L’expérience de l’horizontalité vue par Jean Nouvel avec l’ouverture d’un nouveau bureau européen des brevets aux Pays-Bas

Les ateliers Jean Nouvel en collaboration avec l’agence Dam & Partners Architecten, viennent d’inaugurer le nouveau bâtiment de l’office européen des brevets (EPO) dans la ville néerlandaise de Rijswijk près de La Haye.

© Ossip Van Duivenbode

Considéré comme la «construction de verre et d’acier la plus mince et la plus haute du genre en Europe», le bâtiment de 85 000 m² abrite environ 2.000 employés et a coûté 205 millions d’euros. Visuellement, la structure s’inspire du paysage hollandais, avec sa surface de verre réfléchissante reproduisant le ciel, la terre et l’eau qui l’entoure. Si le bâtiment vient d’être livré, il reste cependant un aménagement paysager à terminer d’ici 2020, composé d’un plan d’eau sur lequel l’édifice semblera flotter.

© Ossip Van Duivenbode

Avec ses 156m de long, 107m de haut, 12,6m de large et ses 27 étages le design du bâtiment offre un réel sentiment de transparence et de légèreté, chargé de mystère.

© Ossip Van Duivenbode

« La poétique de situation née de l’immensité de ce territoire strictement horizontal qui éloigne les horizons, étend un ciel sans fin. L’envie naît d’être dans les airs, de flotter dans ce vide, dans l’épaisseur de l’air, des embruns, des brumes de pluie, sous les nuages blancs ou dans le bleu d’un ciel sans plafond… La proposition est, dans cet univers portuaire terrestre, d’introduire un navire amiral d’une échelle et d’une proportion noble, d’une matérialité troublante et d’une abstraction géométrique totale. Ce bâtiment est serein, calme, rien ne saurait l’atteindre, il appartient au ciel. Il prend la couleur du ciel par les verres clairs légèrement miroitant de ses façades et l’acier inoxydable des lignes horizontales qui le rythment. » écrit Jean Nouvel pour raconter l’histoire de ce projet.

© Ronald Tilleman

« L’architecture n’est pas une accumulation de mètres carrés de plancher, de fenêtres et de portes. Il faut se faire un film, aller chercher une poésie pour donner du plaisir aux gens. Je me sers d’un édifice pour donner plus de sens au paysage. Ici, tout est plat et parallèle : la mer, la terre, le ciel. La vue depuis le toit-terrasse offre donc une expérience de cette horizontalité. » explique Jean Nouvel.

© Ronald Tilleman

En plus des bureaux, le programme du bâtiment comprend également des salles de réunion, un centre de formation, un café et un jardin ciel. Les façades longitudinales sont dotées d’un écran acoustique et thermique grâce à une enveloppe rappelant celle de la Fondation Cartier réalisé en 1994 à Paris.  « Chaque projet m’aide pour concevoir le suivant, indique Jean Nouvel. Ici, le jeu d’échelle est différent. »

© Ronald Tilleman

« Nous recherchons ici les sentiments de privilège et de plaisir. Le privilège de pouvoir s’approprier le ciel et les horizons comme matériau premier de l’architecture. Le plaisir de travailler dans un univers clair, ouvert, précis qui peut aussi devenir protégé, fermé, familier… Et tout cela situé dans ce rectangle de ciel qui a juste pour ambition de faire prendre conscience des variations de l’atmosphère. »

 

Ateliers Jean Nouvel
Ateliers Jean Nouvel
Ateliers Jean Nouvel
Jean Nouvel : L’architecture, c’est dehors et dedans

Jean Nouvel : L’architecture, c’est dehors et dedans

Il y a quelques mois, le tant attendu Louvre Abu Dhabi ouvrait ses portes dans les Emirats Arabes Unis. On n’en présente plus l’architecte : Jean Nouvel. Retour sur sa carrière et les valeurs qu’il défend.

Né le 12 août 1945, Jean Nouvel est sans doute l’un des architectes français contemporains dont on se souviendra encore et encore. Il étudie l’architecture à l’Ecole des Beaux-Arts de Bordeaux en 1964, puis rejoint celle de Paris deux ans plus tard. Il en sort diplômé en 1972. Il crée sa première petite agence en 1970, puis enchaîne les collaborations avec différents architectes. Jean Nouvel est un homme de position. Rapidement, il s’oppose à la Charte d’Athènes élaborée par le Corbusier quelques années auparavant, il monte le Syndicat de l’architecture…

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Le Louvre d’Abu Dhabi – Ateliers Jean Nouvel

« Un architecte, c’est quelqu’un qui pétrifie un moment de culture »

En 1987, le Président de la République François Mitterrand lui passe commande d’un bâtiment qui fera décoller sa renommée : l’Institut du monde arabe dans le 5e arrondissement de la capitale. Un véritable tournant dans sa carrière d’architecte, qui lui ouvre les portes de la scène internationale.

Les jeux de lumière et l’utilisation du verre et du métal caractérisent les projets de l’Atelier Nouvel : l’Opéra de Lyon, la Fondation Cartier… Cependant, Jean Nouvel défend l’absence absolue de « Style nouvel ». Pour lui, chaque projet est l’occasion de se lancer des défis. Une approche du projet par le contexte social, culturel et géographique, qui permet de rendre chaque projet unique. Il se donne corps et âme dans ses projets, qu’il appelle affectueusement ses enfants.

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L’institut du monde arabe – Ateliers Jean Nouvel

Jean Nouvel milite pour que l’architecture reprenne sa place, au cœur de la Cité, notamment en stoppant la systématisation de la construction estampillée « constructeur ». Selon lui, c’est la clé qui permettrait de régler – en partie – la question des banlieues, en instaurant une vigilance sur l’architecture de cette zone tampon, entre la ville et la campagne. Il se positionne également contre l’urbanisme d’urgence et la construction à la va-vite.

En France comme à l’étranger, le travail de Jean Nouvel est à plusieurs reprises récompensé. Il reçoit le Prizker Price en 2008. Dans les projets à venir, l’Atelier livrera bientôt le Musée National du Qatar, les Tours Duo sur la Rive Gauche de Paris ou encore la tour de Verre 53W53 à New York…

L’architecture, c’est dehors et dedans

Pour accompagner la réalisation de gros œuvres de ses projets, Jean Nouvel crée en 1995 « Jean Nouvel Design », un studio de design qui travaille en étroite collaboration avec son agence d’architecture. Il dessine du mobilier, et porte une attention particulière à la justesse des proportions : la « tension ». Rien n’est de trop, rien ne manque.

Best of 2017 : équipements culturels et sportifs

Best of 2017 : équipements culturels et sportifs

La revue Architectures CREE revient sur les constructions qui ont marqué l’année. Programme par programme, elle a sélectionné pour vous des réalisations qui ont émergé du paysage français, et vous en propose la relecture. Ci-dessous, notre best of 2017 d’équipements culturels et sportifs. 

 

Le Louvre Abou Dhabi : la revue de presse du 15 novembre 2017

De Paris … puis à Lens … le Louvre s’invite à Abou Dhabi ! Il est situé sur un archipel au large de l’île Saadiyat, une île artificielle de la côte de la capitale des Émirats arabes unis. « Il est inhabituel de trouver dans la mer un archipel construit. Il n’est pas évident qu’il soit possible d’y accoster en bateau, de trouver des pontons pour y accéder à pied depuis la côte. » précise son architecte, Jean Nouvel. « Double coupole de 180 mètres de diamètre, plate, géométrie radiante parfaite, perforée dans une matière tissée plus aléatoire, créant une ombre ponctuée d’éclats de soleil. » continue le Pritzker. Des espaces semi-extérieurs pour des installations et des blocs de cubes blancs pour les expositions : une « ville-musée ». « Il veut créer un monde accueillant, associant dans la sérénité les lumières et les ombres, les reflets et les calmes. » poursuit Jean Nouvel.

 

La Cité des Électriciens à Bruay, fragment d’un patrimoine minier en devenir

Archétype de la cité minière du XIXe siècle, la Cité des Electriciens de Bruay-la-Buissière, dans le Nord-Pas-de-Calais, appelée ainsi en référence aux noms de ses rues, est construite par la compagnie des mines entre 1856 et 1861.Témoignage de l’habitat des familles de mineurs, ces 37 logements sont nés d’une révolution industrielle qui a radicalement bousculé le paysage existant. De ce patrimoine en déshérence,  faut-il conserver les ensembles de vilains et communs corons ? Les habitants, dans une situation sociale difficile, ont longtemps eux la volonté d’effacer cette page. Mais en 2007, le tournage de quelques scènes de Bienvenue chez les Ch’tis rend la cité populaire, jusqu’à ce que la Communauté d’agglomération de Bruay-Béthune lance une consultation pour la réhabilitation du site, remportée en 2013 par l’atelier d’architecture Philippe Prost. En préservant l’existant et en lui affectant de nouveaux usages, le projet de l’architecte conserve et adapte ce patrimoine ordinaire, que les acteurs locaux qualifient de « monument du quotidien ».

 

La piscine des Amiraux d’Henri Sauvage restaurée par François Chatillon

Cachée au cœur d’un immeuble en gradin de la rue Hermann Lachapelle, dans le 18e arrondissement, la piscine des Amiraux, réalisée en 1930 par Henri Sauvage, compte parmi les plus ancienne de Paris. Outre sa typologie novatrice, son ossature poteaux poutres en béton armé, son système de chauffage et de ventilation mécanique, ses lumières électriques incorporées dans la structure … le tout fait de cet ensemble un édifice remarquable qui lui vaut d’être classé à l’inventaire des monuments historiques en 1991. Toutefois, les mises aux normes successives des années 1980 et 1990 ont fini, pour de bonnes « mauvaises raisons » à faire disparaître les aménagements novateurs de l’œuvre initiale et la beauté qui en résultait. François Chatillon a pris le parti de restituer la piscine dans un état proche de son état initial, l’enjeu étant d’intégrer des usages contemporains dans un patrimoine à conserver.

 

A l’ouest parisien, la Seine Musicale

Dans le florilège des équipements musicaux sortis de terre ou récemment rénovés, citons la Seine Musicale ! Figure de proue de la métamorphose en cours, la Cité de Shigeru Ban et Jean de Gastines, s’inscrit dans la  continuité  du plan urbain de l’île Seguin. Sa silhouette générale allongée sur 324 m, aux longs murs de béton, rappelle celle d’un destroyer dont le pont s’incline pour laisser émerger l’Auditorium, un nid de bois tressé aux formes galbées. Quoi qu’il en soit, l’architecture se met au service de l’ambition programmatique – dont les principes restent proches de ceux de ses consœurs – favorisant l’éclectisme, et répondant à l’ambition internationale par un élément signature.

 

Musée Camille Claudel : entre imbrication et dispositif

Le musée dédiée à la sculptrice Camille Claudel, amante de l’illustre Auguste Rodin, occupe à la fois l’ancienne maison de la famille Claudel à Nogent-sur-Seine, restaurée et réhabilitée, et un nouvel édifice. « Je ne pense pas qu’il s’agisse d’un musée pour Camille Claudel, conclut Adelfo Scaranello, architecte. Peut-être y a-t-il une correspondance avec son histoire difficile, même son musée a finalement été laborieux à réaliser. Mais je crois avoir dessiné un musée dédié à la sculpture, dont les référents ne sont finalement que la brique moulée à la main et les cadres de lumière naturelle. Un autre changement de destination reste possible » continue l’architecte, qui est allé jusqu’à cacher une porte anticipant des mutations futures, un acte que n’aurait pas renier Numérobis !

 

La rédaction d’Architectures CREE

 

 

Le Louvre Abou Dhabi : la revue de presse du 15 novembre 2017

Le Louvre Abou Dhabi : la revue de presse du 15 novembre 2017

Le musée le plus connu au monde semble repositionner la capitale des Emirats arabes unis (EAU) face à sa consœur Dubaï. L’antenne du Louvre à Abou Dhabi, attendue depuis 10 ans, a été inaugurée en grande pompe ce 8 novembre, par Emmanuel Macron et les Emirs. Ce ne sont pas moins de 400 journalistes du monde entier qui ont été accueillis en avant-première, avant l’ouverture au public le 11 novembre dernier. « Si vous êtes aussi nombreux, c’est parce qu’il se joue ici quelque chose d’unique, d’exceptionnel, qui intéresse l’ensemble de l’humanité et marquera l’histoire des musées », a commenté Jean-Luc Martinez, le président-directeur du Louvre. Comme un symbole, la pyramide du Louvre conçue par Pei à Paris en 1989 entre en résonne avec le dôme du « musée de sable » de Jean Nouvel, bâti sur l’île de Saadiyat, en français « l’île du bonheur ». Certainement l’une des réussites majeures de l’architecte star français, le musée a fait la couverture de toute la presse ces derniers jours. Mais alors, qu’en disent les médias ?

© Roland Halbe

 

 

Record-dôme

 « Pour moi, la grande architecture arabe, c’est une géométrie des lumières » énonce Jean Nouvel. Une immense coupole surbaissée dilue une pluie de lumière sur les fragments d’une architecture blanche, celle d’une médina arabe. De quoi battre des records sous des airs de poésie : « un dôme d’acier de 180 mètres de diamètre culmine à 40 mètres, son poids total de 7 500 tonnes avoisine celui de la tour Eiffel ; 10 000 éléments, pré assemblés en 85 autres, pesant chacun près de 50 tonnes, forment un plafond de près de 8 000 étoiles de métal dont la superposition, sous les soleils les plus durs, ne laisse passer que 1,8 % de la lumière extérieure, créant une fine pluie de rayons blancs, comme ceux qui, dans les oasis, filtrent au travers des palmiers. » La gigantesque voute recouvre 55 bâtiments blancs séparé par des avenues et des rues soit les 64 000 m² de la « cité-musée », selon les termes de Nouvel. 26 d’entre eux abriteront les collections permanentes, soit 6400 m² d’espaces dédiés, 2000 pour les expositions temporaires, 200 pour le musée des enfants. Et aussi « un bel auditorium, un restaurant très Nouvel et un café qui l’est tout autant. »

Via Le Monde

 

 

Passoire en majesté

Si nombreux sont ceux qui pensent qu’il est l’un des plus beaux projets du Pritzker septuagénaire de ces dix dernières années, d’autres sont plus réservés, évoquant « une passoire renversée sur la plage » qui « ne donne pas grand-chose de l’extérieur ». « Un groupe de blocs blancs s’étend sous la grande coupole comme des cubes de sucre éparpillés. Comparé aux tours de verre miroir criardes de la corniche du front de mer de la ville, ce palais culturel de plusieurs millions de livres semble presque modeste. » Ce qui pourrait être une qualité.

Via The Guardian

 

 

L’ombre de Nouvel

Une modestie qui nous rappelle celle d’« Hala Wardé, l’autre architecte du Louvre Abu Dhabi », Le monde dresse le portrait de cette femme discrète, dont la seule fierté est celle du travail bien fait. La libanaise s’est installée sur place pour consacrer dix ans de sa vie au projet de l’Emirat. Longtemps dans l’ombre de Jean Nouvel,  elle est son ancienne élève, devenue l’une des huit « architectes partenaires » de ses ateliers. « Quand tu sors de l’école, viens me voir ! », lui avait lancé Jean Nouvel. « C’est normal, c’était ma meilleure élève, la plus vive et volontaire », a confié la star. « Pour conduire le chantier, Hala Wardé fonde sa propre agence en 2008, marque d’indépendance acceptée. » Originaire de Beyrouth, « elle va construire le BeMA, Beirut Museum of Art, une institution d’art moderne et contemporain dont elle a gagné le concours, en solo cette fois, en 2016. »

Via Le Monde

 

 

#architectureporn

Mais dans les Emirats, la modestie ne semble pas chose acquise pour tous. « C’était une destination prestigieuse, destinée à attirer les visiteurs avec un cachet culturel, dans la compétition permanente avec son voisin plus glamour, Dubaï. A côté des hectares de villas luxueuses et de terrains de golf (qui furent les premières choses à être construites), il devait y avoir un nouveau musée Guggenheim gargantuesque de Frank Gehry, sept fois plus grand que sa maison mère new-yorkaise, conçue comme un tas de cônes tourbillonnant. » lance The Guardian. Il devait être rejoint par le Sheikh Zayed National Museum de Norman Foster, sous la forme d’une aile de faucon de course (en l’honneur du passe-temps préféré du cheikh), un musée maritime de Tadao Ando, sous la forme d’une voûte angulaire s’élevant de la mer, et un centre des arts du spectacle de feu Zaha Hadid, modelé sur un enchevêtrement tordu d’ectoplasmes. Si aucun d’entre eux n’a encore pris racine, les megalo-architectures de ces cinq grands architectes internationaux, tous lauréats du Pritzker, formeront ainsi les principales « attractions » architecturales de ce pôle culturel.

Via The Guardian

 

 

Ile du melon

Un pôle qui ne prend pas place au cœur de la capitale des Emirats arabes unis, mais juste en face donc, sur l’île artificielle Saadiyat – en français : l’île du Bonheur. « Un mirage, à la jonction du golfe Arabique (dit aussi Persique côté Iran), bout de mer militairement agité, et du croissant des émirats, gorgé d’un pétrole propice aux délires urbains et architecturaux les plus fous (…) Là où il n’y avait que sable et mangrove, les Emirats sont en train de faire pousser un endroit merveilleux : une trentaine d’hôtels de luxe, 8 000 villas de grand standing, 19 km de plages immaculées, trois marinas pouvant accueillir jusqu’à 1 000 bateaux, deux parcours de golf. » explique le journaliste. Une destination de carte postale : « l’île du Bonheur est un nouvel horizon de l’humanité, le plus beau peut-être ».

Via Libération

 

 

Clientélisation

Le Louvre, un support de fidélisation client ? C’est en tous cas ce que dénonce le politologue Alexandre Kazerouni, une des rares voix négatives dans ce concert d’éloge. Pour lui l’ouverture de musées dans les pays du Golfe participe à la « clientélisation des élites culturelles occidentales ». « A rebours du discours officiel, qui présente le Louvre Abu Dhabi comme un levier d’ouverture culturelle et de libéralisme, il estime que cette institution donne à voir l’exclusion politique des classes moyennes émiriennes et la dérive absolutiste des Emirats arabes unis (…)Les émirs de la côte ont réalisé à cette occasion que pour intéresser les pays occidentaux à leur survie, il leur fallait disposer de relais dans l’opinion publique, notamment parmi les artistes, qui fabriquent en partie cette opinion. Les musées, tout comme les universités étrangères qui fleurissent dans la région, sont des supports de clientélisation des élites culturelles occidentales » dénonce-t-il. « Le Louvre Abu Dhabi a pour objectif de reprendre à Dubaï la part régalienne de la culture, de rappeler que la capitale du pays, c’est Abou Dhabi. » conclue-t-il. Alors que le Louvre parisien est un lieu d’émancipation dans l’esprit des Lumières, qu’en sera-t-il pour le Louvre Abou Dhabi ?

Via Le Monde

 

 

Foule en délire

L’événement a en effet attiré une foule diverse et cosmopolite. Des centaines d’Emiratis, d’Asiatiques, d’Européens et d’Arabes ont parcouru le vaste musée. « Badria al-Mazimi, une architecte émirati de 26 ans explique avoir roulé deux heures avec son mari, depuis l’émirat de Charjah, pour être parmi les premiers à entrer dans le musée. Le couple observe une statuette d’Asie centrale qui date de 1700 avant J.C. «Tous ces gens de différentes nationalités qui attendent dans cette longue file pour visiter le Louvre (…) c’est ce qu’on voit lorsqu’on voyage à l’étranger, et maintenant on voit ça ici», se réjouit-elle. Des adolescentes émiraties se prennent en selfie à côté de la peinture de Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard de Jean-Louis David, une œuvre prêtée par un musée français. À l’extérieur, deux Brésiliens se prennent aussi en photo sur une plateforme sur la mer, avec des embarcations traditionnelles émiraties en arrière plan. « Je suis allé au Louvre à Paris trois fois. J’adore l’histoire. J’aime tout dans le Louvre (…) Je trouve vraiment bien de le voir dans un contexte moderne », explique l’un d’eux, Alex Viera, qui travaille dans un hôtel cinq étoiles à Dubaï. » Quelques 5.000 visiteurs étaient attendus dans les premiers jours. L’objectif est de capter 800.000 à 1 million de visiteurs par an, « ce qui semble réaliste, sachant que la Grande Mosquée d’Abu Dhabi en reçoit un million. Et Dubaï, à une heure vingt en voiture, est l’un des premiers hubs aéroportuaires au monde, avec 84 millions de passagers ; il recevra en outre en 2020 l’Exposition universelle. » Mais à quel coût ?

Via le Figaro

 

 

Ouest France et Les Echos font la facture

Cette antenne du Louvre est un investissement de près de 2 milliards d’euros sur 30 ans. Le chantier a 561 millions d’euros, soit 8 800 €/m2, à la charge de l’Emirat, a largement explosé les budgets, son coût étant estimé à 83 millions d’euros en 2007. « Un montant probablement optimiste et qui a dérapé fortement avec le retard de près de cinq ans pris par le chantier. » Un accord intergouvernemental d’une durée de 30 ans, signé en 2007 entre Paris, représenté par l’agence France Museums (AFM) et Abou Dhabi, prévoit le versement de la modique somme de 400 millions d’euros pour la seule utilisation du nom du premier musée parisien, « Louvre ». Ainsi qu’une rémunération de 164 millions d’euros sur 20 ans, jusqu’en 2027, à l’AFM, pour « ses prestations de pilotage et de coordination. » « Pas de musée sans œuvres. Parti de rien, le Louvre Abu Dhabi consacre un budget annuel de 40 millions d’euros à l’acquisition de ses propres collections. Cet effort doit se poursuivre sur près de 15 ans pour constituer un fonds suffisant. Soit un investissement total de l’ordre de 600 millions d’euros ». Un budget « confortable mais pas faramineux au vu des prix du marché. » Le Louvre Abou Dhabi « entraîne dans son sillage Orsay, Branly, Pompidou, Guimet, Rodin, Cluny, la BNF, les Arts décoratifs, Sèvres, le musée d’archéologie nationale de Saint-Germain-en-Laye, les châteaux de Versailles et Fontainebleau, chargés de prêter eux aussi leurs chefs-d’œuvre. Les 13 institutions se partageront 265 millions d’euros (ou 190, selon les sources) en contrepartie des prêts octroyés sur les quinze ans à venir ». Et en recette : « avec quelque 100 employés et 300 prestataires, le Louvre arabe prévoit d’accueillir un million de visiteurs par an. En spéculant sur une recette de 30 € par visiteur, il faudra près de 70 ans pour retrouver la mise de départ. » Avant d’ironiser :  « Il ne faudrait pas cependant que la menace terroriste vienne gâcher la fête et prendre pour cible ce symbole occidental. Un plan d’évacuation rapide des œuvres a été prévu… »

Via Ouest France et Les Echos

 

 

Art antiterroriste

Sur ce plan, ce sera le chef de l’Etat français, Emmanuel Macron, qui prendra la parole. Ce musée « se veut avant tout un musée « universel ». Tel est le message martelé par le chef de l’Etat. « En saluant ce « Louvre du désert et de la lumière » construit par l’architecte Jean Nouvel, le président français n’a cessé de rappeler avec lyrisme et en citant Dostoïevski que « la beauté sauvera le monde » et qu’elle représente aussi une barrière contre « l’obscurantisme ». En matière de lutte contre le terrorisme, les Emirats sont un partenaire essentiel dont le président français a plusieurs fois salué l’engagement à lutter contre les groupes armés djihadistes, notamment en participant à la coalition internationale contre l’organisation Etat islamique (EI). Le président français souhaite manifestement renforcer les liens avec les Emirats. Et pas seulement sur l’art. « Les défis que vous affrontez avec détermination, a-t-il affirmé le 8 novembre, font que la France sera toujours à vos côtés, sur le défi du beau comme sur tous les autres. »

Via Le Monde

 

 

Deux journalistes suisses arrêtés

Dernière actualité en date : l’arrestation de deux journalistes suisses. « Durant l’inauguration du Louvre Abu Dhabi, les autorités ont arrêtées deux journalistes suisses qui filmaient sur un marché. Après une garde à vue de 50 heures et plusieurs interrogatoires, leur matériel a été confisqué. » une arrestation que les EAU ont tenté de justifier « affirmant qu’ils avaient violé des réglementations en vigueur. » Le National Media Council (NMC), qui supervise les activités des médias aux Émirats, a déclaré « respecter le droit de tous les médias d’informer librement à travers les Émirats arabes unis. » « Mais la police d’Abou Dhabi les a vus « entrer sans autorisation » dans la zone « sécurisée » de Moussaffah et les a arrêtés « à des fins d’interrogatoire » (…) Les autorités voulaient apparemment savoir pourquoi ils prenaient des images sur le marché et semblaient contrariées par le fait que des travailleurs pakistanais aient été filmés, alors que des critiques ont été émises dans le passé par des ONG sur des abus contre des migrants travaillant sur des chantiers de construction dans le Golfe. Dans un communiqué publié lundi, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) a condamné « la disproportion du traitement » réservé aux journalistes suisses, ainsi que « la pratique d’intimidation » qui démontre de la part des Emirats « une méfiance excessive à l’égard des médias ». RSF a demandé la « restitution immédiate » du matériel confisqué lors de l’arrestation. »

Via BFMTV

 

 

Jean qui rit, Rem qui pleure

Non loin de là, une autre actualité s’est gentiment retrouvée étouffée par l’affaire du Louvre : la librairie nationale du Qatar est passé à l’as. Conçue par OMA, elle a ouvert ses portes dans le district de Doha. Le bâtiment ne semble pourtant pas totalement dénué d’intérêt « Quelques images étonnantes de la bibliothèque ont déjà commencé à circuler sur les médias sociaux, montrant la forme frappante du bâtiment et ses intérieurs expansifs, y compris les rangées de cheminées, les salons suspendus, les murs interactifs et le labyrinthe central, entre autres. »

Via Archdaily

 

 

 

Amélie Luquain

Le Louvre s’invite à Abou Dhabi

Le Louvre s’invite à Abou Dhabi

De Paris … puis à Lens … le Louvre s’invite à Abou Dhabi ! Le musée du Louvre Abou Dhabi conçu par Jean Nouvel ouvre ses portes au public le 11 novembre 2017. Il est situé sur un archipel au large de l’île Saadiyat, une île artificielle de la côte de la capitale des Émirats arabes unis. « Il est inhabituel de trouver dans la mer un archipel construit. Il n’est pas évident qu’il soit possible d’y accoster en bateau, de trouver des pontons pour y accéder à pied depuis la côte. » Jean Nouvel. « Double coupole de 180 mètres de diamètre, plate, géométrie radiante parfaite, perforée dans une matière tissée plus aléatoire, créant une ombre ponctuée d’éclats de soleil. » Jean Nouvel. Des espaces semi-extérieurs pour des installations et des blocs de cubes blancs pour les expositions : une « ville-musée ». « Il veut créer un monde accueillant, associant dans la sérénité les lumières et les ombres, les reflets et les calmes. » Jean Nouvel. Il sera accompagné d’une série de bâtiments artistiques et culturels. Devraient suivre un avant-poste du Guggenheim, conçu par Frank Gehry et le Zayed National Museum confié à Norman Foster.

 

© Roland Halbe

Lire aussi : Le Louvre Abou Dhabi : la revue de presse du 15 novembre 2017 

Star du passé, star de la déco, starchitecte : la revue de presse du 28/03/2017

Recyclage immobilier; l’appel de Jean Nouvel; épidémie verte; des malls qui se fondent dans la ville; revoir Georges Maillols; palettes, vraiment bonnes à tout faire : la revue de presse du 28 mars 2017

 

Foir’fouille immobilière

Pour boucler ses fins de mois, l’État vend chaque année une fraction de ses biens immobiliers, un patrimoine des plus disparate : « majoritairement (il) se sépare de terrains, immeubles, logements ou bureaux. Mais quelques pépites se glissent dans les cessions. Exemple en 2016 : une chapelle de 17 m² vendue 400 € à la commune de Mauléon, où elle est située dans les Deux-Sèvres. Une tour “en très mauvais état” a aussi été cédée pour 130 € à la ville d’Oreilla, dans les Pyrénées-Orientales. Parfois, des sites très insolites — la maison d’arrêt de Grasse ou le fort de Chavagnac — intéressent les investisseurs privés pour des projets touristiques ou culturels ». Parmi les sites mis en vente, un fort de la Manche cédé 100 000 euros à un constructeur de navire qui va en faire un lieu touristique, ou un garage Renault à Paris racheté par Paris-Habitat. En 2016, 920 biens immobiliers nationaux sur 220 000 ont été cédés à des collectivités ou des investisseurs privés. « Les cessions ont permis de rapporter près de 574 M€ à l’État. Un chiffre globalement stable depuis dix ans. “Ce ne sont pas des sommes gigantesques, mais elles ne sont pas négligeables”, affirme un conseiller de Bercy ». L’argent est affecté principalement à l’achat, la construction ou la réhabilitation de nouveaux bâtiments.

via Le Parisien 

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Le Fort Chavagnac (Manche) a été cédé pour environ 100 000€ à un constructeur de navire qui souhaite en faire un lieu touristique.S. Plaine / CC-BY-SA-4.0 via Le Parisien

 

Sport au musée

Pour éduquer les populations, deux entrepreneurs de Chicago veulent lancer un musée du sport. Il y a un truc : « le sport servira d’appât pour ouvrir sur des cours de physique, biologie, relations interraciales, médecine, droit, politique et relations internationales » — et pas d’architecture, malheureusement, à croire que les enceintes sportives des US sont toutes en palissade de bois et tôle. Ainsi, dans la galerie consacrée aux jeux Olympiques du futur musée, on ne vous dira pas qui est Frei Otto, mais « vous pourrez toucher une vraie médaille d’or et entendre parler du salut des panthères noires de 1968 ou de l’attentat de Munich ». Les deux promoteurs du musée espèrent collecter 50 millions d’US $ et recherchent 10 000 m2 accessibles à toute sorte de public, touristes et scolaires. Doté d’un budget annuel de 20 millions d’US $, le musée emploiera 250 personnes. Son ouverture est prévue pour 2020/2021. Une campagne de crowdfunding a été lancée pour recueillir les 50 000 dollars nécessaires à la diffusion du projet. À l’instant T, le montant des contributions atteint 1 705 dollars. Arriveront-ils vraiment à “lever” les 50 millions visés « le premier million de dollars sera bien plus dur à lever que les quarante-neuf suivants », explique un des porteurs du projet, expliquant qu’une fois passé le cap du million, des entreprises aux athlètes, tout le monde se battra pour donner son nom à une salle du musée. Il va y avoir du sport…

Via Chicago Curbed 

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Illustration of the proposed museum via American Sports Museum

  

Verte épidémie

« En termes métaphoriques et conceptuels, le bosco vertical (forêt verticale, tour milanaise livrée en 2015) peut être comparé à un grand arbre, dont les balcons forment les branches, l’ensemble des espèces végétales les feuilles, le noyau central le tronc et les systèmes d’arrosages les racines », explique Stefano Boeri, architecte d’un nouveau type d’immeuble si bien végétalisé qu’il essaime aux quatre coins de la planète. Après Milan, Boeri travaille sur un projet de tour à Lausanne, et en Chine, Nanjing, Chongqing, Guizhou, Liuzhou, Shanghai e Shijiazhuang se verront bientôt doté de leur « Vertical Forest ». « Les forts traits identitaires de la tour forêt en font un modèle clairement reproductible dans tout type de situations. Le rôle de responsabilité que porte la Vertical Forest a conduit à faire de l’idée un langage repris par beaucoup, autant que le symbole d’une nécessité écologique », affirment les Italiens d’Art Tribune. Tandis que la forêt recule, les tours-forêts poussent drue, avec l’insolence et la vigueur des mauvaises herbes.

Via Art Tribune 

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Stefano Boeri Architetti, La tour des cedres, Losanna via Art Tribune 
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Stefano Boeri Architetti, Nanjing vertical forest via Art Tribune

 

Mallville

«On ne s’attendait pas à voir des boutiques», s’étonne Yulia, Ukrainienne en promenade à New York, alors qu’elle arpente les allées de l’ «Oculus», ou pôle intermodal auquel Calatrava a donné la forme d’un squelette de dinosaure. Le lieu est aussi connu sous le nom de Westfield World Trade Center. «Faites vos courses. Mangez. Buvez. Jouez. Tout ça sous un magnifique toit», dit le slogan de la compagnie Westfield qui exploite le lieu, un véritable mall (centre commercial) de périphérie implanté au coeur de Manhattan. Alors que certains malls de la périphérie périclitent, le Guardian s’inquiète de leur retour en centre-ville « en fait, une nouvelle race de centre commercial s’intègre si parfaitement au contexte urbain qu’il devient difficile de tirer une ligne entre la ville et le commerce. London Boxpark, Le Container park de Las Vegas ou le Brickell city centre sont des exemples de la façon dont les centres commerciaux s’imbriquent et de se fondent toujours plus dans le tissu urbain ». Le phénomène est encore plus flagrant dans des pays comme la Chine, où l’on s’est mis à donner aux centres commerciaux l’apparence de villages. « Au début des années 2000, quand les centres commerciaux fermés constituaient la norme, l’architecte Chris Law d’Oval Partnership a proposé un concept de ville ouverte pour San Li Tun, un secteur commercial de Beijing. Il proposa d’injecter dans la « boîte » une forte dose d’espace public. Au lieu des parkings asphaltés, Law a voulu des trottoirs et des arbres qui rafraîchiraient et feraient de l’ombre aux visiteurs». Un chercheur met en garde « si l’on peut trouver un attrait indéniable au retour en ville des centres commerciaux, l’effet collatéral est que ces structures transforment la ville en centre commercial ». Où est le mal(l) si on ne voit pas la ville ?

Via The Guardian 

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Santiago Calatrava’s Oculus, Westfield’s $1.4bn bet on a New York City mall. Photograph: Alamy via the guardian

 

 

Ici JN

« Hier, la politique était définie comme la science de l’organisation de la cité. Aujourd’hui, il suffit de voyager de ville en ville, tout autour de la terre, pour être frappé par la violence du saccage des paysages urbains et naturels, pour être sidéré par le mépris de la géographie, de l’histoire et de l’homme. Les mêmes causes, produisant les mêmes effets, abîment en profondeur l’image de nos villes et l’âme de notre pays. » Jean Nouvel s’indigne dans les colonnes du Monde, et tente d’attirer l’attention du futur chef de l’État sur les défis urbains et territoriaux auxquels il devra faire face. « Depuis un siècle, les décisions sur ce sujet ont été prises dans une urgence répétée, à la petite semaine, à la petite échelle des communes et des mandats… Décisions déléguées le plus souvent à la technostructure et à l’administration qui ont mis en œuvre un système simpliste : l’application aveugle de règles abstraites, la ségrégation des fonctions sur des zones avec des densités et des hauteurs arbitraires ». Phénomène que Nouvel taxe d’Ubu-urbanisme, et propose de combattre par deux mesures à prendre d’urgence : la sanctuarisation des terres agricoles et forestières et l’investissement de la banlieue par la culture. « En France, la mutation douce de nos villes sera la raison d’être de l’architecture du XXIe siècle. Cette méthode française sera unique et favorisera les mixités dans les constructions existantes, libérera le logement de ses absurdes normes de surface et développera la coprésence de la nature et du construit. »

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L’architecte Jean Nouvel. ERIC FEFERBERG/AFP via Le Monde

Via Le Monde 

 

Maillols, starchitecte rennais

« Il faut construire l’écriture de l’époque avec les techniques de l’époque », disait-il en fumant sa pipe, dans l’une de ses puissantes cylindrées qui faisaient hurler son comptable. Épicurien débordant d’humilité, d’après ceux qui l’ont côtoyé, il aimait les femmes. Avec elles, il voyageait, de New York à Tokyo, de Los  Angeles à Chicago. Dans cette dernière, ville de Mies van der Rohe, il découvre les deux tours Marina City, pionnières du renouveau des centres-villes. » AD magazine évoque la figure de Georges Maillols, architecte marquant du paysage rennais de l’après-guerre « près de 140 projets, plus de 10 000 logements… Le débat est inutile : dès 1947 et jusqu’à sa mort en 1998, l’architecte a marqué la ville, et a même régné seul sur sa trame durant les années 1970 ». Beaux coups pour celui dont on apprend qu’il fut le membre fondateur du Pipe Club (Club des fumeurs de pipe), et qu’il s’était installé à Rennes après avoir « compris très vite que les projets de grande ampleur dans la capitale sont trop rares et les architectes de formation académique trop nombreux. En dehors de Paris en revanche, le flou règne sur l’Ordre des architectes, dont les principes n’en sont qu’à leurs balbutiements ». Profitant donc d’un moment de des-Ordre, Maillols a utilisé tant et si bien la préfabrication et la plastique moderne qu’il a fait de Rennes une Grande Motte qui s’ignore.

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L’architecture de Georges Maillols à Rennes © Tom de Peyret via AD magazine

Via AD Magazine  

 

Les nouvelles stars de la déco

Autre star plus anonyme encore, la fameuse palette en bois utilisée pour le transport de marchandises. Déjà bien connue des étudiants en école d’architecture qui en ont fait un matériau fétiche, elle envahit les intérieurs aux ambitions branchées. « Économiques, rustiques et faciles à détourner, les palettes en bois, initialement dédiées au transport de marchandises, n’en finissent plus d’inspirer les amateurs de Do It Yourself (DIY) ». Ainsi Dimitri, de la chaîne Survie, bois et bushcraft propose de multiples tutos pour réaliser du mobilier en palettes. « À l’heure de l’upcycling où l’on n’a de cesse que soit offerte une seconde vie plus glam aux matériaux et aux objets les plus basiques, la palette se révèle un terrain de jeu inépuisable. La tendance est telle que sur Amazon, on trouve même des coussins spécialement taillés pour venir compléter une armature de canapé en palettes. (…). Si elles séduisent tant, c’est parce qu’en plus de s’inscrire dans la tendance du recyclage, elles sont gratuites. Et facile à utiliser pour faire une table basse ou une tête de lit, il suffit bien souvent de joindre deux palettes. Ainsi, on trouve toutes sortes de réalisations en bois de palette, des plus simples aux plus complexes : fauteuils, bureau, sommier, bac à fleurs, banc, canapé, bar… » Facile de se meubler, pourvu que l’on sache ou trouver ces modules miracles « condition de parvenir à les dénicher : pas question de repartir avec la première palette venue. Que l’on souhaite en faire du mobilier ou un bac à fleurs, il est impératif de s’assurer qu’elle ne soit pas toxique. Premier geste : faire le tour pour vérifier qu’elle n’ait pas été souillée. Si c’est le cas, on la met de côté. Mieux vaut ne prendre aucun risque si on ne connaît pas l’origine du produit renversé dessus. En revanche, si elle est propre, on se met en quête du marquage, généralement apposé sur l’un des dés, qui va nous renseigner sur le type de traitement reçu ». Et, rappelle l’article « Une fois la (ou les) palette(s) dénichée(s), il ne reste plus qu’à trouver l’inspiration ». Vivement l’interdiction des palettes en 2018 — une loi d’utilité publique qu’il est urgent de suggérer aux candidats à la présidentielle.

Via Le Figaro Madame 

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Astuce DIY : on réutilise des palettes en bois pour en faire des canapés, des fauteuils, des étagères ou des bacs à fleurs. Photo iStock via Le Figaro Madame

Olivier Namias

Immobilier, patrimoine et sémantique : le revue de presse du 24/01/2017

Immobilier, patrimoine et sémantique : le revue de presse du 24/01/2017

La villa la plus chère des USA à LA, la tour Agbar de Jean Nouvel revendue à Barcelone, les agents immobilier parisiens voient le bon coté du Brexit, un éco-village à Mirapolis, Paul Chemetov en lutte, un label pour les villes nouvelles, architecture mot passepartout, une campagne présidentielle sans design, Phyllis Lambert au CCA : la revue de presse du 24 janvier 2017, spécial, immobilier, patrimoine et sémantique

 

Chez l’Oncle Sam’Suffit

Look de motel abandonné avant l’achèvement des travaux, ou de garage macédonien dont la construction aurait été stoppée au R+1 faute de financement, voire d’ex-magasin de meubles en bordure de la RN20, et pourtant : c’est la villa la plus chère des États-Unis, et elle est à vendre pour 250 millions de dollars, nous apprend la rubrique évasion (fiscale ?) de l’Express. D’une surface de 3 530 m2, elle comporte « deux suites parentales, 10 chambres d’invités, 21 salles de bain luxueuses, 3 cuisines gastronomiques, 5 bars, soit le nécessaire pour accueillir les grandes – très grandes – familles » et bien d’autres choses encore, au 924 Bel Air Road à Los Angeles. Le nom de l’architecte n’est pas mentionné dans l’article, qui cite le maître d’ouvrage, le promoteur Bruce Makowsky, célèbre pour avoir précédemment vendu une maison à seulement 70 millions de dollars – le prix du Penthouse dans la 50 UN Plaza dessiné par Foster+Partners à New York. « Je voulais redéfinir la villa luxe super haut-de-gamme », a confié le brillant Bruce à la chaine CNBC. « Je voulais casser tous les moules. Le niveau de qualité et de détail de cette maison est du jamais-vu. Et je voulais offrir le sentiment de bien-être le plus fort que vous puissiez éprouver chez vous ». Inclus dans le prix, 30 millions d’US$ en voitures de luxe et des œuvres d’art pour un montant de plusieurs millions. Il faut déduire ces sommes pas toujours précises pour avoir une idée du prix de construction au m2 de la modeste bâtisse.

Via l’Express et CNBC 

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12 chambres, 21 salles de bain et un hélicoptère sur le toit. Voici la villa la plus chère des Etats-Unis. Courtesy of Bruce Makowsky via l’express

 

Revoila Agbar

À Barcelone, les investisseurs se repassent la tour Agbar telle une patate chaude. La compagnie Agua de Barcelona (abrégée en Agbar), commanditaire du projet de Jean Nouvel livré en 2005, avait vendu la tour non sans avoir tenté, sans succès, d’en louer une partie dont elle n’avait pas l’utilité. Un ancien employé décrit un bâtiment à l’usage compliqué « qui présente la particularité d’avoir les ascenseurs et les blocs de services au centre des étages (particularité qu’elle partage avec un nombre incalculable de tours, NDLR) qui sont comme un donut. Cela empêche de voir les collègues. (…) Il y a beaucoup de lumière, parfois trop, et quand le soleil t’éblouit tu ne peux pas fermer les stores. Et il n’y a pas de vue car les fenêtres sont trop petites » – ce qui n’empêchait pas des coûts d’entretien de façade conséquents, grevés par la mobilisation d’une équipe de six personnes à temps plein dévolue au nettoyage des 60 000 lames de verre de son enveloppe. Voilà trois ans, Agbar avait vendu la tour à Emin Capital et Westmont Hospitality Group. Les deux investisseurs voulaient la convertir en hôtel de 400 chambres. Un projet abandonné suite au rejet du changement de destination par la municipalité. Elle vient d’être rachetée par le groupe Merlin, qui saura surement mettre ses talents d’enchanteur à profit pour transformer au mieux cette icône barcelonaise.

Via El Pais  et Dezeen

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Photograph courtesy of Flickr user Ania Mendrek via Dezeen

 

Brexit Sweet Brexit

Jugé catastrophique par la majorité des éditorialistes, le Brexit réjouit les agents immobiliers parisiens spécialisés dans le haut de gamme « sur ce créneau (…), nous avons eu plus de Français que d’habitude : souvent installés à Londres et travaillant dans la finance, ils anticipent un éventuel retour dû au Brexit » explique le directeur de l’agence immobilière John Taylor à Paris. « Le nombre de transactions d’un montant supérieur à 2 millions d’euros a ainsi bondi de 31% – sur un volume de plus d’un milliard d’euros de ventes réalisé par 14 agences, à Paris, St-Cloud et Neuilly-sur-Seine. Les ventes d’appartements et hôtels particuliers à plus de 15 000 euros le m2, ont grimpé de 32%. Il s’agit d’un marché de niche : les ventes supérieures à 2 millions d’euros représentent moins de 1% des transactions parisiennes, celles au-delà d’un million, environ 5% ». Bénéficiant d’un ensemble de facteurs favorables – prix “bas”, taux attractifs – ces compatriotes cruellement exilés outre-manche arrivent à point nommé pour remplacer la clientèle américaine qui a fui la capitale depuis les attentats, ou la clientèle russe évanouie avec l’effondrement du rouble. « Beaucoup de Français installés à Londres, Genève ou Bruxelles, ont acheté à Paris pour investir, pas forcément revenir » remarque un autre agent immobilier. Nous voilà rassurés : on craignait déjà l’affolement à la piscine Molitor.

Via BFM business 

 

 

Mirapolis, le retour

C’est un projet que les moins de trente ans ne peuvent pas connaitre : celui du Parc Mirapolis, construit sur la commune de Courdimanche, dans le Val d’Oise. « Ouvert en 1987, le parc de loisirs de 50 hectares sur le thème de la littérature française comptait une soixantaine d’attractions – dont un grand huit, des rapides ou encore un bateau à balancier, 13 boutiques, 8 restaurants et 12 kiosques de restauration rapide. Capable d’accueillir jusqu’à 28 000 visiteurs par jour, l’aîné des grands parcs d’attractions français n’est jamais parvenu à l’équilibre financier et a été contraint de fermer ses portes cinq ans après son ouverture, en 1991. « Trop visionnaire, sans doute », suggère le quotidien Les Echos qui annonce le prochain réaménagement du site. Après avoir été «  sporadiquement utilisé depuis pour accueillir les manœuvres des gendarmes mobiles, du GIGN ou des cours de moto-école » les 110 ha où se dressait autrefois un Gargantua géant vont être convertis à l’éco-tourisme. Le promoteur Immo Vauban et la Caisse des Dépôts veulent implanter « 700 à 750 cabanes en bois, perchées dans les arbres, sur pilotis ou nichées en pleine nature. Toute équipées de cheminées », détaille la Gazette du Val d’Oise. « Ça va renforcer l’idée que notre agglo est une agglo verte. On va créer une très belle entrée d’agglomération et un poumon vert », s’enthousiasme (la maire PS de Courdimanche, Elvira Jaouën). Un poumon vert durable, aux antipodes de la mini-ville et de ses 2 000 logements qui furent un jour imaginés au cœur de ce Mirapolis, longtemps endormi et aujourd’hui tout près de se réveiller ». « Que grands tu as… les espoirs », aurait pu dire feu Gargantua à la description de cette cité, qui a déjà des allures de Miragepolis.

Via Les echos et La Gazette du Val d’Oise 

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L’ancien site du parc d’attractions Mirapolis, à Courdimanche, va connaître une seconde jeunesse via les echos

 

Cergy sans mépris

« Je ne suis pas anti-travaux, mais Cergy est l’une des villes nouvelles qui a le mieux fonctionné, et là on n’y fait pas attention » s’alarme Armelle Barret, une jeune diplômée en histoire de l’architecture contemporaine, qui a entrepris de dessiner tous les éléments particuliers de cette « ancienne ville nouvelle » : escaliers, colonnes, plaques d’égouts avec logo, éléments de signalétiques, pavés, souvent retirés sans précautions, tels ces candélabres apparaissant dans le film de Rohmer, « l’amie de mon amie », tourné en 1987. « Pour le moment, Armelle n’a pas obtenu l’écoute qu’elle souhaitait auprès des élus locaux », relate Le Parisien, qui explique que la jeune fille songe à un label pour protéger les villes nouvelles.

Via Le Parisien 

 

 

Combatif

Armelle pourra trouver de l’aide auprès de Paul Chemetov, qui va se battre pour préserver l’architecture moderne, nous apprend Batiactu. La Cour d’appel de Paris a confirmé le 2 décembre dernier l’autorisation de démolir les locaux de la CPAM de Vigneux-sur-Seine, pourtant labellisé « Patrimoine du XXe siècle ». «  Les bras m’en tombent », explique l’architecte « mais je tiens avant tout à rappeler qu’au-delà de mon bâtiment, c’est tout un quartier qui est menacé, celui de l’ensemble des Briques rouges. Cette démolition s’inscrit dans le cadre d’une convention ANRU et concerne, certes, les locaux de la CPAM mais aussi un monument aux morts, le foyer des anciens ainsi que des logements HML. Tout cela parce que les logements seraient mal habités. On revient à des attitudes du XIXe siècle ». « Chem » a rendez-vous le 26 janvier prochain à la direction de l’architecture du ministère de la Culture pour discuter de cette affaire, dans laquelle il aimerait que l’ordre des architectes intervienne au titre de partie civile. « La question que je me pose aujourd’hui c’est : est-ce que l’architecture contemporaine est un mouchoir jetable ? ». Pour l’ANRU, c’est visiblement un mouchoir dont elle se tamponne. 

Via batiactu

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Bâtiment de la sécurité sociale de Vigneux-sur-Seine, conçu par Paul Chemetov © Archives Paul Chemetov via batiactu

 

 

A toutes les sauces

C’est d’abord « la commune nouvelle (qui) ne crée pas tant une alternative qu’elle inaugure une architecture, apportant une solution à l’épineuse question de la gouvernance intercommunale. L’EPCI devient son utile complément pour exercer les compétences stratégiques et réaliser des économies d’échelle » rapporte le Courrier des Maires, parlant « d’une nouvelle architecture locale » à propos de la réforme communale. C’est ensuite l’architecture mafieuse de Publifin, « un système qui a été mis en place par Stéphane Moreau et André Gilles pour étendre l’emprise du parti socialiste liégeois sur différents secteurs économiques et industriels de la vie liégeoise», pointe François Gemenne. « C’est un système de nature mafieuse car il fait la loi lui-même, il distribue de l’argent à tout le monde pour que personne ne pose de questions». Il s’agit, on l’aura compris, d’une société fantoche ayant pour vocation la distribution de pots-de-vins. C’est enfin l’obscur « nouvelle architecture d’exécution pour la plateforme de sécurité container Twistlock 1.7 », un système informatique de protection des données. Nouvelle, mafieuse, sécuritaire, le mot architecture envahit le langage à mesure qu’il déserte les villes. Mais que fait l’Ordre (des architectes) pour lutter contre ces abus de lexique ? Voilà une idée de chantier donquichottesque pour occuper le CNOA durant l’année 2017.

Via le Courrier des Maires, Métrotime belgique et PRnewswire 

 

 

Le mot tabou

Vaincu à la primaire de la gauche, Montebourg avait aux yeux de Christian Guellerin, directeur de l’école du Design Nantes Atlantique, une qualité rarement rappelée par les exégètes de la vie politique française : « il faut reconnaître à Arnaud Montebourg, alors ministre de l’Industrie, le fait d’avoir parlé du design. Pas celui qui magnifie un produit pour en fait une œuvre d’art, pas celui qui ne ferait que se limiter aux belles tables, aux belles chaises, aux belles lampes… Non, celui qui fait gagner les entreprises, celui qui permet de créer des points de valeur ajoutée, de rendre les entreprises plus compétitives… Celui qui fait d’une cocotte-minute, LA cocotte-minute. Pour la cocotte-minute, la plus belle courbe design, c’est « la courbe des ventes » – sa version à lui de « la laideur se vend mal » de Raymond Loewy. Signalant que l’Université de Tongji à Shanghai, déjà pourvu d’un conséquent département d’architecture, vient de se doter d’un département de design, Guellerin enfonce le clou « Il est dommage que les candidats à la présidentielle fassent campagne sur la promotion, l’adaptation, la compensation des recettes du passé, là où il s’agit de prévoir demain. Il conviendrait qu’ils parlent un peu de design et du formidable potentiel offert par les établissements d’enseignement supérieur français qui font du design un atout au service du développement économique ». Pas un mot sur le design dans la campagne présidentielle, déplore Guellerin. Qu’il se rassure : le terme architecture n’était pas plus employé, hormis dans les contextes baroques décrits ci-dessus.

Via Les Echos 

 

 

Phyllis en ses murs

Mettons un terme à ces troubles sémantiques :« l’architecture, ce n’est pas un bâtiment. Il faut se sortir [de la tête] le mot bâtiment. Tout édifice s’insère d’abord dans un environnement. Ce n’est pas juste d’une dent, dont il s’agit. L’architecture […], c’est un grand îlot, un quartier, un paysage » tranche Phyllis Lambert, fondatrice du CCA (Centre canadien d’architecture) qui consacre une expo à ses « 75 ans au travail ». Héritière de la famille Bronfman, Lambert avait convaincu son père de confier à Ludwig Mies Van der Rohe la conception du siège de sa société, abrité dans un bâtiment passé à la postérité, le Seagram Building. Parfois surnommée Citizen Lambert ou encore Jeanne d’Architecture, Phyllis Lambert continue, à presque 90 ans, d’encourager les opérations de guérilla urbaine, affirmant « que la ville ne doit pas être l’affaire de bureaucrates » et salue les opérations citoyennes qui visent à faire des potagers clandestins, des jardins spontanés. « Les gens vivent la ville et la comprennent, c’est pour ça que les consultations sont importantes. C’est le noyau des bonnes idées et la façon de faire la ville ». Parlant du CCA, elle explique « Nous ne sommes pas un musée qui expose des objets et déclare “ceci est l’architecture”. Nous essayons de faire réfléchir les gens ». On mesure l’ampleur de la tâche.

Via Le Devoir

 

Olivier Namias

Jean Nouvel dans ses meubles

Jean Nouvel dans ses meubles

L’exposition Jean Nouvel, mes meubles d’architectes. Sens et essence est née d’une rencontre : celle de Jean Nouvel et d’Olivier Gabet, directeur du musée des Arts Décoratifs, durant la conception du Louvre à Abu Dhabi. Ensemble, ils évoquent l’idée de réunir pour la première fois la centaine d’objets édités par l’architecte, depuis une série de cinq meubles en aluminium réalisée à l’occasion d’une « carte blanche » du VIA (Valorisation de l’Innovation dans l’Ameublement) en 1987, jusqu’à la collection de meubles en  « cuir ligné » créée pour le Louvre des Émirats. L’occasion pour « l’assassin de revenir sur les lieux de son crime », les salles dédiées aux arts graphiques dont il avait conçu l’aménagement en 1998.

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LAD Line, collection de sièges en cuir conçus pour le Louvre Abu Dhabi, Poltrona Frau, 2016

Manifeste

« Je ne suis pas un designer, mais un architecte qui fait du design », martèle Jean Nouvel. Très rapidement, l’exposition semble s’imposer comme le justificatif d’une pratique, celle de l’architecte qui s’adonne au design. « J’ai toujours considéré les meubles et les objets comme de petites architectures (…) des architectures de poche. Cependant, pour la petite et la grande architecture, l’obsession conceptuelle reste la même : faire du sens et du sensible. Et pourtant c’est vrai, la dimension change tout. Je veux clarifier cette différence pour vous mais aussi pour moi. C’est un sujet sensible, presque tabou, qui, de platitudes en certitudes infondées, encombre souvent les conversations dans les diners en ville… » pose l’architecte dans son texte introductif du catalogue d’exposition Du sens à l’essence.

Pour justifier sa pratique, l’architecte introduit une réponse contextuelle. A la question « que met-on comme meuble, monsieur l’architecte ? », ce dernier se retrouvait toujours devant le même problème : « je concevais des bâtiments dans les années 80 et je me retrouvais devant du mobilier des années 30. J’avais l’impression d’une sorte de collage, de citation qui n’avait rien à faire là. Et je me dis, je vais inventer un système qui va contextualiser le meuble, de façon à ce que je n’ai pas à le redessiner à chaque fois ». Si tant est que le défi soit relevé, il serait intéressant de recenser les bâtiments de l’architecte qui les contiennent.

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Table au kilomètre, table chêne charme, 800×80, édition Gagosian Gallery et Galerie Patrick Seguin, pièce unique, édition spéciale : 3/6, 2011 © Thierry Depagne

Une deuxième réponse serait celle de la transposition d’obsession architecturale à l’objet. L’architecte considère les meubles comme des petites architectures, établissant des correspondances entre ceux qu’ils nomment « architecture mobilière » et « architecture immobilière », à tel point que certains de ces mobiliers semblent résulter d’un système constructif : « J’ai rêvé de cette table… ce n’est pas une table normale… Elle est construite comme un pont, avec un système de précontrainte et des pièces métalliques en tension cachées à l’intérieur… Si vous appuyez très fort sur la table, elle vibre un peu, mais très peu. On peut sauter, on peut danser dessus… La table au kilomètre pourrait battre des records de longueur … Elle se construit par assemblage de traverses de bois massif d’essences différentes, du chêne et du charme, avec, invisible dans son épaisseur, le secret de son principe constructif… » explique-t-il à propos de la Table au kilomètre (édition Gagosian Gallery et Galerie Patrick Seguin, 2011).

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Graduate, étagère, Edition Molteni, 2003

 

 

Obsessions

Pour Jean Nouvel, seuls les mobiliers d’architectes semblent résister à l’épreuve des années, les designers étant sujet aux tendances : « L’histoire l’a déjà prouvé. La démarche architecturale par rapport au meuble est souvent celle qui passe le plus facilement les étapes du temps, qui marque de façon beaucoup plus nette cette temporalité et l’histoire de l’architecture. Ce sont souvent des déclinaisons ou des réinterprétations de grands thèmes qui ont obsédé les architectes, qui les ont amené à faire de l’architecture mobilière, via des correspondances entre l’architecture mobilière et immobilière » précise-t-il.

Les obsessions de Nouvel ont déjà été approchées en architecture. D’une part, l’élémentarité. Nouvel – qui en 1995 créé la société Jean Nouvel Design – va jusqu’à parler « d’anti-design », s’emparant des typologies déjà existantes, réfutant le meuble « bavard », trop conceptuel, au profit d’un vocabulaire minimaliste. Une obsession qui vire à la stratégie, selon Olivier Gabet : « s’il existe une méthode Nouvel à l’aune de l’objet et du design, elle est itérative et progressive. On commence quelque chose puis on y revient, on le laisse on le reprend, on y travail et on le simplifie toujours jusqu’à atteindre le degré 0 ». En témoigne la gamme Élémentaires (Matteo Grassi, 1991) à la poursuite de l’archétype du fauteuil, hors du temps et des styles.

 

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Li-Da, table chinoise bicolore, laque Daquacryl, Roche Bobois, 2016

Autre préoccupation majeure, la lumière : « Je me souviens d’émotions profondes, liées au fait de me promener dans les musées le soir, quand n’y a plus personnes, quand les lumières sont baissées… Et je trouve que dans le musée, comme dans la ville aujourd’hui, on est dans l’époque de la sur-lumière. » Rien d’étonnant à ce que l’architecte se livre à quelques exercices d’illuminations au sein de l’exposition, sous-exposant par ici, sur-exposant par là, révélant la poésie des objets mis en abyme avec les collections des Arts Décoratifs.

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Les arts décoratifs, exposition : « Jean Nouvel, mes meubles d’architectes. Sens et essence », 2016 © Luc Boegly

Pour Nouvel, les meubles doivent être compris au travers de l’espace qui les entoure : « Les triptyques et miroirs sur lesquels je travaille sont pour moi une façon de relire l’espace, le basculer et effectivement de capter ce qu’il y a dans le miroir. Le miroir est moins  intéressant que ce qu’il reflète, bien souvent. Le triptyque permet de multiplier la même image, de choisir les angles en fonction de l’endroit où l’on rentre, de l’endroit où l’on vit, et de ramener à soi des angles inattendus, ou des lumières » précise Jean Nouvel. D’où la nécessité pour lui de créer des interférences avec les collections Moyen Age, Renaissance, XVIIe et XVIIe siècle. De facto, la sensation d’infini de la Table au kilomètre veut faire écho aux retables et aux Pietà de la collection du musée, tandis que les tapis de marbre (286 millions d’années, édition Citco, 2016) cherchent à entrer en résonnance avec les intagli de la Renaissance italienne. Un tout qui donne à l’exposition des airs de rêverie romantique (surlignés par les abus de point de suspension dans les cartels).

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Les arts décoratifs, exposition : « Jean Nouvel, mes meubles d’architectes. Sens et essence », 2016 © Luc Boegly
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146 millions d’années, tapis de marbre, édition Citco, pièces uniques, 2016
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Les arts décoratifs, exposition : « Jean Nouvel, mes meubles d’architectes. Sens et essence », 2016 © Luc Boegly

Les meubles de Jean Nouvel semblent s’imposer là comme des pistes de réflexions architecturales, réinterrogeant des potentiels projectuels à la petite échelle. « Je crois toujours à l’éternelle qualité qui doit être liée à une dimension artistique et l’architecture est un art ; c’est la dimension de l’interrogation, du mystère, de la profondeur. Une œuvre d’art, on n’en fait jamais le tour, on est en permanence dans l’interrogation. Je cherche ce niveau interrogatif, avec mes petits moyens pour faire des petits meubles », pourrait conclure le concepteur.

 

Amélie Luquain

 

Jean Nouvel, mes meubles d’architectes. Sens et essence aux Arts Décoratifs de Paris du 27 octobre au 12 février 2017.

Courtesy Les Arts Décoratifs 

Le come-back de Cacharel signé Jean Nouvel

Le come-back de Cacharel signé Jean Nouvel

Après une longue absence, la griffe Cacharel ouvre une boutique mono marque dans le quartier parisien de Saint-Germain-des-Prés (Paris 6e), un écrin signé les ateliers Jean Nouvel Design.

jean nouvel cacharel saint germain des près

Rien d’étonnant à ce que Jean Bousquet, président fondateur de la marque Cacharel en 1958, ait fait appel à Jean Nouvel, pour travailler sur son nouveau flagship. En effet, pour les deux Jean, c’est une collaboration de longe date qui a commencé à Nîmes, lorsque Mr Bousquet en était le Maire, de 1983 à 1995. A cette époque, on se souvient tous du Némausus (1986), le gigantesque ensemble d’immeubles-bateaux, renouveau dans le logement à loyer modéré. Un maire amoureux de la mode, mais aussi de l’architecture et du design, dont on se rappelle avant toutes choses pour ses réalisations urbaines majeures.

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Aujourd’hui, à l’âge de 83 ans, il fait à nouveau appel à Jean Nouvel pour redorer le blason de Cacharel. Marque mythique, prenant le nom d’un oiseau de Camargue, elle a su s’introduire dans toutes les vitrines du monde, depuis le fameux boom du chemisier crépon, suivi des motifs Liberty. Actuellement, elle est représentée dans les grands magasins tels que les Galeries Lafayette ou le Printemps, mais aussi dans plus de 200 point de vente à l’international. Cependant, pour Jean Bousquet, il était urgent de retrouver les centres-villes : « C’est une politique globale de la société de retrouver le centre-ville. Ce sont des cœurs de ville qui se sont vidés avec le temps pour favoriser les extérieurs. Où est le confort de la consommatrice de devoir faire la queue pendant des heures dans les embouteillages avant de se rendre dans les boutiques. L’attractivité des centres-villes offre une qualité de service inégalée » dit-il dans les lignes d’Objectif Gard.

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Ainsi, la première boutique mono marque depuis 2008 a ouvert au public lundi 11 juillet 2016, un espace de 140 m² sur deux niveaux, à l’angle du boulevard Saint Germain et de la rue de Buci, dans lequel Jean Nouvel Design propose un aménagement graphique. Dès l’extérieur, le regard est attiré par le motif romantique orangé, inspiré des peintures impressionnistes. Au rez-de-chaussée, celui-ci court le long d’une toile tendue rétroéclairée de 13m, accompagnant le visiteur jusqu’à la cabine d’essayage, entièrement habillée de miroir et mettant à disposition un écran selfie. Si miroir il y a, on notera surtout celui qui accompagne l’escalier de bois déstructuré sur toute la hauteur, dans un mouvement ascensionnel. A l’étage, le motif impressionniste digne d’un soleil couchant se retourne en plafond, habillant les lightbox qui s’en détachent. Un plafond qui magnifie aussi le jeu des lignes déstructurées, avec différentes fuyantes soulignées par les éclairages. Au sol, de grandes dalles de 60×60 cm en chêne naturel rythment l’espace ; le matériau étant souhaité par Jean Bousquet, précise Léo Chapuis, coordinateur de projet chez Jean Nouvel Design. Volumes monolithiques de bois, les meubles de rangements et présentoirs, créés sur-mesure, s’inscrivent dans la géométrie du sol, telle une extrusion de celui-ci. Les portants, quant à eux, intègrent un dispositif d’éclairage constitué de deux barrettes orientables, l’une vers les vêtements, l’autre vers le plafond, de quoi diffuser une lumière chatoyante en toute saison, en plus de celle des niches vitrées existantes – façades et menuiseries étant classées.

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Le concept, bien que graphique, laisse place à la collection de prêt-à-porter. Au final sept magasins devraient ouvrir en 2016, notamment à Lille, Marseille, Strasbourg, Nîmes… Ce qui devrait arriver très rapidement puisque le chantier de celle de Saint-Germain-des-Prés n’a duré que 2 mois.

Amélie Luquain

Fiche technique
Lieu : Paris 6e, 40 Rue de Buci. 
Maître d’ouvrage : Cacharel. Maîtrise d’œuvre : Jean Nouvel Design. Superficie : 140m². Travaux : 5 semaines. Ouverture : 11 juillet 2016. 

Matériaux : Sol : chêne de fil clair en plaque de 60x60cmPlafonds : papier imprimé avec motif graphique et surfaces lumineuses avec bâche rétroéclairéeMur : mur lumineux de 12,5m de long sur 6,3 m de haut dans l’escalier avec bâche imprimée graphique. Meubles : en chêne de fil clair identique au sol.

 

Photos : Philippe Ruault

Trophées Saint-Gobain Gypsum : les français à l’honneur

Les entreprises internationales des métiers du plâtre et de l’isolation ont été mises à l’honneur le 3 juin 2016 à Prague lors de la 10e édition des Trophées internationaux de Saint-Gobain Gypsum. Parmi elles, trois entreprises françaises raflent à nouveau la mise.

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Grand Prix, Philharmonie de Paris, Atelier Jean Nouvel et Ile de France Plâtrerie

Lancés en 1998, les Trophées internationaux de Saint-Gobain Gypsum mettent à l’honneur tous les deux ans le savoir-faire en plâtrerie et plaques de plâtre. Pour la 10e édition, 35 pays et 89 projets ont été répartis dans 6 catégories, suite aux présélections régionales et nationales, à l’instar des Trophées Placo en France. Comme à Berlin en 2014, 3 projets français ont été primés ; de quoi affirmer les compétences des architectes et des PME françaises.

 

Ile de France Plâtrerie (94), dirigée par Jean et Olivier Di Ponio (38 salariés), reçoit le Grand prix pour la mise en œuvre de l’enveloppe extérieure de la salle de concert du Philharmonie de Paris, conçu par l’atelier Jean Nouvel (de quoi assurer la polémique pour ce projet largement décrié pour ses malfaçons). Concernant la conception de l’auditorium « enveloppant » doté d’une capacité de 2 400 places assises, le défi fut acoustique : une grande clarté sonore devait être combinée à une forte réverbération, ainsi qu’à des réflexions latérales importantes. L’entreprise de plâtrerie a réalisé une prouesse pour l’enveloppe extérieure, avec une structure totalement asymétrique en plâtre d’une hauteur maximale de 26 mètres et comprenant 5 785 cubes absorbeurs de sons en plâtre de produits fibreux.

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Dans la catégorie Plâtre, Werey Stenger (67), dirigée par Etienne et William Werey (49 salariés), est récompensée pour sa reconstruction à l’identique de l’église catholique de Gerstheim en Alsace, au côté de l’architecte Alain Steinmetz. Pour reproduire le plafond et notamment les voûtes d’ogives d’origine (6 mètres de haut) détruites par un incendie, l’entreprise a associé la numérisation 3D à la technique traditionnelle de plâtrerie par produits fibreux.

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Dans la catégorie Plaques de plâtre, l’entreprise Isolation 2000 (77), dirigée par José Sousa (74 salariés), est primée pour son travail à la Fondation Louis Vuitton, dessinée par l’architecte américain Frank Gehry. Pour ce bâtiment connu pour ces voiles aux formes complexes nécessitant un modèle BIM, l’un des autres défis a été de fournir une isolation acoustique élevée entre les salles techniques et les espaces publics. L’entrepreneur a dû mettre au point une solution sur-mesure avec des boîtes imbriquées autoportantes composées de deux couches de plaques Placo® Duo’Tech 25 et des suspentes WinFix dB.

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Bien que ce trophée soit reconnu mondialement, il ne saurait, comme beaucoup d’autres, donner une vision globale des métiers du plâtre puisque seuls les adhérents au club Gypsum peuvent participer. Par ailleurs, on notera l’absence des architectes français pour la remise de ce prix inter-entreprises, contrairement à d’autres pays. En effet, des solutions innovantes sont bien souvent le fruit d’une collaboration enrichissante entre architectes et entreprises…

 

Prochainement

En terme d’innovations produits, on retiendra notamment la plaque de plâtre Habito®, idéal en résidentiel car elle promet une grande résistance aux chocs et aux fixations, capable de supporter jusqu’à 15 kg de charge avec une fixation standard.

 

Amélie Luquain