L’école des Beaux-Arts de Paris reprend ses fonctions muséographiques.

L’école des Beaux-Arts de Paris reprend ses fonctions muséographiques.

« L’école des Beaux-Arts de Paris n’est pas un monument, ni un ensemble de monuments. Ce qui fait monument à l’école des Beaux-Arts, c’est précisément son histoire et sa fonction. Authenticité, état de référence, état d’origine, aucun des outils « standards » du restaurateur n’est pertinent dans ce lieu. Chaque espace, chaque vestige de la cour, chaque sculpture porte sa propre histoire. Si c’est un livre, c’est une encyclopédie dont les volumes continuent à s’écrire chaque jour. Ici, pas de grands plans, pas de « gestes », il faut suivre la palpitation de l’histoire et de la vie de ce monument perpétuel afin de lui permettre d’accueillir, tout en douceur, les usages contemporains dont il a besoin. » introduit François Chatillon, Architecte en chef des Monuments Historiques, en charge de la rénovation du site depuis 2013. Et il a bien raison de décrire ainsi cette école, comme un collage d’éléments architecturaux qui s’est constitué au fil du temps.

Collage architectural

Les Beaux-Arts se déploient sur plus de deux hectares au cœur de Paris, entre le Louvre et Saint-Germain-des-Prés. A l’époque, vers 1800, l’école est installée dans l’ancien couvent des Petits Augustins, avant qu’il n’accueille le musée des Monuments français fondé par Alexandre Lenoir. Héritage architectural des siècles passés, l’école comprend des bâtiments du XVIIe jusqu’au XXe siècle, laissant apparaitre ici ou là des éléments architecturaux beaucoup plus anciens. Dès la cour d’honneur de la rue Bonaparte, est donné un aperçu de cette variété architecturale. « Les édifices qui la bordent ont pour la plupart été érigés par dans la première moitié du XIXe siècle par l’architecte François Debret ou par son élève et beau-frère Felix Duban. Le XXe siècle lui-même a laissé son empreinte dans cette enceinte avec de nouveaux étages d’ateliers construits après 1945 par Auguste Perret pour accueillir des élèves toujours plus nombreux, aujourd’hui au nombre de 600 », peut-on lire dans une brochure dédiée aux Journées du Patrimoine 2017. Si l’école des Beaux-Arts est chahutée dans son écriture architecturale, elle le fut aussi dans son organisation suite aux évènements de Mai 68 qui ont vu apparaitre des tensions entre les disciplines enseignées. S’en est suivi la séparation des enseignements artistiques de ceux architecturaux en 1977, ce  qui donnera ici naissance à deux institutions : d’un côté les Beaux-Arts de Paris (anciennement ENSBA) et de l’autre l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture Paris-Malaquais (ENSAPM). Une histoire tant sociétale qu’architecturale qui vaut bien une mise en avant de ces bâtiments tous classés au titre des Monuments Historiques.

 

L’enseignement par la muséographie

L’école des Beaux-Arts de Paris fêtait en 2017 son bicentenaire, année au cours de laquelle elle a fait sa demande d’appellation « Musée de France » afin d’exposer ses collections qui ne constituaient jusqu’alors que des outils pédagogiques. « Mettre les étudiants dans un musée pour qu’ils apprennent directement au contact de l’histoire de l’art, c’est cohérent », rétorque François Chatillon, architecte en charge de la rénovation. Depuis 8 ans déjà, l’école fait l’objet d’un programme de rénovation ambitieux liée à la création d’un parcours muséographique accessible à tous, restauration appuyée par son nouveau directeur Jean-Marc Bustamante. Le palais des Beaux-Arts voit se succéder plusieurs chantiers : celui des décors polychromes d’inspiration italienne de la magnifique cour vitrée du palais des Etudes conçu entre 1830 et 1870 ; celui de la bibliothèque fondée par Prosper Mérimée en 1864, dont l’architecture générale évoque la Renaissance ; celui de la salle Melpomène, principalement dédiée à l’accueil d’expositions ; et plus récemment celui de l’amphithéâtre d’honneur, où ont été restaurés le parquet marqueté, les boiseries et les peintures. Reste encore à mener le chantier de rénovation des couvertures et verrières de l’Hôtel Chimay, ainsi que la rénovation de la cour du Mûrier, un « atrium cloitre à l’italienne » avec une fontaine centrale, entourée sur ses trois côtés d’une galerie d’arcades en plein cintre et pilastres doriques, ornés de fresques d’inspiration pompéienne et de ses statues antiques qui devrait s’achever en 2018. Un ensemble qui bénéficiera bien entendu d’une mise en accessibilité et d’outils technologiques contemporains._Amélie Luquain

 

Explication en image avec François Chatillon, Architecte en chef des Monuments Historiques et Jean-Marc Bustamante, directeur de l’école des Beaux-Arts.

© Amélie Luquain / Cécile Gauthier / Antoine Durand et Anthony Ondomat

Image à la Une © Antoine Mercusot

 

 

 

La coupole du Palais de la Découverte recouvre sa superbe

Premier acte d’un ambitieux projet de rénovation et d’aménagement du Grand Palais, la restauration de la rotonde elliptique du Palais d’Antin, siège du Palais de la Découverte, s’achève. François Chatillon, architecte en chef des Monuments Historiques, s’applique à revaloriser cet ouvrage majeur du patrimoine parisien, jamais restauré depuis sa livraison en 1900.

Verrière après dépose des verres © Patrick Tourneboeuf
Verrière après repose des nouveaux verres © Antoine Mercusot

Rencontrer François Chatillon, architecte en chef des Monuments Historiques, c’est réviser son histoire de l’architecture. Une construction remarquable sert l’exposé. Ici, le « Grand Palais des Beaux-Arts » édifié à Paris à partir de 1897 pour l’exposition universelle de 1900. Il fut le fruit d’un grand concours d’idées entre architectes, à la suite duquel le jury demanda aux premiers primés de s’associer pour faire œuvre commune. Charles-Louis Girault sera en charge de la coordination de l’ensemble et de la construction du Petit Palais, Henri Deglane de la Grande Nef et de ses Galeries Nationales, Louis-Albert Louvet des Salons d’honneur et Albert Thomas, de l’aile ouest dénommée Palais d’Antin. Subissant bien des péripéties au cours du XXe siècle, cette aile a abrité une partie de l’exposition universelle de 1937. Alors qu’elle devait être éphémère, le succès rencontré décida le gouvernement à la pérenniser jusqu’à en faire l’actuel « Palais de la Découverte ». Autonome au sein du complexe, ce palais respecte une stricte symétrie. 3 rotondes sont surmontées de coupoles. Placée au-dessus du hall d’accueil, la coupole centrale de forme elliptique est flanquée de deux autres, plus petites et octogonales. En coupe, chacune se décompose en deux parties : une verrière technique abritant un plafond verrier orné de décors.

Vue de la couverture et verrière restaurées © Antoine Mercusot
© Antoine Mercusot

« Je ne suis pas un patriomaniaque », François Chatillon

Outre la nécessaire adaptation du Grand Palais à des usages contemporains conduite aujourd’hui par l’agence LAN, l’enjeu du travail que François Chatillon mène est de remettre au jour la tension entre l’expression académique (pierre, décors en stuc et staff, ordre colossal…), et la modernité des éléments constructifs (béton armé en procédé Hennebique, structure métallique…) du Palais d’Antin.

Structure métallique de la rotonde avant travaux © Antoine Mercusot
Structure de la verrière et du plafond verrier après restauration © Antoine Mercusot

Techniquement moderne, assurément académique

C’est donc sur les pas d’Albert Thomas que François Chatillon restaure la coupole centrale du Palais d’Antin. L’éclairage s’étant dégradé et terni, l’architecte restaure non seulement les éléments techniques mais surtout le concept de diffusion de la lumière naturelle, particulièrement pensé à l’origine. Les rotondes offrent un éclairage diffus puisqu’elles sont constituées de verrières en toiture qui éclairent les combles structurés de charpente métallique. Depuis ces combles, la lumière est diffusée en second jour dans le bâtiment grâce au plafond verrier de chaque rotonde, ce qui offre une lumière filtrée et douce, nécessaire à l’époque pour préserver les œuvres d’un éclairage direct, avant d’être relayée par des dalles de verre au rez-de-chaussée. La restauration de la coupole implique alors celles des couvertures (ardoises, zinc, ornements) et verrières extérieures, des combles et de leurs structures métalliques, des plafonds verriers, ornements dorés et décors sculptés en intérieur.

[masterslider id= »202″]
Déploiement d’un échafaudage parapluie en toiture © Antoine Mercusot
Déploiement des échafaudages © Patrick Tourneboeuf

Le chantier a nécessité un important déploiement d’échafaudage. En intérieur une plateforme a 14 m de hauteur a permis d’établir un autre échafaud en approche des décors et du plafond verrier. Une structure qui a nécessité un étaiement en sous-sol, afin de supporter une charge qui ne pouvait prendre appui a aucun moment sur le monument. Parallèlement, en extérieur, un échafaudage parapluie de 44 m de portée et 42,5 m de largeur sur une surface de 1870 m2, enveloppait le dôme extérieur de la rotonde afin d’entreprendre la réfection des couvertures, comprenant les travaux d’étanchéité mais aussi la restauration des décors. Les ardoises cintrées, qui provenaient des Ardoisières d’Angers, aujourd’hui fermées, sont remplacées par des ardoises de Galice, aux caractéristiques similaires. Les ornements en zinc estampé ont fait l’objet d’une restauration en atelier, sauf pour le décor au faitage du dôme qui lui a été restauré sur place. En verrière, l’ancien verre armé en 25×25 est remplacé par un double vitrage à l’argon, composé sur sa face extérieur d’un verre strié feuilleté, conforme aux normes de sécurité, restituant ainsi l’aspect de l’ancienne verrière avec des performances contemporaines. En intérieur, pour le plafond verrier, les profilés acier en « T » sont d’origine. Le projet a prévu la dépose des vitrages détériorés, le nettoyage, la restauration des sections abîmées et la remise en peinture de cette ossature. Les verres les plus abîmés sont remplacés par des verres simples armés de 8mm ; une opération de remplacement qui concerna 72 d’entre eux sur les 632 verres. Les décors dorés à la bronzine sur les branchages et à la feuille d’or sur les rayons du soleil sont entièrement restaurés. Des groupes sculptés réalisés en staff scandent les piliers de la rotonde. Réalisées par Henri Nelson, ces grandes figures féminines sont nettoyées et restaurées avec reprise des fissures. Une revalorisation de l’œuvre d’Albert Thomas, pour la première fois restaurée, qui aurait pu être augmentée d’une mise en lumière artificielle.

Plafond verrier et décors sculptés © Antoine Mercusot
Plafond verrier et décors sculptés © Antoine Mercusot

« Conserver, c’est moderne »

Pour cette restauration, comme pour bien d’autres entreprises par François Chatillon, l’architecte a misé sur des techniques contemporaines comme le BIM. A partir des observations, des plans d’archives et des relevés de géomètre, l’agence a réalisé une maquette 3D et modélisé un état antérieur. « C’est comme faire du chantier a postériori », précise l’architecte pour qui « la restauration est un projet d’architecture où la technique est prépondérante ». Pour lui, conserver, c’est projeter. Il ne va jamais en arrière mais projette un état adapté aux besoins contemporains. « Je ne suis pas un patriomaniaque », lance-t-il, avant de compléter « Il faut dépasser certains affects de matérialité. Ce qui m’intéresse, c’est le concept, la composition, la lumière ». Pour celui qui se plait à citer René Char, « Notre héritage n’est précédé d’aucun testament », l’intention initiale est prépondérante à la réalisation._Amélie Luquain

 

Fiche technique

Grand palais – Phase 0 : Restauration des couvertures et de la rotonde elliptique du Palais d’Antin, siège du Palais de la Découverte

Maîtrise d’ouvrage : RMN Grand Palais, en collaboration avec Universcience, l’Etablissement public du palais de la découverte et de la Cité des Sciences Maîtrise d’ouvrage déléguée : OPPIC, l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture.  Maîtrise d’œuvre : Architecte en chef des Monuments Historiques : François Chatillon Architecte. BET Structure /  Fluides CFO CFA / CSSI : IGREC Ingenierie

Entreprises : Installation de chantier, désamiantage et assainissement de charpente : ALTEMPO Echafaudages : MILLS Maçonnerie et pierre de taille : LEFEVRE Couvertures et charpente bois : UTB Verrières : VERRE & METAL Plafond verrier : DUMANOIS Restauration des décors intérieurs : CHEVALIER Electricité : EIFFAGE ENERGIE

Coût travaux phase 0 : 12 M € Les travaux sur la rotonde centrale du Palais d’Antin ont bénéficié du soutien des FONDATIONS VELUX Calendrier : études 2015 – 2016 / chantier aout 2016 – décembre 2017. Inscription Monument Historique Grand Palais : 2000

 

Lire aussi, sur le même architecte :

La piscine des amiraux

Les halles centrales du Boulingrin

La cité du refuge 

Best of 2017 : équipements culturels et sportifs

Best of 2017 : équipements culturels et sportifs

La revue Architectures CREE revient sur les constructions qui ont marqué l’année. Programme par programme, elle a sélectionné pour vous des réalisations qui ont émergé du paysage français, et vous en propose la relecture. Ci-dessous, notre best of 2017 d’équipements culturels et sportifs. 

 

Le Louvre Abou Dhabi : la revue de presse du 15 novembre 2017

De Paris … puis à Lens … le Louvre s’invite à Abou Dhabi ! Il est situé sur un archipel au large de l’île Saadiyat, une île artificielle de la côte de la capitale des Émirats arabes unis. « Il est inhabituel de trouver dans la mer un archipel construit. Il n’est pas évident qu’il soit possible d’y accoster en bateau, de trouver des pontons pour y accéder à pied depuis la côte. » précise son architecte, Jean Nouvel. « Double coupole de 180 mètres de diamètre, plate, géométrie radiante parfaite, perforée dans une matière tissée plus aléatoire, créant une ombre ponctuée d’éclats de soleil. » continue le Pritzker. Des espaces semi-extérieurs pour des installations et des blocs de cubes blancs pour les expositions : une « ville-musée ». « Il veut créer un monde accueillant, associant dans la sérénité les lumières et les ombres, les reflets et les calmes. » poursuit Jean Nouvel.

 

La Cité des Électriciens à Bruay, fragment d’un patrimoine minier en devenir

Archétype de la cité minière du XIXe siècle, la Cité des Electriciens de Bruay-la-Buissière, dans le Nord-Pas-de-Calais, appelée ainsi en référence aux noms de ses rues, est construite par la compagnie des mines entre 1856 et 1861.Témoignage de l’habitat des familles de mineurs, ces 37 logements sont nés d’une révolution industrielle qui a radicalement bousculé le paysage existant. De ce patrimoine en déshérence,  faut-il conserver les ensembles de vilains et communs corons ? Les habitants, dans une situation sociale difficile, ont longtemps eux la volonté d’effacer cette page. Mais en 2007, le tournage de quelques scènes de Bienvenue chez les Ch’tis rend la cité populaire, jusqu’à ce que la Communauté d’agglomération de Bruay-Béthune lance une consultation pour la réhabilitation du site, remportée en 2013 par l’atelier d’architecture Philippe Prost. En préservant l’existant et en lui affectant de nouveaux usages, le projet de l’architecte conserve et adapte ce patrimoine ordinaire, que les acteurs locaux qualifient de « monument du quotidien ».

 

La piscine des Amiraux d’Henri Sauvage restaurée par François Chatillon

Cachée au cœur d’un immeuble en gradin de la rue Hermann Lachapelle, dans le 18e arrondissement, la piscine des Amiraux, réalisée en 1930 par Henri Sauvage, compte parmi les plus ancienne de Paris. Outre sa typologie novatrice, son ossature poteaux poutres en béton armé, son système de chauffage et de ventilation mécanique, ses lumières électriques incorporées dans la structure … le tout fait de cet ensemble un édifice remarquable qui lui vaut d’être classé à l’inventaire des monuments historiques en 1991. Toutefois, les mises aux normes successives des années 1980 et 1990 ont fini, pour de bonnes « mauvaises raisons » à faire disparaître les aménagements novateurs de l’œuvre initiale et la beauté qui en résultait. François Chatillon a pris le parti de restituer la piscine dans un état proche de son état initial, l’enjeu étant d’intégrer des usages contemporains dans un patrimoine à conserver.

 

A l’ouest parisien, la Seine Musicale

Dans le florilège des équipements musicaux sortis de terre ou récemment rénovés, citons la Seine Musicale ! Figure de proue de la métamorphose en cours, la Cité de Shigeru Ban et Jean de Gastines, s’inscrit dans la  continuité  du plan urbain de l’île Seguin. Sa silhouette générale allongée sur 324 m, aux longs murs de béton, rappelle celle d’un destroyer dont le pont s’incline pour laisser émerger l’Auditorium, un nid de bois tressé aux formes galbées. Quoi qu’il en soit, l’architecture se met au service de l’ambition programmatique – dont les principes restent proches de ceux de ses consœurs – favorisant l’éclectisme, et répondant à l’ambition internationale par un élément signature.

 

Musée Camille Claudel : entre imbrication et dispositif

Le musée dédiée à la sculptrice Camille Claudel, amante de l’illustre Auguste Rodin, occupe à la fois l’ancienne maison de la famille Claudel à Nogent-sur-Seine, restaurée et réhabilitée, et un nouvel édifice. « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un musée pour Camille Claudel, conclut Adelfo Scaranello, architecte. Peut-être y a-t-il une correspondance avec son histoire difficile, même son musée a finalement été laborieux à réaliser. Mais je crois avoir dessiné un musée dédié à la sculpture, dont les référents ne sont finalement que la brique moulée à la main et les cadres de lumière naturelle. Un autre changement de destination reste possible » continue l’architecte, qui est allé jusqu’à cacher une porte anticipant des mutations futures, un acte que n’aurait pas renier Numérobis !

 

La rédaction d’Architectures CREE

 

 

La piscine des Amiraux d’Henri Sauvage restaurée par François Chatillon

La piscine des Amiraux d’Henri Sauvage restaurée par François Chatillon

Cachée au cœur d’un immeuble en gradin de la rue Hermann Lachapelle, dans le 18e arrondissement, la piscine des Amiraux, réalisée en 1930 par Henri Sauvage, compte parmi les plus ancienne de Paris. Outre sa typologie novatrice, son ossature poteaux poutres en béton armé, son système de chauffage et de ventilation mécanique, ses lumières électriques incorporées dans la structure … le tout fait de cet ensemble un édifice remarquable qui lui vaut d’être classé à l’inventaire des monuments historiques en 1991. Toutefois, les mises aux normes successives des années 1980 et 1990 ont fini, pour de bonnes « mauvaises raisons » à faire disparaître les aménagements novateurs de l’œuvre initiale et la beauté qui en résultait. François Chatillon a pris le parti de restituer la piscine dans un état proche de son état initial, l’enjeu étant d’intégrer des usages contemporains dans un patrimoine à conserver.

© Amélie Luquain H. / Joy Ruotte

 

Conserver, c’est moderne*

Quelques points techniques spécifiques, qui participent d’une restitution de la piscine des Amiraux à l’état de 1930 tout en respectant les règlementations et besoins actuels :

– La mise au jour des structures de la piscine révèle des désordres dans les fondations et les éléments existants, tels que les sept portiques en béton armé, les traverses et les poteaux porteurs. Une mise sous tension de l’armature du plafond par un système de protection cathodique permet de stabiliser le processus de corrosion. Les aciers attaqués sont remplacés au cas par cas après une purge méthodique des bétons dégradés. Les structures elles-mêmes sont renforcées afin de garantir une meilleure résistance au feu.

– L’enduit granuleux du plafond est restitué, grâce à une tyrolienne d’époque.

– Le plafond verrier, au-dessus du bassin, disparu, est restitué dans son état d’origine, ainsi que la verrière au-dessus, qui coiffe le local technique insérant un système d’extraction destiné à traiter l’air de la piscine.

– Le bassin est démoli et reconstruit à l’identique (33mx10m), reprenant les détails de sa conception d’origine.

– Un nouveau process thermique est mis en œuvre, en lieu et place des anciennes chaudières au charbon de 1930 qui chauffait l’eau à la façon d’un « bain-marie ». Cependant, ce système s »appuie sur les cheminements techniques initiaux (circuit d’air, etc.)

– La faïence bleue trouvée au départ des travaux disparaît pour le vert d’origine, comme l’indique plusieurs témoignages, notamment celui de l’écrivaine et critique Marie Dormoy dans un article « L’amour de l’art » paru en 1930.

– Aux murs, les revêtements en céramique sont conservés et restitués (une rénovation minutieuse qui déjà demandé un an et demi de travail à un ouvrier) ou renouvelé dans leur état 1930. La brique blanche des cabines est également rénovée. Au sol, le carrelage est remplacé à 100%. Teinté ocre et strié en surface, il est remis en œuvre par contretypage en raison de la reprise nécessaire de l’étanchéité des plages. La phase finition intègre les réglementations « anti glisse » conforment aux normes en vigueur. Une mise au point qui a nécessité dix mois d’études.

 

Débutés en 2014, les travaux de restauration et de mise aux normes de la Piscine des Amiraux menés par François Chatillon s’achèvent pour une réouverture prévue en septembre 2017.

 

*Titre du manifeste de François Chatillon et Vanessa Fernandez, disponible en intégralité via ce lien, et cité dans le dossier de fond du numéro 371 d’Architectures CREE, p42

 

D’autres réalisations de François Chatillon :

Halles centrales du Boulingrin

La « cité de refuge » 1/2

La « cité de refuge » 2/2

Halles Centrales du Boulingrin

Classée in extremis au titre des monuments historiques en 1990, les Halles Centrales du Boulingrin, conçue en 1929 à proximité du centre ville de Reims, ont ré-ouvert au public en septembre 2012. Cette restauration vient de valoir à François Chatillon, architecte en Chef des Monuments Historiques, d’être lauréat du Prix du patrimoine Culturel de l’Union Européenne 2015 / Concours Europa Nostra, qui récompense et soutien les meilleurs pratiques en matière de conservation du patrimoine culturel.

C’est en 2006 que la municipalité de Reims décide de réimplanter un marché couvert dans les Halles. Souhaitant en faire aussi un lieu de rassemblement, d’expositions et de manifestations, elle en a confié la restauration à François Chatillon. Pour lui, il s’agit de rendre vivant l’héritage du XXème siècle et de le transmettre de manière décomplexé, comme il le souligne dans son manifeste « Conserver, c’est moderne »1. Ainsi, l’architecte a engagé la réparation des minces voûtes en béton armé de l’ingénieur Eugène Freyssinet, qui témoignent d’un très haut degré de technicité. Il a également restauré les aménagements « Art-Déco » de l’architecte Emile Maigrot dont il a conservé les étals fixes originels. Dans un troisième temps, il a remis aux normes ce lieu, dont la pureté des formes géométriques révélées par la lumière en fait une architecture intemporelle et universelle, actuellement réadaptée à la vie contemporaine. C’est donc pour la mise en exergue de l’énergie première de la construction et pour la réhabilitation des fonctions originelles que l’architecte a été sélectionné parmi 263 dossiers. Une cérémonie se tiendra le 11 juin à Oslo décernant six prix Europa Nostra et un prix Choix du Public aux premiers lauréats des quatre différentes catégories.

 

  1. Son manifeste, disponible en intégralité via ce lien, est cité dans le dossier de fond du numéro 371 p42.

 

Courtesy Chatillon / Cyrille Weiner

La « Cité de refuge » : Partie 2

La « Cité de refuge » : Partie 2

Pour François Chatillon, le patrimoine n’est pas un objet sacralisé, mais amusant. A l’image de son livre « Conserver pour créer, créer pour conserver », c’est une matière à partir de laquelle l’on peut travailler. Filiale du promoteur immobilier 3F, Résidences Sociales de France confie la restauration de la « Cité de refuge » de Le Corbusier à l’architecte en chef des monuments historiques.

Pour ce faire, les architectes ont déterré plus de 3000 plans et dessins originaux des archives de Le Corbusier afin de comprendre les tours et détours du projet. La restauration de la cité qui sera livré à l’autonome 2015 est le fruit de plusieurs années de réflexion. Il faut transformer l’ouvrage en vue des exigences actuelles et des nouveaux modes de vie, sans pour autant dénaturer l’œuvre, mais au contraire la sublimer.

 

Transformer, c’est créer !

La transformation la plus lourde consiste à augmenter la superficie des chambres, passant de 9-11m² à 16m². Les plans de Le Corbusier sont modifiés pour recevoir des hommes seuls et des familles issues de la rue, dans des studios neufs répondant aux réglementations contemporaines. D’autre part, le débat s’est porté sur les verres et menuiseries. Le Corbusier avait travaillé avec des allèges de verres de différentes finitions : verre armé, entaillé, strié…. Il a fallu passé ces éléments en double vitrage tout en préservant l’esthétisme prévu pour l’intimité des locataires. Encadrés de menuiseries acier, celles-ci diffèrent aux niveaux inférieurs où les menuiseries bois se distinguent par la complexité de la découpe. Quant aux sublimes briques de verre que l’on retrouve notamment aux portique et pavillons d’entrée, elles ont pu être remoulées grâce à un scan 3D. Les joints étant plus épais aujourd’hui, les nouvelles briques ont été anamorphosées pour obtenir des éléments de 19.7 x 19.7 cm au lieu de 20 x 20 cm.

Cité de refuge : béton de verre
Le « béton de verre » fait du portique une sorte de boite miraculeuse, situé dans l’axe visuel de la rotonde et du célèbre patio où a été photographié Le Corbusier

Les couleurs sont aussi le fruit de grands sujets de discussion. Fallait-il gratter pour tenter de retrouver les couleurs originales ou répondre au souhait de Le Corbusier qui était d’utiliser les couleurs du drapeau de l’Armée du Salut. Face aux multitudes de déclinaisons existantes, il a fallu faire un choix avec les membres du comité scientifique et technique pour se rapprocher au mieux de ce qui semblait être la volonté du maitre.

Cité de refuge : facade colorée
Le peintre qu’est Le Corbusier s’inspire des couleurs du drapeau de l’Armée du Salut avec virtuosité : bleu foncé, rouge grenat, ocre jaune.

Ainsi le bâtiment retrouve une sorte de beauté originelle remise au goût du jour. Les architectes ont décidé de montrer simultanément l’attique dans sa version des années 1930 avec la façade des années 1950. Le bâtiment n’a jamais existé comme tel ; deux états de la création de le Corbusier qui n’ont jamais coexisté sont exposés ensemble.

Amélie Luquain

 

Courtesy François Chatillon / FCA-Q.PIGEAT

La « Cité de Refuge »

La « Cité de Refuge »

François Chatillon, architecte du patrimoine, associé à son confrère François Gruson, restaure et restructure la « Cité de Refuge ». Conçu par Le Corbusier en 1933 pour l’Armée du salut, cet édifice de 11 niveaux héberge des personnes en difficulté et les accompagne vers l’insertion socioprofessionnelle. La Cité est une des premières œuvres d’importance de Le Corbusier à Paris. Contemporaine de la Villa Savoye, elle est peu connue voire même oubliée. Transformations et restaurations continues – dont certaines réalisées par Le Corbusier lui-même – en ont brouillé la lecture.

Cite de Refuge

Que d’histoire !

A l’origine, le célèbre architecte met à profit un contexte urbain fort tout en y intégrant « les cinq points de l’architecture moderne » : toit-terrasse, pilotis, plan libre, fenêtres en bandeau et façade libre caractérisent en effet ce projet. A cela il a souhaité ajouté des éléments techniques innovants pour l’époque afin d’apporter un maximum de confort pour les usagers. Il ambitionne de réaliser ce qu’il appelle un « mur neutralisant », soit revêtir l’intégralité de la façade d’une peau de verre double vitrage sans ouvrant, associée à un système de climatisation double flux pour une « respiration exacte ». Seulement, faute de moyens financiers, l’ouvrage n’aboutira jamais et la façade vitrée finalement dotée d’un simple vitrage se muera en fournaise. Après guerre, les bombardements de la gare d’Austerlitz ont ruiné la paroi de verre ainsi que la partie haute du bâtiment, qui sera presque laissée à l’abandon. C’est donc 20 ans après la construction que Le Corbusier – associé à Xenakis et fort de son expérience – restaure son propre bâtiment, et met en place des brises soleil polychromes sur la façade. Le 15 janvier 1975, couvertures, hall et escaliers sont inscrits à l’inventaire des Monuments Historiques. Au cours des années 1975 et 1989-90, des opérations de restaurations n’en finissent pas d’altérer encore le projet initial. La « Cité de Refuge » témoigne des doutes et des repentirs de l’architecte.

François Chatillon, qui conçoit le patrimoine de manière décomplexée, vient mettre en valeur les éléments qui font de la cité un projet social révolutionnaire. Pour lui, comme le disait Carlos Scarpa « restaurer, c’est modifier » !

Amélie Luquain

 

Courtesy 3F / Cyrille Weiner

Courtesy François Chatillon /  FCA-Q. Pigeat

 

A voir aussi, sur Intramuros : « L’usine à guérir » de Le Corbusier rénovée