporains._Amélie Luquain

 

Explication en image avec François Chatillon, Architecte en chef des Monuments Historiques et Jean-Marc Bustamante, directeur de l’école des Beaux-Arts.

© Amélie Luquain / Cécile Gauthier / Antoine Durand et Anthony Ondomat

Image à la Une © Antoine Mercusot

 

 

 

Collection Tchoban : la révolution architecturale russe s’expose aux Beaux-Arts de Paris

1917, une révolution politique et architectonique. Décrétée dès le lendemain de la prise du pouvoir par Lénine, la nationalisation du foncier offrira des conditions nouvelles pour une commande architecturale devenue entièrement publique, rappelle Jean-Louis Cohen, commissaire de l’exposition des dessins de l’avant-garde architecturale russe, présentée à l’École des Beaux-Arts de Paris. La période troublée du « communisme de guerre » qui dura jusqu’en 1920 ne laissa guère la possibilité d’implanter de nouveaux dispositifs architecturaux dans les villes : l’heure n’était pas encore aux grands chantiers héroïques, mais aux monuments éphémères chantant l’avènement du nouveau régime. L’architecture se trouvait souvent réduite à un paysage textile de bannière et de calicots, constate Jean-Louis Cohen, les morceaux de bravoure apparaissant toutefois sous forme d’architecture de papier ou et de maquettes, comme le projet de monument à la troisième internationale conçue par Vladimir Tatline en 1919. La stabilisation politique verra l’émergence de nombreux concours libérant une créativité débridée qui s’exprimera autant dans les bâtiments que sur le papier. Enterré par la normalisation stalinienne et le réalisme socialisme, cet épisode de l’histoire de l’architecture ne survivra que grâce aux familles des architectes, qui préserveront les archives, et l’action de certains collectionneurs tels Sergueï Tchoban, architecte russe installé à Berlin. Son fond comprend aussi bien le célèbre dessin de Boris Iofan pour le Palais des Soviets, projet victorieux du concours organisé par Staline en 1932, marquant symboliquement la fin des expériences architecturales des constructivistes et modernistes tels Moïsséï Guinzbourg, Ilia Golossov ou Iakov Tchernikov. Les fantaisies architecturales de ce dernier font un écho moderniste aux prisons de Piranèse, rappel d’une culture classique qui n’était pas inconnue des architectes russes les plus avant-gardistes. Elles ouvrent un répertoire formel dans lequel les architectes du monde entier viendront puiser des années plus tard, en témoignent les expériences des déconstructivistes ou les premières œuvres de Zaha Hadid, qui semblent directement inspirées des exercices de composition d’Olimpy Kisselev aux Vkhoutémas, les couleurs fluo et le fond noir en moins._Olivier Namias

Valentin Alexandrovitch Kamenski Fantaisie architecturale avec une place circulaire et un gratte-ciel Vers 1930 Lavis d’encre de Chine et aquarelle sur papier 276 x 187 mm Collection Sergei Tchoban
Iakov Guéorgiévitch Tchernikhov Composition avec des cercles et des sections de cylindres Collection Sergei Tchoban
Iakov Guéorgiévitch Tchernikhov Bâtiments industriels Collection Sergei Tchoban
Iakov Guéorgiévitch Tchernikhov Fantaisie sur le thème « Composition architecturale et combinaison de lignes droites et d’éléments curvilignes avec des volumes sphériques » Vers 1930 Perspective aérienne Graphite, encre noire et gouache sur papier 306 x 248 mm Collection Sergei Tchoban
Iakov Guéorgiévitch Tchernikhov Fantaisie architecturale Collection Sergei Tchoban

cf. Jean-Louis Cohen, Architecture de l’avant-garde russe, dessins de la collection Sergueï Tchoban, catalogue de l’exposition présenté au cabinet des dessins Jean Bonna jusqu’au 19 janvier 2018.