C’est une année très spéciale pour la Biennale d’architecture de Venise. Pour la première fois la cité du Vatican présentera sa propre soumission. Situé sur l’île de San Giorgio Maggiore, le pavillon du Saint-Siège emmènera les visiteurs dans un voyage à travers dix chapelles conçues par dix architectes internationaux sélectionnés par l’historien de l’architecture Francesco Dal Co. Ces chapelles seront démontables car le Vatican souhaite les reconstruire dans des localités qui n’ont pas de lieu de culte.
« Une visite aux dix chapelles du Vatican est une sorte de pèlerinage non seulement religieux mais aussi laïc. C’est un chemin pour tous ceux qui souhaitent redécouvrir la beauté, le silence, la voix intérieure et transcendante, la fraternité humaine d’être ensemble dans l’assemblée des hommes, et la solitude de la forêt où l’on peut expérimenter le bruissement de la nature temple cosmique. » explique le Cardinal Gianfranco Ravasi, Président du Conseil Pontifical pour la Culture.
« Des architectes d’horizons divers et d’expériences diverses sont venus à l’île de San Giorgio pour représenter cette incarnation du temple dans l’histoire, le dialogue avec la pluralité des cultures et de la société, et pour confirmer la catholicité qu’est l’universalité de l’Église. »
Le début du parcours sera marqué par une chapelle utilisant le bois comme matériau principal : le Pavillon Asplund de Map Studio. Conçue par les architectes Francesco Magnani et Traudy Pelzel, comme le prélude à un itinéraire d’exposition, cette architecture sera placée en début de circuit et incarnera l’essence de l’ensemble du projet. Cette chapelle s’inspire de la « Woodland Chapel » construite en 1920 par le célèbre architecte Gunnar Asplund au Cimetière Woodland de Stockholm. Pour ce projet, le fabricant designer italien ALPI a développé un matériau : le Xilo 2.0 utilisé pour couvrir toutes les surfaces de l’édifice. Les extérieurs seront couverts de 9000 bardeaux avec le motif en bois Xilo 2.0 « Planked Grey ». Véritable lieu d’orientation et de rencontre, à l’intérieur, la chapelle accueillera une exposition de dessins de Gunnar Asplund, accompagnée de documents et de maquettes illustrant le concept et la construction de la chapelle d’origine. Elle sera le seul artefact non religieux à exposer les dessins d’Asplund.
La chapelle de Foster + Partners, réalisée en collaboration avec Tecno, prendra la forme de trois croix symboliques et d’une terrasse en bois. La phase de conception a symboliquement commencé avec la fusion de trois croix enveloppées par des lattes de bois formant un voile attaché à la structure.
Située à proximité d’un lagon, la chapelle sera un lieu de contemplation et de méditation. Le revêtement en lattes de bois offrira un jeu d’ombres et de cadrage permettant d’apprécier la beauté naturelle de Venise.
« Notre projet a commencé avec la sélection du site. Lors d’une visite à San Giorgio Maggiore, près de la magnifique église de Palladio et du Teatro Verde, nous avons trouvé un espace vert avec deux arbres matures encadrant magnifiquement la vue sur le lagon. C’était comme une petite oasis dans le grand jardin, parfait pour la contemplation. Notre but est de créer un petit espace sanctuaire à l’ombre et retiré de la normalité des passants, focalisé plutôt sur l’eau et le ciel.» affirme Norman Foster, fondateur de Foster + Partners.
Peu connu en France, l’historien américain Vincent Scully s’est éteint à l’âge de 97 ans. L’Université de Yale, où il enseigna 60 ans, a annoncé la mort de son plus célèbre professeur d’histoire de l’architecture. Scully eut parmi ses étudiants de futures célébrités, comme Sir Norman Foster, Robert A.M. Stern, Richard Rogers, Maya Lin (l’architecte du mémorial honorant les soldats morts au Vietnam), et même, apprend-on à l’occasion de sa disparition, l’actrice Jodie Foster. Sa thèse de doctorat portant sur les liens reliant McKim, Mead and White et Frank Lloyd Wright, faisant apparaître des continuités entre deux œuvres que l’on jugeait en rupture. Une plongée dans une architecture du 19e siècle mal aimé qui ne le conduira pas à s’opposer à la démolition de la Penn Station, des mêmes McKim, Mead and White, dans les années 60. Une erreur qu’il reconnaîtra plus tard « comme bien des modernistes de l’époque, je ne pensais pas qu’elle valait la peine d’être sauvée. Tout devait être nouveau ». Repenti, il aura pour la gare moderne une formule assassine : « on entrait avant dans la ville comme un dieu, on en détale maintenant comme un rat ».
Ami de Philip Johnson, Scully a aussi été un fervent soutien de Louis Kahn et de Robert Venturi, écrivant pour ce dernier la préface de « Complexité et contradiction en architecture », qu’il présentait lors de sa parution comme l’ouvrage le plus important depuis « Vers une architecture». Leur plaidoyer pour la réintroduction de l’ornement et de l’ironie, pour la multiplicité des formes en architecture, et d’une façon plus générale, son rejet croissant de l’orthodoxie moderne, valu à Scully d’être associé au post-modernisme, a son grand dam, rappelle Richard Woodward dans les colonnes du New York Times. « Tout dans le passé attend, attend d’exploser », disait Scully. La traduction dans la langue de Molière de ses ouvrages phares, encore à faire — American Architecture and Urbanism, The Villas of Palladio, Modern Architecture – the Architecture of Democracy — aidera peut-être à allumer la mèche de nouvelles bombes historiques de ce côté de l’Atlantique._Olivier Namias
2016 2017 Bilan et perspectives architecturales : OMA, BIG, Herzog et de Meuron, Snøhetta, Zaha Hadid en 2016. Heatherwick, Norman Foster, MAD, encore Snøhetta, BIG, Zaha Hadid pour 2017. Nouveaux matériaux. L’université d’architecture de Pyongyang. Orthodoxisme vs Constructivisme
2016, année terrible ?
Le 31 décembre à 23:59, beaucoup se préparaient à pousser un soupir de soulagement au moment de laisser derrière eux une année laissant une impression de malheur assez partagée. Attentats, disparitions des stars comme Bowie, Prince, Leonard Cohen, Georges Michael et Zaha Hadid, dont la mort parait presque occultée par celles des étoiles de la musique pop/rock. L’ombre de ces poids lourds aura caché le départ de Kenneth Snelson, sculpteur émule de Buckminster Fuller, ou de Luigi Caccia-Dominioni figure du modernisme italien parti à l’âge Niemeyerien de 103 ans. Faut-il pour autant en conclure que 2016 fut une annus horribilis pour l’architecture ? Non, selon Wired, par exemple, qui cite les 25 chefs-d’oeuvre qui prouvent, bâtiments à l’appui, que l’année passée fut incroyable sur le plan architectural. Parmi la sélection du magazine anglais, qui recoupe celles d’autres sites spécialisés, le Faena Forum de OMA (Miami), l’immeuble de logement sur la 57e rue, à New York, par BIG, la philharmonie d’Hambourg et la New Tate d’Herzog et de Meuron, le SFMOMA, extension du MOMA de San Francisco par Snøhetta, ou le port house d’Anvers, par la défunte Zaha Hadid qui n’aura pu assister à l’inauguration, comme elle manquera à l’inauguration des nouveaux projets gagnés par l’agence après son décès, plus d’une dizaine, selon son attaché de presse.
Via 57 West, apartments soaring 467 feet, redrew Manhattan’s western skyline. Credit Philip Greenberg for The New York TimesOMA, Faena Forum, Miami. Photos Iwan Baan via WiredZaha Hadid Architects, The Port House, Antwerp. Photos HUFTON & CROW via Wired
À venir en 2017
Malgré la mort régulièrement annoncée de la starchitecture, l’année qui vient sera féconde en architecture spectaculaire. Dezeen recommande tout particulièrement de guetter la livraison de dix bâtiments phares, dont le Zeitz Museum of contemporary art africa, reconversion de silos à grain de Cap Town dirigée par le Heatherwick Studio, le centre Roi Abulaziz pour la culture mondiale, l’un des plus gros projets de Snøhetta, ou le Campus Apple de Sir Norman Foster. De son côté, la BBC recommande de garder un œil sur le musée de la Deuxième Guerre mondiale à Gdansk (Design Engine architectes), la controversée reconstruction à l’identique de la tour de l’Église de Postdam, suivant les plans établis par Phillip Gerlach en 1730, les bâtiments de l’exposition universelle de 2017 à Astana, Kazakhstan, ou le polercoaster, une tour fête foraine d’Orlando, munie de toboggans et grand huit garantissant une descente rapide et mouvementée du sommet de cette structure dessinée par Bill Kitchen’s US Thrill Rides. Pour CNN, la maison du LEGO (BIG), les tours du Huangshan Mountain Village de MAD (Anhui, Chine), le centre Botin (Renzo Piano, Santander), l’immeuble de logement du 520 de la 28e rue Ouest et la gare TGV de Naples-Afragola, un bâtiment lombric signé comme le précédent par Zaha Hadid, seront parmi les édifices remarquables de cette année qui débute.
Apple Campus 2, USA, by Foster + Partners via DezeenThe WWII museum in Gdańsk is supposed to tell the story of the impact of the conflict on ordinary people (Credit: Design Engine Architects) via BBCLEGO House, BIG, Billund via CNN
Quatre matériaux pour une nouvelle année
Du côté des matériaux, il faudra compter sur Shotcrete, affirme Worlbuilding 365. Développé par des chercheurs de l’université de Nebraska-Lincoln, ce béton possède la capacité d’absorber et de refléter les ondes électromagnétiques. 2017 sera aussi l’année des aérogels, une invention déjà ancienne qui devrait prendre son essor dans les prochains mois, pour exploser jusqu’à atteindre une part de marché de 612 millions d’US $ d’ici 2020. 200 fois plus résistant que l’acier, le graphène sera un autre matériau futuriste à surveiller. La production d’un gramme de ce nanomatériau inventé voici 12 ans s’élevant à 500 US $ le gramme, son futur proche se déroulera à l’état d’adjuvant plutôt que de bloc massif. En comparaison, la « cool brick », brique rafraîchissante réalisée par impression 3D semble ouvrir un horizon plus accessible, mettant le futur quasiment à portée de truelle.
Architecte, et depuis le premier janvier, Chevalier, tel est le destin de David Adjaye, qui vient d’être anoblit par Sa Majesté Élisabeth II à l’occasion de la promotion de Nouvel An. Cette consécration incite à rechercher les Adjaye de demain. Pour The Guardian, ils répondent au nom d’Interrobang, nom valise formé de la réunion du point d’exclamation et du point d’interrogation « qui suggère aventures et questionnement », explique l’un des trois associés de cette agence qui a pour credo les pensées « hybrides » et « non spécialisées ». Webb Yates Engineers, Orkidstudio, Concrete action et Adam Nathaniel Furman sont aussi des agences à suivre.
En France, les nouveaux architectes jouent collectifs, explique M le magazine du Monde, même si le seuil de réunion, commençant à deux architectes, permet à beaucoup d’agences ayant plus d’un associé de rentrer dans cette catégorie. Peu importe, avec ces jeunes architectes, s’en est fini de l’architecte diva « le concept mégalo pourrait bien s’éteindre avec eux (Nouvel ou Gehry, NDLR), tant l’époque est aux égaux lissés ». Lissés au risque de la transparence, craint même la journaliste. Les figures de cette nouvelle vague ont pour nom Cigue, Bruther, Festen, Studio KO, et semblent partager un certain goût pour le minimalisme. « Fini l’architecture ostentatoire et iconique aujourd’hui symbolisée par le Qatar, l’heure est à l’économie de moyens, à l’intérêt pour l’environnement local, à la création de valeur. Une philosophie résumée par la formule “More with less”, variante du célèbre “Less is more” de Ludwig Mies van der Rohe, directeur du Bauhaus de 1930 à 1933. “Faire mieux avec moins”, c’est l’antienne du duo Festen : “La simplicité, le dépouillé, n’utiliser que des matériaux qui font sens avec l’histoire du lieu, c’est tout ce qui nous intéresse” . Un bémol pourtant dans ce manifeste de frugalité, à l’exception de Bruther, les projets traités semblent regarder vers le haut de gamme : hôtel 5 étoiles les Roches Rouges pour Festen, pour le Studio KO d’autres hôtels de luxe et le musée Yves Saint-Laurent de Marrakech, dont l’inauguration est programmée en 2017. Le décalage entre l’économie de moyen proclamée et le prestige des programmes incite à se demander si les maîtres d’ouvrage n’auraient pas leur propre maxime percutante, style « less is more in my pocket » ?
Les membres fondateurs du collectif d’architectes Ciguë, qui dessine notamment les boutiques d’Aesop. Maris Mezulis Via M le magazine du MondeStéphanie Bru et Alexandre Theriot, de l’agence Bruther, revendiquent une démarche pragmatique et fonctionnelle, visible au Dôme, à Caen Via M le magazine du MondeLe duo de Studio KO – Karl Fournier et Olivier Marty – s’est imposé à l’étranger. Après avoir rénové le Château Marmont à Los Angeles, ils termineront en 2017 le Musée Yves Saint Laurent, à Marrakech. N. Manalili/Studio KO/Fondation Pierre Bergé-Y. Saint Laurent Via M le magazine du Monde
Pyongyang, tendances 2017
L’architecture semble tenir une place toute particulière dans le coeur du nouveau maître de la Corée du Nord. Pour accomplir le renouveau souhaité par Kim Jong un, Ma Won-Chun, que l’on présente comme le cerveau architectural du grand leader, a fait de son ancienne université un fer de lance. « L’université d’architecture de Pyongyang a apporté de nombreux fruits à divers projets avec la conception d’édifices monumentaux durant cette année de grande importance en raison de l’organisation du 7e Congrès du Parti du travail», a rapporté la radio nord-coréenne en mettant en lumière le statut renforcé de cet établissement depuis l’arrivée au pouvoir de Kim Jong-un ». Souhaitant se démarquer des anciens gouvernements – dirigés par son père et son grand-père – « le régime de Kim Jong-un s’efforce de bâtir de grands édifices partout dans le pays », ce qui se traduit par des tours de trente étages le long de la rue Ryomyong, artère qui mène au palais présidentiel. Kim Jong-un semble faire fi du fameux adage autrefois éprouvé par Ceaucescu « Dictateur bâtisseur, dictateur battu ».
Parmi les projets qui devraient sortir de terre en 2017, cette maison de Taiwan à laquelle l’agence hollandaise MVRDV a donné la forme de la 25e lettre de notre alphabet. Un parti qui étonne BFMTV : « Outre son architecture, l’autre particularité de la Y House est sa ressemblance avec un morceau d’emmental. La maison est recouverte de fenêtres circulaires. Pas seulement sur les façades, mais également à l’intérieur même de la villa, dans les escaliers. Un moyen efficace de faire circuler la lumière et les flux d’énergies Feng shui. Une signature également du cabinet néerlandais. En effet, aux Pays-Bas, pays protestant, il n’est pas pour habitude de mettre des rideaux aux fenêtres. En créant des ouvertures rondes, les architectes empêchent ainsi les futurs propriétaires d’en mettre aux fenêtres, au risque de dénaturer la beauté du lieu ». Pour les mêmes raisons, l’architecte s’est abstenu de mettre son projet-fromage sous cloche.
Respectivement premier et deuxième producteurs de cuivre de Russie, les oligarques Andrei Kozitsyn (UMMC) et Igor Altushkin (Russian Copper Company) veulent faire cadeau à la ville d’Ekaterinenbourg d’une basilique orthodoxe de style XVIe siècle, époque ou cette ville de fondation créée en 1723 n’existait pas encore. L’anachronisme n’est pas le seul souci de cette cathédrale Sainte-Catherine, que les deux « bienfaiteurs » veulent construire sur un étang pour lui donner plus de visibilité. Quitte à écraser le stade Dynamo, un bâtiment constructiviste, style aujourd’hui prisé des citoyens de la ville. « Architectes et intellectuels se sont mobilisés contre les plans des mécènes, craignant que ce “corps étranger” n’altère la perception du centre d’Ekaterinenbourg, caractérisé par la présence abondante d’architecture constructiviste, ici préservée comme ensemble à la différence des autres villes russes, où l’héritage des années 20 est plus fragmenté ». Les citoyens réclament l’inscription du centre-ville au patrimoine mondial de l’humanité, mais pèsent de peu de poids face aux pressions conjuguées des oligarques et l’église orthodoxe sur les autorités et les médias locaux – un journaliste opposant au projet a été licencié de son journal. Estimés à 95 millions d’euros, les travaux ont été approuvés par la région et commenceront en 2017, au grand dam de la population. « Les deux bienfaiteurs ne veulent pas une simple église, mais une église exceptionnelle, et veulent la construire sur l’eau parce qu’ils ne voient pas de meilleur emplacement pour cela. Autrefois, on considérait que la majorité avait raison. Aujourd’hui, nous vivons dans une autre société, où ce n’est plus la majorité qui a raison, mais bien une minorité talentueuse concentrant les moyens financiers, et il semble que nous ne sommes pas prêts à respecter les décisions de cette minorité » regrette Vladimir Puzenkov, directeur de la société qui batiera l’église. Ensemble ou séparément, Kozitsin et Altushkin ont financé la construction de dizaines d’églises, jusqu’en Tchétchénie ou à Londres. « Les bienfaiteurs (toujours Kozitsyn et Altuschkin) sont des gens qui arrivent toujours à leurs fins, tant dans le mécénat que dans les affaires», explique Puzenkov. À Paris, nous avons déjà une église orthodoxe grotesque : souhaitons que cela calme les ardeurs de ces deux grands altruistes.
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