Le studio de design montréalais Rainville Sangaré a été engagé par un couple pour rénover l’unité 622 du complexe d’habitation des années 1960 : le célèbre Habitat 67 de Moshe Safdie. La conception de l’architecte israélo-canadien est considérée comme un exemple d’architecture brutaliste avec ses 158 logements dans 354 «boîtes» en béton préfabriquées empilées.
L’Unité 622 rénovée est composée de deux de ces blocs disposés perpendiculairement l’un à l’autre, ressemblant à la forme d’un T en plan. L’une des ailes comprend un salon, une cuisine et une salle à manger décloisonnés, tandis que l’autre abrite une chambre principale et une chambre d’amis.
Un mur de béton où les deux volumes se rencontrent est laissé exposé et est couvert de marques colorées datant de la période de construction du complexe, il y a plus de 50 ans !
« L’espace est structuré autour de la jonction des blocs », déclare le duo de designers, permettant ainsi de mettre en évidence l’assemblage du bâtiment. « Le changement principal du studio dans l’agencement de l’appartement était d’inclure une nouvelle salle de bain pour les invités. Il se trouve entre les deux chambres dans l’aile arrière, à côté de la salle de bains de la chambre principale. Dans les deux salles de bains, les douches sont dotées d’un verre dichroïque qui scintille avec différentes teintes lumineuses en fonction de l’angle de vue. Le verre jette la douche dans les tons vifs d’orange, de vert et de bleu, et crée des reflets colorés des autres appareils. »
Rainville Sangaré a également conçu les lampes noires pliées de l’appartement. Appelées Unité, elles sont « inspirées des blocs de construction préfabriqués rectangulaires d’Habitat 67 » et sont présentes dans toute la résidence.
Le studio a choisi une palette de matériaux neutres pour les autres espaces. Les teintes sont conçues pour compléter les vues du fleuve Saint-Laurent adjacent à partir des grandes fenêtres carrées de l’unité 622.
« L’environnement Habitat 67 a informé la conception de l’espace. Étant donné l’emplacement sur le fleuve Saint-Laurent, où il peut être venteux et isolé pendant les mois d’hiver, la palette de matériaux et de couleurs a été maintenue au minimum pour améliorer la qualité de la lumière et la chaleur tactile. »
Page instagram de SOS Brutalism, un des outils créé par le Musée Allemand d’Architecture pour prolonger l’exposition sur les réseaux sociaux. Cliquez sur l’image pour avoir accès à la page web
La redécouverte du Brutalisme s’accompagne d’expositions. Brutal and Beautiful, à Londres, en 2012, s’attachait à faire redécouvrir le volet britannique du mouvement. Inaugurée le 8 novembre dernier, l’exposition SOS Brutalism affiche des ambitions plus vastes, en défendant l’hypothèse d’une architecture brutaliste internationale. Nous avons interrogé Oliver Elser, commissaire de cet évènement proposant simultanément découverte d’une histoire architecturale et l’inventaire d’un patrimoine à sauvegarder. L’exposition est visible au DAM (Musée Allemand d’Architecture) de Francfort-sur-le-Main jusqu’au 2 avril, et sera par la suite présentée à l’ Architekturzentrum de Vienne du 3 mai au 6 aout 2018, puis dans d’autres villes encore à définir.
Architectures CREE/Le catalogue comme l’exposition SOS Brutalism présentent une vision étendue du Brutalisme, mouvement ou style que l’on associe traditionnellement à l’Angleterre. Quels étaient les critères de sélection permettant d’intégrer plus d’exemples qu’en retient habituellement l’historiographie?
Oliver Elser /Nous avons recherché un équilibre entre différents critères : importance de la scène ou des discours brutalistes dans le pays, typologies propres à une région, prise en compte des projets précoces ou tardifs — donc conçus dès les années 60 et jusqu’aux années 80. Un autre point important était le degré de conservation du bâtiment : nous avons porté un intérêt particulier aux immeubles demeurant proches de leur état d’origine. Ensuite, nous avons composé une sélection où figureraient à la fois les « usuals suspects », les icônes du brutalisme, et des exemples beaucoup moins connus, pour ménager des découvertes.
Architectures CREE/Vous avez divisé ce corpus en douze régions. Pourquoi ce choix? Pourquoi avoir placé la Grande-Bretagne et l’Allemagne à part?
Oliver Elser /Ce parti pris mérite une explication. Autant que possible, nous avons considéré les aires culturelles qui maintenaient des échanges et des relations. Ensuite, des régions particulières ont émergé lorsqu’elles présentaient des objets très particuliers.
La Grande-Bretagne et l’Allemagne sont traitées comme des régions à part entière. Berceau du brutalisme, le Royaume-Uni occupe une place particulièrement importante. Si nous l’avions fondu dans l’Europe occidentale, nous aurions dû éliminer de nombreux bâtiments phares. On peut légitimement se demander si l’Allemagne possède un paysage brutaliste plus riche et varié que la France ou la Suisse, par exemple. Pourtant l’Allemagne (l’ex RFA) a aussi eu le droit à son propre chapitre. La raison tient au fait que notre musée, le Deutsches Architekturmuseum, et la Wüstenrot Foundation se place dans une perspective internationale, sans oublier pour autant de s’adresser à un public national.
Architectures CREE /Quel est le profil type de l’architecte brutaliste? D’où vient-il? Voyageur international? Homme ou femme?
Oliver Elser /Les architectes dont nous présentons les projets résidaient principalement dans les régions où les bâtiments furent construits. Malheureusement, la part des architectes femmes est très faible durant ces décennies. Nous avons intégré des projets de Krystyna Tołłoczko-Różyska (Pologne), Högna Sigurðardóttir (1) (Islande), and Yasmeen Lari (Pakistan). À cette époque, seuls l’Europe de l’Est et Israël nommaient des femmes architectes aux positions importantes.
Architectures CREE /En préparant l’exposition, avez-vous découvert des projets dont vous ignoriez l’existence?
Oliver Elser /Nous avons découvert énormément de bâtiments que nous ne connaissions pas. On peut citer par exemple la Jooste House, à Pretoria (Karl J. Jooste arch., cat. p. 90), le musée National d’Éthiopie à Addis-Abeba (Gashaw Beza, cat. p.115), La cour de justice et l’Hôtel de Ville de Brantford, au Canada (Michael Kopsa, cat. p. 141), et bien d’autres encore (2).
Architectures CREE /Sur internet, le Brutalisme touche un public qui s’étend bien au-delà des cercles d’initiés à l’architecture. Présenté sous forme d’exposition, attire-t-il autant hors des cercles de spécialistes?
Oliver Elser /Avec 10 000 visiteurs par mois, la fréquentation de novembre à janvier a été supérieure de 80 % à la moyenne habituelle. Beaucoup de visiteurs ont acheté leur ticket au prix fort, ce qui veut dire qu’ils ne font pas partie du public traditionnel des musées possédant des laissez-passer annuels, mais bien un public de curieux pas forcément intéressé à l’architecture.
Architectures CREE /Un des aspects novateurs de l’exposition tient à son prolongement sur internet. La base de données SOS brutalism, produite pour l’événement, continuera d’être alimentée après le démontage des panneaux et des maquettes. Était-ce la première fois que vous utilisez les réseaux sociaux en complément de l’exposition physique? Est-ce satisfaisant?
Oliver Elser /Oui, c’est une première sous cette forme. Notre contribution pour le Pavillon de l’Allemagne à la biennale d’architecture de 2016 s’accompagnait d’une forte campagne sur les réseaux sociaux (à travers le hashtag #MakingHeimat), utilisés plutôt pour les besoins des relations publiques, pas comme projet participatif. Grâce aux réseaux sociaux, la couverture presse de l’exposition SOS Brutalism avant son inauguration a été incroyable : beaucoup de blogs, de magazines ou de journaux généralistes ont rendu compte de l’évènement, dont ils avaient eu connaissance par les réseaux sociaux. Et sur les 1100 bâtiments que compte aujourd’hui notre base de données, 600 ont été apportés par ce biais. Les 500 restants ont été intégrés par nos équipes. Le hashtag #SOSBrutalism vit sa propre vie, ce qui nous convient très bien.
Architectures CREE /Malgré son succès, le Brutalisme est menacé, et des bâtiments majeurs comme le Hall of Nation à New Delhi, ou l’école de Pimlico, sans parler du Robin Hood Garden ont été détruits. Pourriez-vous citer quelques bâtiments majeurs récemment démolis ou menacés?
Oliver Elser /La bibliothèque centrale de Birmingham, projet de John Madin construit entre 1969 et 1973, a été détruite en 2016, comme le Cho-no-Ya du temple d’Izumo (3), un projet de Kikutake construit en 1963, ou le Hall du Nuclear Reactor Building de l’Université de Washington (4). Des rénovations défigurent aussi les bâtiments : nous l’avons constaté lors de la transformation de l’Orange County Governement, projet de Rudolph partiellement démoli en 2015 (5).
Propos recueillis par Olivier Namias
Pour retrouver SOS brutalism sur les réseaux sociaux
(4) The Architect Artist Group (TAAG) / Wendell Lovett / Daniel Streissguth / Gene Zema: Nuclear Reactor Building (Moore Hall Annex), University of Washington, 1961
Entré dans l’histoire de l’architecture avec un livre — le nouveau Brutalisme, de Banham — aujourd’hui épuisé, le nouveau nouveau Brutalisme s’expose et se découvre dans les pages imprimées. Des ouvrages qui n’ont rien d’une littérature grise, que nous présenterons dans cette page régulièrement mise à jour en fonction des parutions.
La bible du Brutalisme contemporain
SOS Brutalism, A Global Survey
Reyner Banham et les Smithsons ont beau se disputer la paternité du terme « brutalisme », leur rejeton s’est émancipé au point de demander aujourd’hui une définition plus large et plus ouverte, dans temps comme dans l’espace. Retracer les contours de l’architecture brutaliste est bien la mission de cet ouvrage, qui sert de catalogue à l’exposition du DAM. Aux trois critères définis par Banham — une lisibilité formelle du plan, une claire exposition de la structure et une mise en valeur des matériaux à partir de leurs qualités intrinsèques, tels qu’ils sont trouvés — SOS Brutalism ajoute une dimension locale, imposant le Brutalisme comme une forme de régionalisme moderniste. La caractérisation du Brutalisme comme architecture de la construction des nations élargit l’inventaire du patrimoine brutaliste, qui n’est plus limité à l’Angleterre de l’après-guerre, mais s’étend désormais à l’ensemble du monde. Ce faisant, l’ouvrage impose une nouvelle lecture de l’histoire de l’architecture, plus transversale, mettant en lumière des bâtiments et des figures encore méconnues : Vann Molyvann au Cambodge, Igor Vasilevskii en Ukraine, Cezar Lazarescu au Soudan. Grande est la tentation de pointer les manques, et les architectes de l’Hexagone pourront se sentir frustrés du peu d’œuvres brutalistes en territoire français. Pourquoi n’avoir pas fait figurer l’auditorium Maurice Ravel de Lyon (Delfante et Pottier architectes), ou Le Brasilia à Marseille (Fernand Boukobza arch.), le musée de Nemours de Roland Simounet? Les architectes italiens pourraient aussi se plaindre de manques, nombreux, touchant la botte. Toutefois, l’ouvrage ne prétend pas à l’exhaustivité, d’une part car il couvre une aire géographique trop vaste pour cela, et traite d’un objet dont la redécouverte est en cour. Un site internet prolonge sur la toile l’inventaire de ce brutalisme 2.0.
En complément au catalogue, organisé en zones géographiques décryptées par des experts, SOS Brutalism est vendu avec les actes d’un symposium international réuni à Berlin en 2012. Les six années qui séparent l’évènement de sa publication pourraient laisser craindre une péremption d’une partie des textes, que les avancées du débat historiographique auraient rendus obsolètes. La variété des contributions et des auteurs offre matière à réflexion, du débat sémantique autour du terme à la résurgence d’épisodes historiques oubliés, comme la construction de mairies au Japon ou la construction de l’ambassade de Tchécoslovaquie à Berlin-Est. Un système de pastille indiquant l’état du bâtiment — protégé, occupé, menacé ou détruit — rappelle la vulnérabilité de ce patrimoine, fragile en dépit de sa force brute_ON
SOS Brutalism — A Global Survey Catalogue de l’exposition éponyme du Deutsches Architekturmuseum Dir. Oliver Elser, Philip Kurz, Peter Cachola Schmal Ed. Deutsches Architekturmuseum/Wüstenrot Foundation/Park Books 716 pages, 686 illustrations couleurs et 411 noir & blanc 22.5 x 27.5 cm ISBN 978-3-03860-075-6 (ed. anglaise) ISBN 978-3-03860-074-9 (ed. allemande)
Une Ode lyrique au béton
Simon Phipps : Finding Brutalism
A Photographic Survey of Post-War British Architecture
Fils d’architectes, élevé dans la ville nouvelle de Milton Keynes, Simon Phipps pouvait difficilement échapper au Brutalisme. Inscrit au Royal College of Art en section sculpture, produisant des œuvres conjuguant l’influence de la sculpture anglaise à la Tony Cragg aux volumes inspirés des ensembles de logements et autres bâtiments de la reconstruction britannique post deuxième guerre mondiale. Il s’est finalement dirigé vers la photographie, aux services des architectes puis en tant qu’auteur à part entière, centrant son travail sur l’architecture brutaliste. Les images en noir et blanc, fortes et denses, évoquent les reportages d’un Chris Killip, les gens en moins. C’est radicalement que Phipps photographie l’architecture britannique de l’après-guerre, ne cherchant pas a minorer les masses des bâtiments, n’évitant pas les confrontations ni les détails qui exaltent la matérialité du béton, présent au mur, au sol sur les planchers, ou celle de la brique.
Phipps réalise ses images en tournant autour des bâtiments, jusqu’à trouver l’angle qui lui convient. En préalable, des recherches en archives lui ont permis de mieux comprendre l’objet de travail, et de rencontrer, par le biais archivistique, ses prédécesseurs. Roger Mayne, John Maltby, Tony Ray Jones, qui ont photographié ces ensembles au moment heureux de leur livraison. Quelques images reproduites dans le livre restituent cette ambiance heureuse, cette époque où, comme on le dirait pour la France, les HLM étaient blanches, et peuplées d’enfants. Phipps ne s’est pas interdit d’effectuer quelques similis reconductions, prises de vue depuis un point de vue quasi identique qui permettent de mesurer le passage du temps. Une vue d’Alton West montre un site pratiquement inchangé, à 55 ans d’intervalle.
Ces reconductions sont rares, car la démarche de Phipps n’est pas documentaire. En soulignant les textures, en accentuant la matérialité des surfaces grâce aux outils de la photographie, Phipps se place dans la lignée des photographes d’architectures comme Lucien Hervé, développant un langage propre à partir d’un corpus existant. Si Phipps rend justice à l’époque et aux utopies sociales qui firent germer ces ensembles, c’est en exaltant leur force et leur bruit granulométrique, vecteur d’un sentiment d’étrangeté qui font que ces œuvres oubliées nous interpellent de nouveau, d’autant qu’une impression de qualité leur redonne une troublante profondeur._ON
Simon Phipps : Finding Brutalism — A Photographic Survey of Post-War British Architecture par Hilar Stadler, Andreas Hertach (dir.) Ed. Museum im Bellpark/Park Books, 2017 258 pages, 10 illustrations couleur, 192 duotone, et 28 en noir & blanc 20 x 25.5 cm ISBN 978-3-03860-063-3 (ed. anglaise) ISBN 978-3-03860-064-0 (ed. allemande)
Une hypergéométrie pour l’architecture moderne
Space Packed : The architecture of Alfred Neumann
« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » la maxime attribuée à Platon aurait pu être inscrite à l’entrée de l’agence d’Alfred Neumann (1900-1968), figure méconnue de l’architecture moderne à qui cette monographie rend justice. Le parcours de cet architecte né avec le 20e siècle dans une famille juive à Vienne suit les soubresauts de l’histoire européenne. Neumann grandit dans une famille de fabricant de meubles. Après des études d’architecture dans un établissement allemand (la Deutsche Baugewerbschule) à Brno, ville tchèque alors intégrée à l’Empire austro-hongrois puis à la nouvelle Tchécoslovaquie, Neumann retourna à Vienne pour suivre l’enseignement de Peter Behrens. L’architecte de l’AEG considérait Neumann comme l’un de ses éléments les plus brillants. A l’époque, la mobilité ne s’embarrassait pas de programmes Erasmus. De 1925 à 1938, il va se déplacer constamment à travers l’Europe. D’abord Paris, où il rejoint l’atelier d’Auguste Perret après un détour chez Charles Siclis, avant son départ pour Berlin pour travailler chez Behrens, puis divers aller-retour entre Brno et Paris, ou il officiera chez différents architectes : Jacques Guiauchain et Pierre Forestier, qu’il assistera sur le projet de Palais de l’agriculture d’Alger, Perret de nouveau et Jean Ginsberg. À partir de 1938, il vit caché à Brno et à Prague, où il est arrêté au printemps 1945 et déporté à Thieresienstadt. Voilà pour la part de traumatisme qu’on prête à nombre d’architectes brutalistes. En 1949, suite au coup d’état communiste, il quitte la Tchécoslovaquie pour Israël.
Behrens et Perret : Neumann partage ce patronage avec Le Corbusier, qu’il rencontrera en tant que correspondant des CIAM. Comme Corbu, Neumann va développer dans les années 50 un système de régulation géométrique des proportions dans l’architecture, baptisé EM_PHI car basé sur le système métrique et la valeur du nombre d’or φ.
C’est par l’enseignement qu’il accède à ses premières commandes d’importance en Israël. Zvi Hecker et Eldar Sharon, ses étudiants, l’associent au projet d’Hotel de Ville et centre civique qu’ils viennent de remporter à Bat Yam, dans la banlieue de Tel-Aviv. Neumann enrichira le projet en appliquant à la pyramide inversée dessinée par Hecker et Sharon son système géométrique. Il proposera l’inscription du bâtiment dans un espace public monumental qui ne sera jamais réalisé. Neumann mettra par la suite ses géométries au service des programmes les plus divers, le projet le plus insolite restant celui du club Méditerranée d’Achziv, où, toujours avec Sharon et Hecker, il développera un modèle de huttes aux faces hexagonales mobiles. Neumann tentera lors de nombreux concours de mettre en œuvre son système géométrique, mais construira peu. Les laboratoires du département d’ingénierie mécanique du Technion Institute of Technology à Haifa (1966), la synagogue de Mitzpeh Ramon (1969) et l’immeuble Dubiner de Ramat Gan(1964), constituent la partie la plus marquante de son œuvre (1). _ON
(1) Projets réalisés en collaboration avec Zvi Hecker et parfois Eldar Sharon
Space Packed -The Architecture of Alfred Neumann par Rafi Segal Ed. Park Books, 2017 376 pages, 49 illustrations couleur et 373 noir & blanc 18.5 x 24.5 cm ISBN 978-3-03860-055-8
Cette semaine, Architectures CREE se penche sur le brutalisme, succès architectural de la décennie. Nous avons vu hier comment le terme était défini par les historiens de l’architecture. Voyons à présent ce qu’il recouvre pour les amateurs du brutalisme. Experts et grand public pensent-ils à la même chose quand ils prononcent le mot Brutalisme?
La passion du grand public pour le brutalisme ne s’encombre pas des querelles historiographiques évoquées lors de notre précédent chapitre. Comme le note Oliver Elser dans « SOS Brutalism » « Une nouvelle définition de l’architecture brutaliste est depuis longtemps attendue. Le Brutalisme d’aujourd’hui n’a plus rien à voir avec celui qu’Alison Smithson, Peter Smithson et Reyner Banham ont introduit dans le discours architectural. (…) L’architecture brutaliste connaît une nouvelle carrière fulgurante sur les réseaux sociaux. À travers Instagram, Facebook et Tumblr, le mot Brutalisme est devenu un synonyme pour n’importe quel bâtiment en béton apparent, sans considération pour sa date de construction, sa localisation ou sa fonction » (1). Donc, Brutalisme = béton brut. la définition revient aux racines du terme, utilisé par Le Corbusier en 1952 pour qualifier la finition approximative du béton de la Cité radieuse. Selon un mécanisme récurrent en histoire de l’art, un terme plutôt péjoratif finit par désigner un style. Aussitôt énoncée, cette définition déduite d’un corpus rassemblée sur Instagram s’avère déjà trop lâche, en dépit de son aspect attrape-tout. Peut-il y avoir une architecture brutaliste en brique? Les villas Jaoul, de Le Corbusier, ou l’école d’Ulm (Max Bill), bâtiments comportant plus de briques que de béton, semblent pourtant mériter l’étiquette. Le Frankfurter Allgemeine Zeitung qualifia d’ailleurs l’école de Bill de brutaliste à l’époque de sa livraison. Les plaques métalliques embouties, voire la pierre agrafée, ne sont pas non plus absentes des images diffusées sur les réseaux sociaux spécialisés brutalisme, même si la domination du béton reste écrasante.
Pour empirique qu’il soit, le corpus brutaliste constitué par les réseaux sociaux principalement à partir d’images possède une cohérence certaine. Il montre une prédilection pour la répétition dès lors qu’elle produit une texture de façade, délaisse par contre la répétition d’un type qui serait conçu comme un produit industriel à multiplier, préférant les bâtiments « sculpturaux ». Il faut reconnaître une certaine habilité des brutagrammers à se faufiler entre les pièges morphologiques. Oui à la répétition des logements de l’Alexandra and Ainsworth Estate, non à la Kroutchevskaia logement de masse soviétique ou aux logements répétitifs de la reconstruction française, pourtant baptisée hard-french — expression laissant entendre une certaine rudesse — par un de leur historien fétiche. Il faut garder à l’esprit que le corpus brutaliste est encore en formation, qu’il semble d’abord avoir été défriché par des Anglo-saxons ou des amateurs d’exploration urbaine en virée dans l’ex-bloc communiste. La faible représentation de l’architecture française dans les bibles brutalistes, comme SOS Brutalism, tient sans doute au fait qu’une lecture du patrimoine au prisme de cette catégorie reste à faire. Actuellement, n’émergent comme brutalistes dans l’hexagone que quelques bâtiments de Claude Parent, des travaux des membres de l’AUA ou de l’Atelier de Montrouge. Il est parfaitement légitime d’inclure dans le french brutalism la reconstruction d’Ivry par Renaudie et Gailhoustet, mais pourquoi ne pas aussi intégrer Royan, Flaine, le siège du PCF et du journal l’Humanité de Niemeyer, les orgues de Flandre, les ensembles de Pouillon ou des infrastructures plus difficiles à appréhender, à l’image de la gare de Lyon Perrache, ou des bâtiments plus récents tel le ministère des finances de Chemetov? Les travaux d’autre ex-membres de l’AUA pourraient y figurer de droit. Nouveau continent, le brutalisme reste encore largement a découvrir.
La définition du brutalisme étant tellement lâche, faut-il encore employer le terme? Le livre de Banham était déjà l’acte de décès du « mouvement », qui avait perdu son étique en devenant esthétique, devenant, pour paraphraser Anatole Kopp, plus un style qu’une cause. « Vous ne pouvez pas abandonner à la légère un terme aussi bien établi. Il possède une valeur historique. Mais il doit être employé dans son sens étroit. C’est ce qui arrive toujours avec les “Styles”. Ils ont été introduit comme terme de combat, à l’instar du “Style International” lancé par le Musée d’art moderne de New York (MoMA) en 1932, dans le cadre d’une campagne de propagande visant à orienter le modernisme dans une certaine direction. De là, le terme a vécu sa propre vie. Dans le cas du brutalisme, nous pourrions peut-être parler d’une production plus ample, un ensemble de variation modernistes que l’on pourrait appeler “brutalisation de l’architecture” » explique Jean-Louis Cohen (2). Au delà du béton brut, Oliver Elser relève quelques caractéristiques offrant le plus petit dénominateur commun du brutalisme : principalement des bâtiments publics, adaptant le modernisme au contexte culturel local. « A l’inverse du style international, le brutalisme était plutôt un style interrégional ou néorégional (…), simultanément régional et global, c’est l’architecture des nations en construction ». Ce qui explique qu’on le rencontre aussi bien dans des pays en reconstruction après la Seconde Guerre mondiale ou après les catastrophes naturelles (tremblement de terre de Skopje), l’édification des nations socialistes ou des pays récemment décolonisés, ou en cours de modernisation. Et qui laisse à penser que le public perçoit les messages cachés derrière l’esthétique. Finalement, le brutalisme serait-il encore une éthique, avant d’être une esthétique?_Olivier Namias
(1) Oliver Elser, « Just what is it that makes Brutalism Today so appealing ? A new definition from an international perspective », SOS Brutalism – A Global Survey, Deutsches Architekturmuseum/Wüstenrot Foundation/Park Books, 2017.
(2) Jean-Louis Cohen, « Western Europe : Beyond Great Britain: Proto-Brutalism and the French Situation », SOS Brutalism — A Global Survey, Deutsches Architekturmuseum/Wüstenrot Foundation/Park Books, 2017.
(3) Olivier Elser, SOS Brutalism, op. cit., p.16
Demain : le Brutalisme : style révolu ou projet futur?
Cette semaine, Architectures CREE se penche sur le brutalisme, succès architectural de la décennie. Après avoir présenté les différents indices témoignant d’une véritable brutalmania, nous revenons sur la définition du brutalisme par les historiens et théoriciens de l’architecture. Est-ce un style? Un mouvement? Ou encore autre chose?
Une première explication au succès du Brutalisme tient à un paradoxe : la définition très vague du terme. Bien qu’il dispose d’un suffixe en — isme qui lui donne sa place dans les classifications d’histoire de l’art, le mot Brutalisme ne désigne pas un mouvement précis. Pas de figures ou d’animateurs éditant une doctrine applicable, pas de foyer unique pour ce qui apparaît comme un mouvement global, s’étendant de part et d’autre du rideau de fer, dans les pays occidentaux aussi bien que chez leurs anciennes possessions récemment décolonisées. Pas de bornes temporelles réelles, hormis un point de départ fixé au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, et se prolongerait jusqu’à aujourd’hui. Certains architectes dont la production est qualifiée de Brutaliste rejettent le qualificatif avec vigueur.
Un symposium international tenu à Berlin en mai 2012 a permis d’élucider quelques points de doctrine (1). L’historiographie a longtemps attribué l’origine du terme aux architectes Peter et Alison Smithson d’abord, puis au critique Reyner Banham, dans l’Angleterre des années 50. Les premiers l’auraient utilisé pour qualifier leur école de Hunstanton, le second dans un article paru dans Architectural Review en 1955 (2) en y accolant le terme « New », puis dans un ouvrage publié en 1966 (édition française en 1970) (3), depuis longtemps épuisé. Il est aussi admis que Le Corbusier a indirectement sa part dans la formation du terme. L’architecte parla de béton brut à propos de la Cité radieuse de Marseille, en raison des imperfections constructives dont eu à souffrir la « maison du fada ». Bien que brut se traduise en anglais par raw, terme qui renvoie au cru, la racine du français à prévalu.
Cette généalogie largement admise présente peut-être une version simplifiée des faits. Lors de son intervention au symposium de Berlin, Liane Lefaivre rappelle les origines suédoises du terme Nybrutalist, forgé en1950 par Hans Asplund (3). Fils de l’architecte Eric Gunnar Asplund, il établissait à travers ce terme des passerelles entre l’architecture et l’Art Brut, une forme d’expression artistique établie en 1945 par Jean Dubuffet. Les racines sont peut-être plus anciennes : Lefaivre voit les origines du « brutalisme » de van Eyck — qui ne revendiquait pas le terme — du côté de la peinture hollandaise du 16e et 17e siècle (4). Jean-Louis Cohen retrouve les caractères du brutalisme, que nous détaillerons plus loin, dans des œuvres construites avant 1945, comme l’église de Notre-Dame du Raincy (1922-23), de Perret, ou l’église Heilig Gast de Jože Plečnik a Vienne (1913) (5).
En dépit de ces exemples brutalistes avant la lettre, la date de 1945 fait consensus pour marquer les débuts du Brutalisme. « Jusqu’à son nom, le Brutalisme est inséparable de la guerre » affirme Béatriz Colomina. Si, comme certains l’affirment, le modernisme est une réponse au traumatisme de la Première Guerre mondiale (6), sa déclinaison Brutaliste est une réaction à la Deuxième Guerre mondiale. Colomina revient sur la biographie des figures architecturales de l’après-guerre, soulignant leur participation active au conflit. Colin Rowe s’orienta vers l’histoire de l’architecture parce qu’une blessure à la colonne vertébrale qu’il s’était faite lors d’un parachutage l’empêchait de se pencher trop longtemps sur une table à dessin. James Stirling, son compagnon de régiment dans l’armée de l’air, avait pris part au débarquement et fut sérieusement blessé à Caen. Les architectes Alan Colquhun et Robert Maxwell s’étaient rencontrés dans l’armée des Indes, et Colquhun fut blessé en Birmanie. Les dommages de la guerre atteignaient autant les civils que les soldats. Et nul besoin de monter au front pour éprouver les forces destructrices de la guerre. « La maison hachée par les bombes alors que les femmes sont encore dans la salle de bain, le reste de l’habitation détruite mais les papiers peints et le feu se consumant encore dans l’âtre. Qui allumera un cierge à cette sorte de surréalisme de la vie réelle », se demandait le photographe Nigel Henderson, membre de l’indépendant Group et compagnon de route des Smithsons (7). Que ce soit au Japon ou en Angleterre, on retrouve les mêmes photomontages de projets architecturaux édifiés sur les ruines et les destructions de la guerre (8). Les 600 aires de jeux construites par van Eyck dans le quartier Jordaan à Amsterdam prennent la place de maisons détruites prises à leurs occupants juifs. Dans ce sens, l’architecture brutaliste apparaît comme un projet de reconstruction, qui, par rapport aux précédentes, affirme une dimension cathartique (9), détournant l’énergie destructive au service d’un projet d’édification pouvant contenir dans les murs la brutalité du monde._Olivier Namias
(1) Les actes viennent d’être publiés chez Park Books avec l’ouvrage SOS Brutalism. Contributions to the international symposium in Berlin 2012, Wüstenrot Foundation/Park Book, 2017
(2) Voir l’essai d’Ann Susan et Katie Chen, « the Mental Disorders that gave us Modern Architecture », commonedge.com (https://www.citylab.com/design/2018/01/the-perils-of-diagnosing-modernists/551096/) et la réponse de Darran Anderson « The perils of Diagnosing Modernists », Citylab.com https://www.citylab.com/design/2018/01/the-perils-of-diagnosing-modernists/551096/
(3) Reyner Banham, The New Brutalism, Architectural Press, 1966. ed. française le brutalisme en architecture, Dunod, 1970
(3) Liane Lefaivre, « Aldo van Eyck, the Humanist Rebellion, and the Reception of Brutalism in the Netherlands », contributions…, op. cit., p.77-84
(4) « cela remonte à la tradition hollandaise de la peinture du 16e et 17e siècle, qui célébrait les aspects grivois et sales de la vie de tous les jours, avec des peintres comme Rembrandt, Carel Fabritius, Peter de Hooch, Jan Steen », Liane Faivre, op. cit., p.80
(5) Jean-Louis Cohen, « Western Europe : Beyond Great Britain: Proto-Brutalism and the French Situation », SOS Brutalism – A Global Survey, Deutsches Architekturmuseum/Wüstenrot Foundation/Park Books, 2017.
(6) Beatriz Colomina « Brutalism and War », Contributions to the international symposium in Berlin 2012, Wüstenrot Foundation/Park Book, 2017, pp.19-29
(7) Ibid., p.19
(8) voir les photomontages des Smithson pour le projet de Golden Lane (1952) et ceux plus tardifs d’Isotazaki.
(9) C’est la thèse de certains auteurs comme Emmanuel Rubio, vers une architecture cathartique (1945-2001), Éd. Donner Lieu, 2011
Un sous-continent oublié du modernisme ressuscite grâce aux réseaux sociaux : le Brutalisme. Comptes Instagram, Tumblr ou Facebook, entraînant dans leur cortège livres, produits décoratifs, et jeux, témoignent d’une véritable brutalmania. Apparue à l’aube des années 2010, elle semble être plus qu’une mode passagère. Elle surprend par sa vigueur et par la population qu’elle touche, bien au-delà des cercles d’experts architectes ou historiens. Ceci pour un style qui concentre tout ce que le grand public déteste dans l’architecture moderne : le béton brut, les grandes dimensions, la rudesse… Architectures CREE revient cette semaine sur ce retour en grâce inattendu. Que cache l’engouement pour ces formes sans concessions? Serait-ce l’occasion de réconcilier le grand public avec l’architecture moderne? Architectures CREE consacre ses publications de la semaine à ce « mouvement » qui, d’après l’historien Oliver Elser, commissaire de l’exposition SOS Brutalism(1), a développé sa propre dynamique et se pose désormais en phénomène international.
Viva Brutalismo ! La résurrection des « monstres de béton »
Qui aurait parié que l’architecture brutaliste deviendrait la tendance architecturale la plus populaire de ces dernières années ? « En dépit de la désaffection qui suivit la lune de miel, [le Brutalisme] est maintenant devenu plus fort que jamais. Le nombre d’articles, de thèses, de conférences, de sites internet, de programmes télévisés — sans parler des campagnes de sauvegarde — est ahurissant. Tout aussi remarquable est le fait que les meilleurs articles — ou les plus populaires — traitant du mouvement sont le fait de non-initiés plutôt que d’auteurs formés à la critique ou à l’histoire de l’architecture » relève Liane Lefaivre (1).
Rien, dans le Brutalisme, n’est pourtant fait pour flatter les goûts habituels du public en matière d’architecture. Le matériau de prédilection de ce « style » — nous reviendrons sur cette notion plus tard —, le béton brut, est celui qui provoque habituellement le rejet le plus violent, le matériau associé le plus étroitement aux maux de la ville et du monde moderne. La massivité et l’ampleur des bâtiments dit brutalistes ne correspond en rien aux échelles appréciées du public, qui préfère des dimensions « humaines », perçues plus proches de l’individu. Enfin, malgré des audaces structurelles conséquentes, les œuvres relevant de la catégorie brutaliste n’ont pas la lisibilité des grands ouvrages d’art, et ne présentent pas cette mise en évidence des forces qui permet de créer un lien avec des structures un peu barbares, tels des ponts haubanés ou la tour Eiffel.
Brutal East, studio Zupagrafika : des maquettes en papier en hommage à l’architecture brutalisteBrutal East, studio Zupagrafika : des maquettes en papier en hommage à l’architecture brutaliste
Du livre aux produits dérivés
Des indices diffus permettent de mesurer la grande popularité du Brutalisme. En premier lieu, les ouvrages consacrés au sujet, réussissant l’exploit de lancer en librairie des ouvrages entièrement en noir et blanc d’immeubles de l’après-guerre, et de les faire accéder au rang de coffee-table book, le livre qu’on laisse traîner en guise de décoration sur la table basse du salon. Sans connaître la réalité du succès de ces titres en librairie, leur multiplication laisse présager d’un certain engouement. Mais ce n’est pas tout : s’ajoutent à ces publications un brin austère des produits plus ludiques : album à colorier (2), ou papier peint photoréaliste (3) pour tapisser vos murs de magnifiques structures bétonnés, voir machine à café estampillée « brutaliste », car simplement faite en béton (4). Pour la modique somme de 31 €/m2, vous pouvez inviter dans votre salon les textures bétonnées du plafond à caisson d’une station de métro de Washington, ou de gratte-ciel londonien ou autre objet non identifié.
Extrait du livre This Brutal World (Archi Brut) de Peter Chadwick chez PhaidonPapier peint Concrete Effect représentant la voute de la gare de Wahsington. Editeur : Murals WallpaperUne machine à café en béton. Designer : Montaag. Editeur: AnZa ConcreteSérie En Concreto de Liliana Ovalle : une collection de petits objets qui explorent la matérialité du béton et sa référence culturelle à l’architecture moderne, pouvant être adoptées comme objets domestiques
Le niveau de diffusion de ces produits restant inconnu, vous aurez plus de chance de rencontrer la brutalmania sur les réseaux sociaux que dans les salons tendance. Twitter, Facebook, et encore plus Tumblr et Instagram sont bien les canaux de la renaissance du brutalisme, laissant supposer que la frange du public intéressé à ces architectures est tout juste trentenaire. D’abord opérée à travers le partage d’images portant le hashtag #brutalism (recensé dans 352 993 publications) #brutalistarchitecture (56 431 publications). Le compte Instagram brutal_architecture totalise 1 889 publications pour 132 000 abonnés. Viennent ensuite des comptes comme Socialistmodernism, qui, bien qu’il ne se réclame pas ouvertement de ce « mouvement », en partage le corpus. Socialistmodernist a publié 2 504 photos et est actuellement suivi par 129 000 abonnés. Une partie des images publiées est apportée par des contributeurs extérieurs. Une myriade de comptes à l’audience plus limitée et aux publications plus rares explorent les avatars locaux avec plus ou moins de rigueur : brutal_moscow, brutalistdc (pour Washington), brutalistcharm, brutopian, brutaltour, brutalboston, le plus fournis brutalist_sheffield, brutal_london, ou le plus passionnel brutalismismyboyfriend, le tumblr fuckyeahbrutalism, etc. Ce foisonnement vivace et passionné cerne-t-il vraiment le concept de brutalisme, ou parle-t-il finalement d’autre chose? Nous le confronterons mercredi avec la définition donnée par les historiens et théoriciens de l’architecture, après avoir rendu compte demain de l’écho que la presse donne au mouvement. _Olivier Namias
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(1) in Liane Lefaivre,« Aldo van Eyck, the Humanist Rebellion, and the Reception of Brutalism in the Netherlands », Contributions to the international symposium in Berlin 2012, Wüstenrot Foundation/Park Book, 2017, p.77-84
(2) Ainsi que le relevait Liane Lefaivre, citant en exemple The brutalist colouring book. https://www.designboom.com/shop/design/the-brutalist-colouring-book-tm-12-12-2016/Consulté le 9/2/18
(4) « Nous nous sommes appuyés sur un mix béton sans additifs chimiques pour obtenir le look cru, brutaliste, que nous recherchions », expliquent l’agence Montaag, designer de ce produit. cf. Barbara Eldredge « This concrete coffee machine is a Brutalist Beauty », curbed.com, 3 octobre 2017. https://www.curbed.com/2017/10/3/16408758/coffee-maker-anza-concrete-montaag. Consulté le 9/2/18
Architectures CREE, en association avec la librairie Volume, présente sa sélection de livres pour les festivités de la fin d’année 2016 ; une liste d’ouvrages éclectiques, où les points de vue de critiques, pratiques d’architectes et regards de photographes sur l’architecture se confondent, se répondent et s’interrogent, dans des « livres objets ». De Londres à Shanghai, du brutalisme au bricolage, de Venturi à Perrault, ou de l’hôtel à l’église, se cultiver est une mission bien vaste qu’il nous faut commencer dès aujourd’hui. Vous en souhaitant bonne lecture !
Brutal London : construct your own concrete capital, Zupagrafika, éditions Prestel, octobre 2016, 72p., 24 x 28 cm, 19,99 £. ISBN : 978-3-7913-8300-2
Brutal London
Zupagrafika est un studio de création basé en Pologne, fondé par David Navarro et Martyna Sobecka. Le studio a une affinité particulière avec l’architecture moderniste, la typographie et le papier. Il conçoit, illustre et publie des objets primés, liés à l’architecture. La première partie de l’ouvrage examine la signification de chacun des bâtiments, au travers de textes et images. La deuxième partie du livre se compose d’une série de 9 bâtiments pré-découpés et pliés, imprimés sur du papier cartonné lourd, que les lecteurs peuvent détacher et construire avec des instructions faciles à suivre.
Le Corbusier & Pierre Jeanneret, restauration de l’immeuble Clarté Genève, Ed by Office du patrimoine et des sites, Birkhauser, octobre 2016, 192p., 29 x 24cm, 49.95 €. ISBN : 978-3-0356-0751-2
Le Corbusier et Pierre Jeanneret, restauration de l’immeuble Clarté Genève
L’histoire de l’immeuble Clarté construit à Genève par Le Corbusier et Pierre Jeanneret et surtout de sa restauration. (plan, photos, etc.)
The structure, works of Mahendra Raj, Vandini Mehta, Rohit Raj Mehndiratta, Ariel Huber, Park Books, 2016, 428p., 19,5 x 25,5 cm, 68 €. ISBN 978-3-03860-025-1The difficult whole, a reference book on Robert Venturi, John Rauch and Denise Scott Brown, Kersten Geers, Jelena Pancevac, Andrea Zanderigo, Park Books, 2016, 216p., 21 x 30 cm, 48 €. ISBN 978-3-906027-84-5
The structure, works of Mahendra Raj
Agé aujourd’hui de 92 ans l’ingénieur Mahendra Raj a participé à la construction de Chandigarh avec Le Corbusier, il a aussi travaillé à New York, Delhi et Bombay. Ami intime du béton il a conçu (entre autres) avec Kuldip Singh (après sa séparation d’avec Raj Rewal) la très brutaliste tour du NDMC (New Delhi Municipal Corporation) à quelques pas de Connaught Place.
The Difficult Whole En 1966, l’architecte Robert Venturi publie Complexity and Contradiction in Architecture, un manifeste qui devient l’une des plus importantes déclarations du XXe siècle sur l’architecture. Cinquante ans plus tard, ce livre propose une nouvelle analyse et une réévaluation approfondie de l’idée de « Difficult Whole » de Venturi et de son héritage. Grâce à une relecture radicale des documents d’archives, les éditeurs proposent une alternative crédible au discours architectural contemporain, qui tient compte des arguments de Venturi et offre un moyen d’aller de l’avant. Mettant en vedette des essais, ainsi que des analyses approfondies de vingt-huit projets de Venturi, Rauch et Scott Brown, The Difficult Whole est sûr de susciter la discussion et l’inspiration dans le monde de l’architecture et le design.
Groundscapes : autres topographies, Dominique Perrault, Frédéric Migayrou, Editions HYX, 2016, 206p., 16 x 24 cm, 25 €. ISBN 978-2-910385-99-6
Groundscapes
Les éditions HYX publient le travail du spécialiste de la construction sous nos pieds, l’architecture du ‘groundscape’. Une idée, un concept, que l’architecte explore et expérimente depuis des années au sein de ses projets et au travers de ses fictions. « Une écriture du réel, une architecture souterraine où il ne s’agit pas de vivre sous terre mais d’inscrire les lieux de vie dans la terre, cet épiderme du sol ouvert sur le ciel. »
Twenty-four modern Lorraine churches, Eric Tabuchi, Poursuite Editions, septembre 2016, 48p., 21 x 21 cm, 20 €. ISBN : 978-2-918960-92-8
Référence non dissimulée à Ed Ruscha, Twenty-Four Modern Lorraine Churches s’inscrit dans le genre du livre d’artiste. Il a été publié à l’occasion de Tables et Matières, exposition d’Eric Tabuchi présentée à la médiathèque des Abattoirs de Toulouse jusqu’au 7 janvier 2017. Inlassable explorateur des formes construites, Eric Tabuchi documente ici de façon sérielle les églises issues des campagnes de reconstruction de la région Lorraine. « Ce travail de recensement, s’il n’avait jamais été effectué et pour captivant qu’il ait pu être, ne représentait pourtant pas à mes yeux l’enjeu principal de cette série de photographies, explique Tabuchi. Il s’agissait d’abord pour moi de décrire une rencontre, dans les circonstances tragiques que nous connaissons, entre cette Lorraine à la fois rurale et industrielle et l’architecture moderne – entre ces paysages austères et ces formes nouvelles. Il fallait rendre compte de ce surgissement, de cette étrangeté et d’une certaine façon de l’incompréhension qui en a découlée. C’était une étrange idée de penser réparer le traumatisme de la guerre avec des édifices coulés dans le même béton que les blockhaus voisins ».
Roger Eberhard, Standard, Photographs by Roger Eberhard. Texts by Franziska Solte, Benedict Wells, and Nadine Wietlisbach, Scheidegger & Spiess, 2016, 88p., 34 x 27,5 cm, ISBN 978-3-85881-528-6Serge Fruehauf, Extra Normal, Joerg Bader, Scheidegger & Spiess, 2016, 200p., 23 x 20 cm, 48 €. ISBN 978-3-85881-527-9
Standard
Pour son dernier projet d’art conceptuel, le photographe suisse Roger Eberhard a parcouru cinq continents et a visité 32 villes où il a réservé la chambre double standard à l’hôtel Hilton local. Il a pris une photo de l’intérieur de la chambre et de la vue de sa fenêtre en utilisant toujours la même perspective, témoignant d’un design remarquablement uniforme. Trois essais complètent les photographies : un texte inédit du romancier allemand Benedict Wells qui réfléchit à la monotonie qu’il éprouve lors de ses voyages dans des suites de chambres d’hôtel. Franziska Solte, historien d’art, examine la chambre d’hôtel comme l’intérieur moderne par excellence. L’experte en photographie Nadine Wietlisbach analyse et contextualise le dernier travail d’Eberhard.
Extra-Normal
Pendant deux décennies, le photographe suisse Serge Fruehauf a documenté des détails architecturaux fascinants moulés dans du béton. Mais son regard se pose aussi sur des casses-tête surprenants et parfois absurdes créés par des interventions ultérieures – des escaliers qui mènent à des impasses, des murs de jardin défiguré qui ont longtemps survécu à leur but ; des extra-normal. Les photographies, prises à travers Paris, Genève, Grenoble et Lyon, forment une réflexion critique sur la modernité architecturale, les constructions moderne en béton apparaissant aujourd’hui comme monstruosités sournoises ou hybrides grotesques de l’architecture traditionnelle et moderne.
Manuel illustré de bricolage urbain, Etienne Delprat, YA+K et Nicolas Bascop, Editions Alternatives, octobre 2016, 128p., 19 x 25,5 cm, 25 €.
Manuel illustré de bricolage urbain
Il est possible d’investir autrement l’espace urbain, de le réinventer par des aménagements divers, par des hacking de mobiliers et d’espaces publics, par des dynamiques d’appropriation citoyenne, par l’agriculture et le jardinage ou encore en navigant sur les réseaux d’échanges et d’entraide autogérés. Etienne Delprat et Nicolas Bascop invitent à fabriquer des éléments de mobilier urbain divers et variés.
Kagan, architectures 1986-2016, dir Nathalie Régnier-Kagan, AAM-Ante Prima édition, septembre 2016, 276p., 25 x 22 cm, 24 €. ISBN 978_2_87143_306_4
Kagan, architectures 1986-2016
Disparu fin 2009 à 56 ans, Michel Kagan était considéré comme une sorte d’enfant prodige par ses frères en architecture néo-moderne. Formé en France, enseignant à Columbia puis à Belleville, il livrait en 1991 avec la cité technique et administrative pour la ville de Paris un bâtiment manifeste qui concentrait les particularités de son écriture architecturale, traits qu’il appliquait simultanément avec une générosité presque excessive sur la cité d’artiste du Parc Citroën-Cévennes. Son écriture se fit ensuite plus pondérée, sans rien renier de sa filiation moderniste, héritage envisagé plus comme une phénoménologie que comme un style. Ainsi, rappelle Jean-Louis Cohen dans un essai introductif, Kagan voyait la promenade architectural non comme une chose ludique, mais un lien social dans une architecture démocratique, de relation. Kenneth Frampton, Franco Purini et d’autres architectes dont il était proche abordent dans différents essais la personnalité et le travail de l’architecte, présenté de façon extensive dans cet ouvrage qui aborde également les projets réalisés depuis sa disparition par l’agence, désormais dirigée par Nathalie Régnier-Kagan, veuve et associé de l’architecte.
African Modernism, the architecture of Independence. Ghana, Senegal Côte d’Ivoire, Kenya, Zambia. Manuel Herz, Park Books, 2016, 640p., 23,5 x 32 cm, 68 €. ISBN 978-3-906027-74-6Italo Modern 2, Architecture in Northern Italy 1946–1976. Martin and Werner Feiersigner, Park Books, 2016, 552p., 16,5 x 22 cm, 48 €. ISBN 978-3-03860-029-9
African Modernism
Dans les années 1950 et 1960, la plupart des pays africains obtinrent l’indépendance. L’architecture est devenue l’un des principaux moyens par lesquels les pays nouvellement formés ont exprimé leur identité nationale, illustrant aussi les difficultés, les contradictions et les dilemmes que ces pays ont vécus dans leur processus de construction nationale. Cet ouvrage étudie pour la première fois la relation entre l’architecture et la construction du Ghana, Sénégal, Côte d’Ivoire, Kenya et Zambie. Il comporte 103 bâtiments avec de brefs textes descriptifs, des images, des plans. D’autres essais sur l’Afrique post-coloniale et des aspects et sujets spécifiques complètent ce livre remarquable. Une publication qui coincide avec une exposition à Vitra Design Museum Gallery à Weil am Rhein.
Italo Modern
Avec ces deux volumes enfin traduit en anglais c’est un véritable inventaire, à la qualité photographique rare, de l’architecture moderne de l’Italie du nord entre 1946 et 1976 qu’offre les frères Feiersinger, l’un est architecte, l’autre est photographe.
Mindwalks, 8 graphic narratives through Shanghai, Pauline Marchetti / Jacques Ferrier, Sensual City Studio, mai 2016, 288p., 29 x 6 cm, 50 €. ISBN 978-2-9555438-0-1
Mindwalks, 8 graphic narratives through Shanghai
L’enjeu était de s’immerger dans une portion de Shanghai pour s’imprégner de ses ambiances, de ses images, de ses histoires et de les restituer sous forme graphique et narrative, soit 8 cartes. Elles visent moins à situer des éléments topographiques de façon objective qu’à rendre compte de l’expérience vécue et de ses multiples dimensions.
Nomadic Furniture 3.0, New Liberated Living ? Martina Fineder, Thomas Geisler, Sebastian Hackenschmidt, MAK Vienna / Niggli Verlag, Zurich, 2016, 272p., 23 x 30 cm, 55 €.
Nomadic Furniture 3.0
44 projets DIY décortiqués dans ce livre dont quelques projets de Gerrit Rietveld, de Viktor Papanek ou encore d’Enzo Mariaccompagnent les essais revenant sur l’histoire du Do It Yourself. Ce livre appartient a une collection développée par le MAK (Vienne-Los Angeles).
Atlas of Another America, An Architectural Fiction, Keith Krumwiede, Park Books, 2016, 272p., 24 x 32,5 cm, 48 €. ISBN 978-3-03860-002-2Il Diario del Vento / Wind Diary, Olaf Nicolai, Les presses du réel, octobre 2016, 208p.,16,5 x 30 cm, 45 €. ISBN : 978-88-97503-88-0
Atlas of another America
Du nouveau du côté du sub-urbanisme ! Posséder sa maison est une des pierres d’angle du rêve américain mais ce rêve est-il toujours d’actualité avec la crise. Keith Krumweide a construit une satire architecturale – présentée dans le style d’un traité historique – qui imagine un avenir alternatif pour la maison unifamiliale américaine et son habitat indigène, la ville sub-urbaine. Une exposition de la triennale de Lisbonne.
Il Diaro del Vento / Wind Diary
Livre d’artiste documentant les conditions atmosphériques autour du pavillon allemand de la 56e Biennale de Venise. Le relevé météorologique a été réalisé grâce à une station météo installée sur le toit du pavillon, transformé pour l’occasion en lieu performatif et espace d’installation. L’ouvrage comprend également un ensemble de cartes décrivant différentes conditions venteuses auxquelles ont été confrontés les artistes. Edition limitée à 350 exemplaires numérotés et signés par l’artiste. Exposition SNJOR à la Galerie de l’Europe.
SNJOR, Christophe Jacrot, Editions h’Artpon, octobre 2016, 70p., 40 x 32 cm, 55 €.
SNJOR
Terrain de jeu de Christophe Jacrot l’Islande est une terre pour rêver les yeux grands ouverts. Pour rendre le majestueux des paysages islandais les éditions H’artpon ont choisi le grand format et l’impression de haute qualité pour un livre dont le tirage est dès aujourd’hui quasi épuisé.
This Brutal World, Peter Chadwick, Phaidon, septembre 2016, 224 p., 290 x 250 cm, 39.95 €. ISBN : 978 0 7148 7228 5
Archi Brut
Un large aperçu du Brutalisme, fascinant style architectural, avec des exemples prestigieux de constructions brutalistes réalisées entre les années 1950 et aujourd’hui. L’ouvrage met en lumière de nombreux trésors méconnus de l’architecture brutaliste, construits dans l’ancien bloc de l’Est et dans les quatre coins du monde. Il présente les oeuvres des plus grands architectes contemporains, dont Zaha Hadid, Peter Zumthor, Rem Koolhaas, Toyo Ito … et des figures de l’architecture du XXe siècle comme Alvar Aalto, Frank Lloyd Wright, Le Corbusier, Oscar Niemeyer …
Le brutalisme redevient à la mode, si l’on en croit sa popularité sur Instagram ou la sortie d’ouvrages tel « This Brutal World », récemment publié par Phaidon. Une véritable « Grey Pride », constate The Guardian, qui donne un large définition au terme et voit du brutalisme partout, chez Le Corbusier bien sûr, qui popularisa le terme, mais aussi chez Mies, Ando, Eliasson, Eisenman avec son mémorial à l’holocauste de Berlin, prenant à contrepied le grand public qui perçoit le brutalisme comme un style vintage porteur d’une certaine nostalgie des seventies. La notion relancée par Banham dans les années 70 avec son new brutalism garde des contours flous et semble intemporelle. Va-t-on voir la résurgence d’un nouveau new brutalism, ou, en d’autres termes, une extension du domaine de la brute?
L’hôtel particulier de Pourtalès, 7 rue Tronchet à Paris via le blog de Daniela Wurdack
Brutalisée
Après Londres, capitale du brutalisme, Paris, capitale de brutalité ? L’agression de la bimbo Kim Kardashian lève le voile sur une délinquance ciblant les people en goguette dans la Ville-Lumière. Elle révèle aussi une face cachée de l’industrie du tourisme à destination des très riches et très célèbres, secteur de niche que ce fait divers pourrait mettre en grande difficulté. Visite du très discret hôtel de Pourtalès, théâtre de la tragédie, caché sous l’enseigne No Adress. « Depuis son ouverture au printemps 2010, le Pourtalès est devenu l’un des secrets les mieux gardés de la capitale », expliquait en août 2013 Daniela Wurdack sur son blog. Déception : des neuf luxueux appartement loués jusqu’à 15 000 euros la nuit, seuls deux sont dans l’ancien hôtel particulier du comte James Alexandre de Pourtalès, et sous les combles ! Les autres se partagent un immeuble moderne qui jouxte l’édifice de 1839. Restauré par l’incontournable Anthony Béchu, il appartient à Alexandre Allard, via une société luxembourgeoise basée dans la banque qui gérait aussi le compte suisse de Jérôme Cahuzac. « L’architecte Anthony Béchu, chargé des travaux, a restauré les superbes salons Napoléon III du premier étage, l’escalier monumental, relié l’hôtel à l’immeuble attenant entièrement restructuré ». Le goût pour les ors du Troisième Empire a-t-il perdu Kim ? Aurait-elle évité le drame en s’installant dans une architecture brutaliste signé Le Courvoisier (sic), architecte franco-suisse prisé par sa mère, qui révélait sa passion dans une vidéo?
Avoir un pied à terre dans la capitale reste encore la meilleure solution pour éviter ces hôtels anonymes et les chambres Airbnb, décriées par la municipalité. Il faudra alors se résigner à passer par la case travaux, négocier avec des artisans âpres aux gains. La négociation avec les entreprises peut tourner à l’expéditif : « « Il faut le tuer, ce chien, il ne mérite pas de vivre », s’est emportée la descendante des fondateurs du royaume d’Arabie saoudite à l’encontre d’un artisan venu effectuer des travaux dans son appartement de l’avenue Foch », relate Le Point. Le garde du corps de la princesse a mis en joue l’impétrant qui avait commis l’erreur de prendre des photos de la pièce où il devait intervenir. La maîtresse d’ouvrage craignait qu’il ne revende les photos à la presse. Libéré au bout de quatre heures, il s’est vu « interdire à jamais l’accès au 16e arrondissement ». Le risque d’une pénurie de main d’oeuvre sur le secteur est à craindre !
Il faut bien avouer que les entreprises ne sont pas toujours faciles, pas plus que les architectes. « Ils se prennent pour Frank Gehry », s’insurge l’adjoint à la culture de Bordeaux en évoquant les architectes d’X-Tu, qui viennent de céder pour 600 000 euros les droits à l’image de la Cité du vin – en fait 450 000 euros de royalties et 150 000 de prestations supplémentaires (dessin de mobilier non compris dans le marché initial), somme finalement réglée par une enveloppe du Feder (Fonds européen de développement régional, connu parfois sous le nom de Saint-Feder). : « C’est une agence qui n’a pas maîtrisé son sujet. Il faut rendre hommage à Philippe Massol (le directeur de la fondation, NDLR) d’avoir mené les choses à bien. Et ils sont extrêmement procéduriers. » tempête Alain Juppé à l’encontre des architectes. S’ils votent au primaires de la droite, pas sûr que ce soit pour l’ancien premier ministre « qui préférait être droit dans ses bottes que mou dans ses baskets ». Et brut dans ses marchés publics?
Président de l’ordre départemental des architectes, installé à Saint-Julien du Sault, Frédéric Vincendon relate son quotidien à L’Yonne. A défaut d’être un sport de combat, l’architecture relève au moins des disciplines athlétiques « Une fois que (les esquisses) sont acceptées par le client, s’ouvre alors la phase, contraignante, de l’obtention du permis de construire. « Monter ce dossier administratif, c’est énorme. Obtenir les autorisations de construire, c’est une course de haies. » explique l’architecte. Mais ce n’est pas fini : « suit la deuxième course de haies », celle du chantier. « Là, on enfile nos bottes » » détaille Vincendon. Des baskets ne seraient-elles pas plus adaptées à ce type d’épreuve?
Botte, basket ou escarpin, la chaussure était un sujet d’expertise à Bataville, cité industrielle de Moselle construite pour les besoins du chausseur tchécoslovaque. L’architecte Margaux Milhade a exposé un plan de revitalisation du site ou elle a passé un an. « Micro-brasserie, Fab-Lab (atelier de fabrication numérique) ou résidence d’artistes pourraient ainsi venir s’agréger aux activités qui existent déjà sur une partie du site, sur lequel vivent encore quelques 350 personnes. Trois écoles, un gymnase ou encore une imprimerie sont déjà dans les murs rouges des bâtiments construits dans les années 1930 par des architectes tchèques ». Une nouvelle utopie, affirme le journal, pour une cité jardin qui en a sous la semelle.
« Tout a commencé avec un phallus. Dans la nuit du 19 au 20 septembre dernier, un street-artiste a réalisé le dessin d’un pénis (au repos) sur le mur du collège de Saint-Gilles, dans ce quartier très fréquenté de Bruxelles. Alors qu’un sexe féminin puis un acte de pénétration faisaient également leur apparition sur certains bâtiments de la ville, la RTBF – qui a mené l’enquête – expliquait que ces fresques étaient, sans doute, l’oeuvre d’une seule et même personne. » L’Huffington post revient sur cet anonyme, une brute sans doute, qui a couvert certaines des lettres d’une publicité Zanussi, de façon à transformer le nom de la marque en une partie de l’anatomie souvent lancée à la figure de ces personnes que l’on n’estime guère.
Tout fout le camp décidément dans la capitale, où un ancien hôtel de passe vient d’être converti en espace de travail partagé – encore un hébergement perdu pour le tourisme people ! Laisse les péniches à Sarcelles et vient donc à Paris, dans le quatrième site de ce genre pour la société Remix. De l’ancien établissement « spécialisé dans l’éducation anglaise » au bureau branché, des permanences subsistent, que nous révèlent les fondateur de la société. Ainsi,« Notre métier, c’est de créer du lien entre nos 300 membres », membres que l’on espère pleinement actifs. Ou encore « chez nous, les hommes en costards côtoient d’autres en survêtement » et combien en peignoir ? « Si la moquette du troisième étage est épaisse, c’est pour que ceux qui le souhaite puissent se mettre pied nu ». Bien sûr, honnit soit qui mal y pense dit-on chez les anglais. « Chez Remix, les bureaux classiques sont bannis, remplacés par de grandes tables de travail. Cinq salles de réunion ont été créées ainsi qu’un studio d’enregistrement de musique et même une salle de cinéma » avec une programmation que l’on s’attend à voir classée dans les dernières lettres de l’alphabet, pour des films faisant la part belle au passage de la maison close à l’open space. « Masqué depuis des décennies par trois faux plafonds, le plafond d’origine couvert d’une peinture dorée appliquée à la main dans un style néogothique, brille à nouveau de tous ses feux dans la salle du rez-de-chaussée ». Quand renait ce décor éculé, même mes carpes font brutes.
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