House for trees, signée par l’architecte Vo Trong Nghia, injecte un peu de verdure dans un paysage urbain bétonné et pollué au Vietnam. Un vrai miracle ! Hélas, si Ho Chi Minh Ville est bien le poumon économique du pays réunifié, elle n’en est pas vraiment le poumon vert. En effet, son territoire hyperdense (3500 habitants/km²) ne compte aujourd’hui qu’à peine 0,25% d’espaces verts, bien qu’en pleine région tropicale.
Motocyclette, moto-dop, tuk-tuk, mini van, autobus… le tohu bohu pétaradant d’Ho Chi Minh Ville a de quoi user le plus urbain des hommes. A quelques encablures des grands axes qui mènent à l’aéroport international, l’impression de chaos perdure mais l’étourdissant mouvement s’évanouit à mesure des pas. Dans ce contexte incroyablement dense de Tân Bình, Vo Trong Nghia entretient le secret espoir d’introduire un peu de nature tout en construisant.
L’œuvre de Vo Trong Nghia : un idéal vert conceptuel
Loin de proposer une simple «moumoute» verdoyante sur une perspective, cet architecte, auteur, entre autres, du pavillon du Vietnam à l’exposition universelle de Milan, imagine «l’architecture comme une chance de retrouver la nature en ville (…) Nous pensons que les espaces verts sont essentiels. Du fait d’une urbanisation rapide et d’une déforestation importante, la nature a progressivement été réduite à sa plus simple expression voire a purement et simplement été détruite. C’est ainsi que les populations urbaines perdent le contact avec tout milieu naturel. Cette rupture amène un stress social et psychologique».
Pour répondre à ce défaut et mettre à l’épreuve cet idéal vert, une famille de cinq personnes – un couple et leur trois filles – a réclamé au jeune maître d’œuvre non pas un projet mais «une façon de vivre ouverte et en harmonie avec la nature». Soit. La commande était succincte et Vo Trong Nghia y a vu vent de liberté. Aussi, a-t-il conçu «une maison pour les arbres». Peut-être aurait-il du employer un pluriel car en lieu d’un bâtiment unitaire, l’architecte a fractionné son projet en différentes unités. «Nous voulions faire exploser l’échelle de la maison pour dessiner cinq volumes séparés tout en considérant la continuité de l’espace extérieur et celle du paysage», assure l’homme de l’art. En guise de nature, la maison ne dispose que d’une maigre cour en dalles engazonnées drainantes. Néanmoins l’ingénieux concepteur a su profiter de cette occasion pour «réintroduire de la verdure». A des fins privées ? Pas seulement.
House for trees : entre habitation, hameau et oasis
Si pour des raisons évidentes de sécurité, la maison-hameau se révèle complètement aveugle depuis la rue, elle laisse apparaitre, sur ses toits, d’exubérants ficus benjamina offerts au regard du voisinage. «Nous avons décidé la position et l’orientation de chaque unité en fonction de la parcelle informe qui nous était donnée. Nous avons ensuite souhaité créer de plus petites cours afin d’aménager différents degrés d’intimité», explique l’architecte. Le reste est question de logique : en rez-de-cour, les pièces communes (salon, salle à manger, bibliothèque et cuisine), à l’étage, les chambres dotées chacune d’un semblant d’indépendance. Voilà une réponse à la ville dense qui agglomère en de hauts immeubles des centaines d’individus. Ici, l’architecte a voulu assurer à ses occupants un brin d’individualité. Enfin, pour parfaire le dessin, il a usé de matériaux naturels locaux tant pour réduire le coût de construction que l’emprunte carbone du chantier. Tous les murs ont d’ailleurs été réalisés en béton brut coffré par des banches de bambou, un choix innovant pour le maitre d’œuvre qui assure ainsi une texture singulière à son projet. «Ce type de réalisation unique est un phénomène nouveau au Vietnam. Il est d’ailleurs encore difficile d’innover tant l’industrie de la construction est mal organisée», assure-t-il.
Voilà un manque qui invite et incite, assurément, à une plus grande inventivité. Ce qui valut – à juste titre – à ce projet atypique et à son auteur, The Architectural Review House Award 2014.
Jean-Phillippe Hugron
Toutes photos courtesy Vo Trong Nghia Architects / Hiroyuki Oki
Maître d’ouvrage, American University of Beirut AUB
Projet, Vo Trong Nghia, Masaaki Iwamoto, Kosuke Nishijima (Vo Trong Nghia Architects)
Superficie, du lot : 474.32 m² (parcelle), 126 m² (brute utile espaces extérieurs compris).
Calendrier, 2012/2014
Entreprise générale, Wind and Water House JSC
Revêtements de sol intérieur, béton poli, parquet de chêne rouvre