Best of 2017 : Logements

Best of 2017 : Logements

La revue Architectures CREE revient sur les constructions qui ont marqué l’année. Programme par programme, elle a sélectionné pour vous des réalisations qui ont émergé du paysage français, et vous en propose la relecture. Ci-dessous, notre best of 2017 de logements. 

 

80 logements à Cesson, ou la revitalisation d’un centre-bourg par MDNH

En France, les bourgs se vident et paradoxalement dévorent les terres agricoles. D’un côté, les centres métropolitains accaparent les activités économiques et sociales. De l’autre, les pavillons prisés par la classe moyenne colonisent depuis les années 1970 la périphérie des petites villes. Afin de redynamiser l’économie des milieux ruraux et périurbains et d’accompagner la transition écologique des territoires en limitant l’étalement urbain, ont lieu aujourd’hui des opérations de revitalisation et de densification des parcelles en centre-bourg. C’est dans ce contexte que s’inscrivent, à Cesson (77), une commune de 10 000 habitants, 80 logements de taille intermédiaire construits par MDNH Architectes. Des constructions qui convoquent la figure de la maison, en reprenant les toitures à deux pans ; réminiscence d’un passé de bourgade, comme si elles seules pouvaient emporter l’adhésion de tous.

 

 

35 logements à Homécourt (54) : un plaidoyer « ordinaire » de l’atelier Martel

Autre petite commune, de quelques 6 000 habitants, celle d’Homécourt, en Meurthe-et-Moselle. L’activité minière en déclin a laissé place aux traditionnelles zones d’activités : un tissu discontinu qui constitue le plus souvent la dernière frange urbaine avant la forêt ou les exploitations agricoles. Un îlot compact combinant 19 maisons individuelles et 16 appartements en collectif, contraste avec la faible densité des constructions alentours. Pour l’inscrire dans son environnement, les architectes Stéphane Cachat, Marc Chassin et Laurent Noel de l’atelier Martel puisent leur « imaginaire dans des formes connues et familières, archétypes de l’architecture périurbaine », disent-ils : implantation en bande, maisons accolées, jardins privatifs, façades en enduit, toits double pente en zinc. Une « banalité apparente » qui compose avec le déjà là, et faciliterait les mécanismes d’appropriation des habitants.

 

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

« Pari(s) 2072 se projette dans un monde où un bâtiment construit en 2012 continuera à rendre de bons et loyaux services en 2072 » introduisent les architectes, Elizabeth Naud et Luc Poux. Ils proposent un travail sur la résilience, prenant le contrepied de l’obsolescence programmée des constructions depuis les années 1950. Alors que pendant des siècles, selon eux, la ville s’est reconstruite sur elle-même par superposition, stratification, adjonction, greffe, empilement, etc, ces constructions auraient manqué de vues prospectives. Dans le cadre d’une requalification territoriale, et plus précisément d’une opération de re-logement, le projet consiste à construire 68 nouveaux logements boulevard Davout (paris 20e), avant de démolir des barres vétustes et énergivores. Epannelage des toitures, plan en Svastika, circulations pénétrantes, réserve foncière en surélévation, évolutivité des logements, pièce en plus : autant de propositions destinées à servir la résilience.

 

Les logements de Berranger Vincent à EuroNantes

Nouvelle silhouette dans la skyline nantaise, une construction de l’agence Berranger Vincent de 53 m de hauteur (limite IGH oblige) s’attache au tissu hétérogène. Courante dans ce contexte déjà pourvu de « tours » des années 70, ses atours modernistes sont revisités par des biais et des matériaux contemporains ; une façon de la rendre plus attractive et moins sévère. Les 69 logements en accession qu’elle abrite sont complétés d’un immeuble de 13 logements sociaux le long de l’avenue et de 5 maisons individuelles groupées en balcon sur le fleuve.Une mixité qui interroge; car limitée par bloc d’habitation quand elle aurait pu être exercée au sein d’un même immeuble. De plus, cette construction entre largement dans le débat sur la tour européenne contemporaine, une typologie mise à mal par les échecs supposés ou réels des constructions léguées par le mouvement moderne.

 

Soler et Ricciotti : le nouveau Haussmannien ?

Bien que le 16e arrondissement n’en est pas à son premier essai dans l’exercice de son sport favori antisocial, le bailleur social Paris Habitat et les architectes Soler et Ricciotti dresse les deux premiers immeubles de logements sociaux d’un îlot de quatre bâtiments. Les architectes proposent une volumétrie qu’ils disent inspirée de l’esthétique et du « bon sens » haussmannien, reprenant « des gabarits haussmanniens avec des matériaux contemporains », précise l’architecte, qui va jusqu’à se poser en avant-gardiste. Un haussmannien qui prend quelques libertés vis-à-vis de son modèle en s’affranchissant notamment de l’alignement, de la continuité sur rue et de la hauteur.

 

La rédaction d’Architectures CREE

 

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

Alors que labels et normes sont en crises, l’agence Naud & Poux propose une autre vision de la durabilité, interprétée sous la notion de pérennité. Pari(s) 2072, appliqué aux 68 logements du boulevard Davout, propose des solutions de résilience allant à l’encontre de l’obsolescence programmée, déjà constatée dans les produits de consommation courante, mais pas encore assumée dans les « produits » bâti.

Pour être durable, soyons pérenne

Dans le cadre du concours EDF Bas Carbone 2012, l’agence Naud & Poux s’est interrogée sur la ville durable : « Labels, certifications et autres normes et réglementations ont fait leur apparition conjointement, en même temps que naissait la conscience d’une démarche environnementale. C’était il y a une dizaine d’années et c’était important pour contraindre et mettre l’ensemble des décideurs sur la voie de la raison. Pourtant la raison ne s’accommode pas bien de la pensée normative. HQE, BBC, RT et autres se côtoient, s’ignorent, se choquent et s’entrechoquent dans une jungle réglementaire assez cocasse, jusqu’à devenir parfois contre-productive ». Normes et réglementations montrent là leurs limites. Il devient nécessaire de dépasser l’énergie « normée » pour penser l’énergie « grise » ou « globale », soit celle du cycle de vie d’un bâtiment : construction, modification, démolition. Ainsi, pour construire durable, il faut déjà prendre en compte la notion de « durer ».

« Pari(s) 2072 se projette dans un monde où un bâtiment construit en 2012 continuera à rendre de bons et loyaux services en 2072 » introduisent les architectes, Elizabeth Naud et Luc Poux. Ils proposent un travail sur la résilience, prenant le contrepied de l’obsolescence programmée des constructions depuis les années 1950. Alors que pendant des siècles, selon eux, la ville s’est reconstruite sur elle-même par superposition, stratification, adjonction, greffe, empilement, etc, ces constructions auraient manqué de vues prospectives. La ville durable s’assimile à une ville qui se renouvelle. « Pour demeurer, les constructions doivent être capables d’accepter les évolutions, les transformations, les mutations pour remplir de nouvelles fonctions, de nouveaux usages », précisent les architectes. Une pensée durable qui s’associe à la notion de densité, pour les architectes qui citent Aristote (-384 -322) : « les hommes se rassemblent dans les villes pour vivre. Ils y restent ensemble pour jouir de la vie. »

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Application à un ensemble de logements

« La démolition d’un bâtiment moderne pour en construire un autre nous donne l’occasion d’une nouvelle interrogation sur l’obsolescence des bâtiments et leur incapacité à s’engager dans une deuxième vie (…) Le projet Davout – du nom de son boulevard – s’est imposé naturellement comme site expérimental de notre réflexion », expliquent Naud et Poux. Dans le cadre d’une requalification territoriale, et plus précisément d’une opération de re-logement, le projet consiste à construire 68 nouveaux logements, ainsi qu’une crèche et des locaux associatifs, avant de démolir les barres vétustes, énergivores et les plus exposées au bruit du périphérique, du secteur Python Duvernois. A savoir, selon les architectes, le coût en énergie grise de l’opération de démolition équivaut à 18 ans de consommation dans le nouveau bâtiment. De quoi motiver un travail sur la résilience.

Depuis la porte de Bagnolet jusqu’à celle de Montreuil, entre le périphérique et le boulevard des Maréchaux, le site s’inscrit dans la bande historique des HBM qui ceinture la capitale. La composition architecturale du projet est dense (COS 4), sur une parcelle épaisse de 29 m. Elle se découpe en un épannelage des toitures allant du R+4 au R+8, mixant l’image du collectif et l’archétype de la maison individuelle en attique. Le plan en Svastika se développe autour d’un patio, reprise de la cour haussmannienne, désenclavée par des circulations pénétrantes. Celles-ci vont chercher la lumière en façade, avant de longer le patio et de rejoindre les noyaux de circulations verticales. Elles desservent des appartements traversants ou d’angles. Ce système de plan permet d’orienter les pièces principales vers l’extérieur, et de disposer les pièces d’eau autour du patio, de façon à ce qu’elles bénéficient elles aussi de lumière naturelle. Aux extrémités des quatre ailes, les cuisines traversantes jouent d’un décalage en façade que souligne le bardage en verre émaillé, libérant des terrasses en bout, tantôt une, tantôt deux. Sur leurs longueurs, elles sont bordées de balcons filants. Ils dégagent des vues et des orientations. L’ensemble, posé sur un socle homogène recouvert d’une peau de métal déployée, composent ainsi 4 façades qui ne laissent aucun pignons aveugles, hormis celui en façade nord près à recevoir une futur construction de logements privés, afin de constituer un front bâti sur le boulevard. Quand à la végétalisation des terrasses, si elle est fortement incitée par l’agencement d’une serre partagée au dernier étage (qui offre, qui plus est, une vue imprenable sur les alentours) et par des supports de végétalisation déjà en place, elle est laissée à la libre appréciation des usagers.

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Référence à la Villa Tugendhat de Mies Van der Rohe avec ce T2 en toiture terrasse, qui prend la forme archétypale d’une maison individuelle sous sa toiture à deux pans. L’entrée se fait par la terrasse, qui ceinture l’habitation, dont les pièces principales dotées de parois vitrées toute hauteur se développe autour d’un bloc humide.

 

Contre l’obsolescence programmée, des propositions de résilience

Si déjà la construction est forte d’une composition extrêmement cohérente et d’un souci du détail, se posent encore les enjeux de durabilité et de mutabilité. « Comment dote-t-on le bâtiment pour assurer sa mutation dans 60 ans ? » posent les architectes. Ce à quoi ils répondent par des propositions de résilience, toutes chiffrées ; une donnée qui permet de les choisir les unes par rapport aux autres et de révéler l’ampleur de l’engagement et de l’anticipation. On notera que dans le plan du bâtiment, les typologies d’appartements sont strictement superposées, ce qui permet une économie budgétaire et constructive dans les descentes de charges et de fluides. Budget que la maîtrise d’ouvrage pourra placer dans les propositions de résilience.

La plus importante d’entre elle est la proposition d’une surélévation potentielle (101€/m2) comme réserve foncière. La structure globale, fondations et descentes de charges, est renforcée, autorisant la construction d’étages supplémentaires en structure légère sur 3 à 5 niveaux. Deuxième point, l’évolutivité des logements à 58€/m2. Une structure poteaux-poutres et façades porteuses à été préférée à des voiles de refends, libérant les cellules de logements de toute structure porteuse. De plus, la charge d’exploitation des planchers courants est augmentée, permettant l’installation de programmes divers. Pour les mêmes raison de mutabilité dans les usages, les architectes ont proposé de rehausser de 1,5 m la première hauteur de parking en sous-sol, la rapportant à 4 m, pour potentiellement installer une superette, une laverie, une salle de sport ou tout autre programme qui n’a pas nécessité à avoir un éclairage naturel ; une proposition à 17€/m2 qui n’a pas été retenue. Quand à la production d’énergie (chauffage et ECS – 2€/m2), elle comprend le raccordement au CPCU (réseau de chaleur urbain), l’installation de panneaux solaires et la récupération de chaleur sur eaux usées. Enfin, l’enveloppe pourra être améliorée (108€/m2), aussi bien en terme d’usage que de thermique, notamment par l’ajout de jardin d’hiver sur les balcons, qui permettent une pièce en plus tout en servant de tampons bioclimatiques.

Des propositions de résilience dont le coût total d’investissement de l’anticipation en 2012 était de 286€/m2. Voici donc un bel exemple de projet « durable » où la pensée théorique a été savamment appliquée.

 

Amélie Luquain

 

 

 

Fiche technique :

Lieu : 138-140 boulevard Davout, Paris 20Maîtrise d’ouvrage : RIVP Maîtrise d’œuvre : Elizabeth Naud & Luc Poux, architectes associés BET TCE Structure, MEP and economist engineering, SAS Mizrahi Consultant environnement : Franck Boutté Programme : construction d’un immeuble de 68 logements sociaux, un local associatif et une crèche Labels BBC Effinergien Certification cerqual H&E profil A, option performance, Plan Climat de la Ville de Paris Surface SHON : 5600 m2 Montant : 12 M€ Livraison : 2017

Lauréat concours EDF Bas Carbone 2012 (Habiter la Ville Durable), mention spéciale prospective urbaine

 

Courtesy Naud&Poux / Schnepp-Renou

Gecina, acteur du 1% artistique

Gecina, acteur du 1% artistique

Jeudi 19 mai 2016 s’est tenue une soirée évènement autour de l’artiste JonOne au cœur du chantier de l’immeuble en rénovation au 55 rue d’Amsterdam, opération réalisée par Gecina.

Gecina_JonOne_performance

1 immeuble, 1 œuvre

Dans le cadre du programme « 1 immeuble, 1 œuvre » lancé par le Ministère de la Culture et de la Communication en décembre 2015, la société foncière immobilière Gecina, signataire de la chartre parmi 13 grands acteurs du secteur de l’immobilier, s’est engagée à commander ou acquérir une œuvre d’art auprès d’un artiste pour tout programme d’immeuble à construire ou à rénover. Soutenant la création contemporaine, Gecina commande à l’artiste de Street Art JonOne une œuvre exclusive qui intégrera les murs du 55 Amsterdam, actuellement en cours de rénovation.

 

55 rue d’Amsterdam, une restructuration lourde

Situé dans le 8e arrondissement, quartier de l’Europe, l’immeuble du 55 rue d’Amsterdam édifié en 1929 est totalement repensé par l’agence Naud et Poux Architectes. 12 350 m² d’espaces de travail neufs accueilleront 850 collaborateurs. L’opération de restructuration lourde de l’ensemble consiste en la redistribution des circulations verticales intérieures, la création d’un niveau total de locaux en rez-de-jardin (salles de réunion, restaurant…), la transformation contemporaine des façades des cours intérieures ainsi que de grosses reprises structurelles, notamment celle du plancher bas du rez-de-jardin existant. Enfin, une optimisation des apports de lumière naturelle sera optimisée par la pose de planchers de verre. L’immeuble, qui doit être livré en fin d’année, vise les plus hauts standards environnementaux avec les labélisations Well, Effinergie, BBC Rénovation et vise les certifications BREEAM Outstanding, Leed Platinium et HQE Renovation.

 

JonOne, exposer l’art urbain

Gecina_JonOne_performance

C’est donc au cœur du chantier du 55 rue d’Amsterdam qu’exposait éphémèrement JonOne, celui qui s’estime comme un précurseur ayant posé le Street Art comme un art reconnu en intérieur, entrant dans les musées. Exerçant depuis 28 ans en France, exclusivement sur toile, l’artiste a fait ses classes à New York : « J’ai commencé par peindre le métro de New York » nous dit-il. « Il faut imaginer que le métro est comme un musée qui bouge, c’est un lieu de communication idéal pour nous les artistes parce que les œuvres sont visibles par beaucoup de monde. Nos créations ne passent pas inconnues, elles ont un effet immédiat sur les gens » précise-t-il. L’évènement du 19 mai était donc centré autour de JonOne, l’occasion d’une exposition et d’une performance live haute en couleur. En effet, pour l’artiste issu d’un ghetto pauvre et « gris » de New York, la couleur est nécessaire à la vie ; elle a su le rendre heureux. De la même manière, selon lui, « l’art fait partie de la vie, les gens ont besoin de ça sinon la vie est plate ». Si la tentation est grande de rapprocher son travail de celui de Jackson Pollock, – du moins dans la finalité puisque les techniques différèrent au plus au point, JonOne préférant au jet de peinture l’art de la calligraphie -, à la question y-a-t-il un artiste qui vous inspire pour vos créations, il nous répond, sur de lui, « JonOne, moi-même ». Prochainement, pour l’artiste qui voit grand, peut être une exposition à Bordeaux ou à Beijing, en Chine.

 

Amélie Luquain