Imaginé par l’agence québécoise Nature Humaine, le Soufflet est un projet de réhabilitation destiné à moderniser un ancien édifice commercial de la rue Baubien à Montréal. Le programme reste inchangé et les différents usages commerciaux viennent se superposer à l’intérieur des murs. Doté d’une extension caractérisée par une toiture monolithique, le soufflet est un savant mélange entre réinterprétation de l’existant et cadrage de vues.
L’idée conceptuelle de l’agence pour élaborer ce projet était d’accorder une importance particulière au contexte de l’édifice, à savoir le Parc Molson. Il était donc essentiel de pouvoir offrir des vues panoramiques sur ce dernier. La réponse à cette problématique va ainsi devenir le point caractéristique du projet et même lui donner son nom : une série de brises-soleil installée sur le toit inspirés des anciens appareils photo à soufflet.
Cette rétinterprétation contemporaine de la pergolas – matérialisée par une structure noir en acordon – permet d’inscrire le projet dans son environnement en lui conférant une échelle similaire à celle de ses voisins afin de se positionner dans la continuité du paysage urbain.
Pour plus de profondeur et de matière, un jeu de relief dans l’appareillage des briques de la façade a été mis en place couplé à une série de fenêtres.
A l’intérieur, les bureaux du troisième l’étage s’organisent selon une typologie longitudinale avec en avant la salle de conférence bénéficiant d’une vue sur la terrasse, la réception et les espaces de circulation – naturellement éclairés par des puits de lumière – prennent place au coeur de l’édifice.
Pour évoquer le passé du lieu et le souvenir de son temps, plusieurs lampes d’origine ont été réutilisées contrastant tout en subtilité avec les lignes minimalistes des nouvelles suspensions.
Plaqués de chêne blanc, les rangements des bureaux transpercent les cloisons vitrées, dévoilant ainsi la perception d’une trame régulière depuis le couloir.
Enfin, l’ajout de couleurs vives rehausse les tonalités monochromes de l’ensemble. Le bloc bleu renferme les services, tandis que le rouge vif irradie l’escalier d’issue.
Twelve Architects transforme une prison du XVIIIe siècle abandonnée et infestée de chauves-souris à Cornwall, en Angleterre, en un hôtel et une attraction touristique.
Le studio basé à Londres a été mandaté par Interstate Europe Hotels pour transformer la prison de Bodmin. Le projet de plusieurs millions de livres verra la restauration du bâtiment classé Grade II grâce à la réhabilitation du lieu en un hôtel de 63 chambres destiné à devenir une attraction touristique.
Les invités pourront dormir dans les anciennes cellules, qui seront ouvertes pour créer des dortoirs moins exigus qu’autrefois.
Conçu par l’ingénieur britannique Sir John Call et construit en 1779, la prison de Bodmin fut un site d’incarcération et d’exécution pendant près de 150 ans jusqu’à sa fermeture en 1927. Plus de 50 pendaisons publiques ont eu lieu à la prison.
Avec son passé horrible, la prison est censée être hantée sans surprise, mais l’architecte principal Hannah Baker n’a pas eu d’observations spectrales tout en travaillant sur le projet. Les plus grands défis de ce nouvel espace hôtelier se concentrent principalement sur la restauration du bâtiment ruiné et partiellement démoli.
« Ils ont essayé, assez largement, de le faire exploser dans les années 30 pour le déconstruire à des fins de récupération, mais ils n’ont pas eu beaucoup de succès car les murs sont assez bien construits« , a déclaré l’architecte. Le toit a été enlevé et les sols se sont tous décomposés après avoir été exposés aux intempéries de la région pendant si longtemps, mais la majorité de la structure est restée intacte.
« La forme actuelle et la forme originale du bâtiment sont très semblables« , a t-elle ajouté. « Il y a quelques murs manquants, donc nous reconstruisons ceux qui utilisent la brique plutôt que la pierre, puis restituons le dessus, donc c’est une intervention vraiment claire entre l’ancien et le nouveau. »
Twelve Architects reconstruira le toit avec du verre, de sorte que l’intérieur de l’atrium soit moins sombre et présomptueux qu’il ne l’aurait été dans son incarnation précédente. À l’intérieur, les architectes ont eu du mal à comprendre la disposition originale exacte du bâtiment.
« Il y a des informations, mais elles ne sont pas facilement disponibles car il est assez difficile d’obtenir des plans de prison« , a t-elle poursuivi.
La population de chauves-souris, qui a élu domicile, est également un facteur de complication dans la rénovation. Jusqu’à neuf espèces de chauves-souris, y compris des fers à cheval plus grands et mineurs et les Pipistrelles miniatures, ont utilisé les ruines comme sites d’accouplement et de repos.
Le Narkomfin, ensemble de logements moscovite, renaît lentement de ses cendres après avoir été longtemps laissé à l’abandon. Malgré un grand nombre d’appartements vacants, ce symbole du constructivisme soviétique avait toujours été habité, mais son entretien laissait à désirer. Aujourd’hui, le petit-fils de l’architecte du Narkomfin est en charge de sa rénovation.
1928. La société soviétique vit au rythme du stalinisme. Une société dont les habitudes de vie sont modelées par la pensée communiste, qui influence aussi l’architecture. Les architectes Moïseï Ginzbourg et Ignaty Milinis sont mandatés par le Ministère des Finances pour réaliser quatre ensembles de logements pour leurs employés. Le projet, pourtant amputé de deux bâtiments sur quatre, est terminé en 1932. En béton armé et sur cinq étages, le Narkomfin est entouré d’un parc. Le rez-de-chaussée devait initialement laisser place à un espace végétal, et le bâtiment était supporté par de larges pilotis noirs. Cependant, quelques années après, on y construira des bureaux et d’autres logements, pour rentabiliser l’espace… Les appartements, dont l’accès se fait uniquement aux couloirs des étages 1 et 4, sont en duplex. Un salon en double hauteur offre une grande luminosité, alors que les chambres sont plus basses de plafond. Une configuration qui fait écho aux unités d’habitations que Le Corbusier construira dans ses Cités radieuses françaises, une vingtaine d’années plus tard.
Cette architecture radicale et fonctionnelle répond aux attentes du constructivisme. Icone de l’architecture soviétique des années 1920, le Narkomfin concrétise des idées théoriques bien arrêtées sur la vie communautaire. Au delà de logements, il met à disposition de ses habitants des cuisines collectives – aucun logement n’en possède à titre individuelle – , une crèche, une salle de sport, des terrasses et toit partagés… Ces nouveautés offrent un luxe indéniable aux habitants ! Mais ce mode de vie utopique est confronté à la réalité, et le Narkomfin tombe vite en désuétude. Les 54 unités de logements sont abandonnées aux fils des ans. La faute à une architecture qui influe -trop- sur les modes de vie des habitants ?
Le nombre important de propriétaires et l’absence de copropriété empêchait l’avancement des projets de réhabilitation. En 2016, la société Liga Prav achète 95% du bâtiment et confie la restauration à Alexeï Ginzbourg, qui n’est autre que le petit fils de l’architecte de l’époque. Il souhaite redonner une lecture d’origine à ce bâtiment. Et c’est en libérant le rez de chaussé de ses artifices qu’il commence. Il restaure l’idée originelle du projet, en ayant une vision globale de l’ensemble du Narkomfin. Un projet qui modifiera sans doute les plans initiaux du projet. En effet, les normes de sécurité ont bien évolué en 80 ans, et il faudra très probablement se plier aux nouvelles réglementations, tout en gardant l’esprit souhaité par les architectes fondateurs. Alexeï Ginzbourg, qui espère que la rénovation sera terminée d’ici l’année prochaine, souhaite ainsi donner un exemple de réhabilitation pour les autres bâtiments emblématiques de l’air soviétique tombés dans l’oubli.
Les agences bruxelloises Ney & Partners et Sunsoak Design réhabiliteront un immeuble tertiaire du centre de Bruxelles. Leur projet superposant une structure solaire sur une architecture des années 70, montre que la prise en compte des problématiques énergétiques peut aussi être l’occasion d’expérimentations architecturales.
Le temps passe à Bruxelles comme ailleurs, et les édifices apparus lors de la modernisation brutale de la capitale de la Belgique — baptisée « bruxellisation » dans sa version locale — vieillissent et doivent à leur tour faire l’objet de rénovations. C’est le cas de cet immeuble de bureau de 8 niveaux construit dans les années 70 le long de l’avenue du Jardin Botanique, en bordure de Bruxelles, la commune qui a donné son nom à cet ensemble plus vaste formant le Grand Bruxelles. Un emplacement stratégique qui a justifié l’organisation d’un concours d’architecture restreint pour la réhabilitation du bâtiment, consultation dont l’association d’agence Ney & Partners et Sunsoak Design est sortie lauréate. Le projet est clément avec l’existant : le tandem d’agences basées à Bruxelles redonne à ce projet moderne une dimension classique en lui restituant base et couronnement. L’application d’un vitrage de 6,50 m servant de vitrine aux commerces du rez-de-chaussée et premier niveau forme un socle terminant sur une grande verrière. C’est cependant au sommet de l’immeuble que se trouve la partie la plus spectaculaire du projet : une toiture photovoltaïque est lancée comme un dais entre deux portiques. Le module des fenêtres existantes forme le corps de cet ensemble qui assume dès lors une dimension monumentale. Le béton préfabriqué de la façade sera repeint et équipé de nouveaux châssis conservant la finesse des menuiseries d’origine.
Que cette métamorphose passe par un travail d’ingénierie ne doit rien au hasard. Fondée par, l’architecte et ingénieur Laurent Ney, l’agence Ney & Partners s’est illustrée dans la construction d’ouvrages d’art. Elle a notamment réalisé le pont de Temse, en Belgique, et travaille actuellement sur une passerelle à Poissy, ainsi que sur le doublement piéton du viaduc ferroviaire d’Albi. Cette appétence pour la structure se retrouve dans les deux portiques de 10 et 9 mètres de haut portant la couverture photovoltaïque. Ney & Partners a prévu qu’ils soient composés de caissons en acier appuyés sur le bâtiment par l’intermédiaire d’une poutre de répartition posée sur un plat en acier et des appuis Néoprène. Aucun effort latéral induit par la couverture ne sera transmis à la structure existante.
Spécialisée dans l’intégration du photovoltaïque a l’architecture, l’agence Sunsoak s’est chargée de l’étude des ouvrages solaires, intégrés à une couverture dont la géométrie est déduite de l’équilibre des forces entre les deux portiques, qui tient lui-même compte du rétrécissement de la terrasse en fond de parcelle. Des « haubans » constitués de caissons continus en tôle acier peinte portent un ensemble de panneaux BIVP, encapsulant les cellules de silicium dans un verre feuilleté de sécurité. Le calepinage du dais a été pensé pour limiter le nombre de pièces biaises ou uniques résultant de la géométrie inégale de la toiture du bâtiment. Les 800 m2 de cellules solaires devraient assurer 30 % de la production d’électricité du bâtiment, actuellement occupé par un centre de formation.
Cette solution présente de nombreux avantages par rapport à la pose classique de panneaux photovoltaïques directement sur la toiture-terrasse. Flottant au-dessus du toit, l’ouvrage solaire n’a plus à tenir compte des émergences de toitures qui viendraient l’interrompre. Les panneaux solaires servent aussi d’ombrière à une terrasse ouverte sur Bruxelles, un espace accessible aux usagers des bureaux. Les émergences techniques sont intégrées dans l’aménagement planté de cette toiture-terrasse. Les architectes voient leur projet comme un totem symbolisant la transition post-COP21, la décentralisation de la production énergétique qui se rapproche de son lieu de consommation, voire s’y superpose. C’est aussi la démonstration que la production énergétique, quand elle s’intègre correctement à l’architecture, peut produire de nouveaux espaces en renouvelant les formes.
Comment créer un lieu inédit, en plein cœur de Paris, dans un bâtiment classé ? Comment faire pour que les volumes contemporains soient à la fois modulables et en harmonie avec le patrimoine existant, qui doit être respecté ? Une question que l’architecte néerlandais Rem Koolhaas a saisie, et dont il nous livre une réponse avec le bâtiment de Lafayette Anticipations, en plein Paris.
Photographies : Delfino Sisto Legnani and Marco CappellettiPhotographies : Delfino Sisto Legnani and Marco Cappelletti
Inauguré le samedi 10 mars dernier, les locaux de Lafayette Anticipations se situent en plein coeur du Marais parisien. Ils s’inscrivent dans un ancien bâtiment industriel, en pierre. Classé, il s’accompagne de bons nombres de contraintes. Ce qui n’a pas fait peur à l’agence OMA, puisque, rénové à l’identique et conservant ses proportions d’origine, le projet promet de devenir un nouveau symbole pour l’empire Lafayette. Cela fait 5 ans, depuis 2013 et la création de Lafayette Ancipiation, que l’on attendait son ouverture. 3 ans après le début des travaux, la réhabilitation de cet immeuble parisien par l’agence d’architecture OMA, et son architecte phare Rem Koolhaas, dévoile son architecture. Une architecture discrète mais radicale : invisible depuis la rue, mais marquante par sa verticalité une fois qu’on y pénètre.
Il ne s’agissait pourtant pas de construire un énième musée contemporain, dans une ville qui déborde de lieux culturels. La fondation n’est pas un écrin pur où l’on viendrait uniquement observer une collection. C’est une boite à outil pour les artistes d’aujourd’hui. Lieu pluridisciplinaire, Lafayette Anticipations mélange art, mode et design. Il se veut aussi lieu de rencontre et d’échange, de production et de création… Guillaume Houzé est aujourd’hui à la tête de ce projet. Arrière-arrière-petit-fils du fondateur des Galeries Lafayettes, il souhaite participer à cet engagement qui lie la création et le public, comme les Galeries l’ont toujours promu. Sa passion pour l’art, c’est une histoire de famille, que Guillaume Houzé tente de faire perdurer à travers ce nouveau concept. Souhaitant un lieu hybride, il fait tout naturellement confiance à Rem Koolhaas, habitué à la question de la pluridisciplinarité et de la modularité d’un espace.
Photographies : Delfino Sisto Legnani and Marco CappellettiPhotographies : Delfino Sisto Legnani and Marco Cappelletti
Le rez de chaussée est ouvert au public, et fait le lien entre les rues Plâtre et Sainte-Croix-de-la-Bretonnerie : un lieu de passage, qui favorisera, on l’espère, la rencontre entre la culture et le grand public. L’espace réhabilité de 2 200 m² comprend, sur quatre niveaux : des salles d’expositions, une boutique et un café. Le sous-sol est complètement destiné à la production : 400 m² de machines et divers ateliers, dédiés aux artistes et à la création artistique !
Le clou du spectacle ? La tour de verre et d’acier de 20 m de haut, que Rem Koolhaas a imaginé dans la cour intérieur du bâtiment. Il s’agit d’une structure métallique composée de 6 poteaux, sur lesquels sont fixées des crémaillères (tige métallique crantée) ainsi que 2 plateaux, qui seront modulables au grès des envies et des besoins artistiques. Chaque plateau peut être divisé en 2, donnant 4 plateformes mobiles. En tout, 49 configurations différentes sont possibles, afin que la tour s’adapte à la création, et non l’inverse !
Photographies : Delfino Sisto Legnani and Marco Cappelletti
C’est finalement la contrainte du patrimoine classé qui a poussé OMA à penser autrement et à raisonner d’une manière différente pour la conception de ce projet. L’envie d’un espace de rencontre entre artistes et publics, entre expositions et productions, permettra sans doute de générer de la curiosité, et de mettre en valeur le travail réalisé par les artistes sur place.
Lafayette Anticipations,
9 Rue du Plâtre
75004 Paris
Rouen, la ville aux cents clochers. C’est à s’y perdre et à s’en mélanger les pinceaux, tant le nombre d’églises dans cette ville Normande est impressionnant. Encore en usage, ou désaffectées, certaines attendent patiemment qu’on leur donne un nouvel essor. Depuis 2016, c’est chose faite pour la Chapelle Corneille, devenue Auditorium de Région, sous les coups de crayons de l’atelier d’architecture King Kong, qui vient de recevoir le Prix de la reconversion Patrimoniale 2018 pour cette réalisation.
Un patrimoine à valoriser !
Au XVIIe siècle, on construit de nombreux édifices religieux dans la ville : monastères et couvents, églises et chapelles… C’est l’époque de l’art gothique, qui caractérisent de nombreuses édifices religieux rouennais. Parmi eux, la chapelle dite Corneille, réalisée par l’architecte François Derand, ne sera construite qu’en partie, faute d’espace et de moyen. Elle sera tout de même construite, avec ses voûtes en croisés d’ogives, de gros contreforts à l’intérieur, qui reprennent les forces exercées par le volume. Manquent à l’appel les chapelles latérales à l’avant du bâtiment.
En 2004, la Région Normandie annonce sa restauration qui durera près de 11 ans ! Elle lance également un appel à projet, afin de réaliser une nouvelle salle de concert dans ce lieu atypique. Un changement de programme et une réhabilitation, qui n’a pas fait peur aux 5 équipes d’architectes qui avaient soumis leurs idées au jury de la Région.
Crédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric PeltierCrédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric Peltier
La chapelle devenue lieu culturel
L’absence des chapelles latérales de la chapelle ont finalement permis de travailler un espace public au devant du bâtiment, et sur ses côtés. L’emmarchement redonne à la chapelle un parvis, et la met ainsi en valeur dans le tissu urbain dense de la ville de Rouen. Le dénivelé existant entre la route et le sol de l’édifice a été utilisé afin d’y glisser les espaces d’accueil au public. On entre ainsi par le sous-sol, afin de monter, petit à petit, dans une architecture baignée de lumière. L’auditorium de 600 sièges prend place au coeur de la chapelle, dont les principales caractéristiques ont été conservées. La réhabilitation de ce monument historique lui attribue une seconde vie, et le donne à voir au public.
Crédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric PeltierCrédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric Peltier
L’impressionnant lustre de 6,5 mètres, placé stratégiquement à la croisée de la nef et du transept, valorise à la fois la verticalité de l’espace, mais permet aussi d’ajuster les qualités sonores du bâtiment. Grâce à une lentille convexe, située au coeur de l’ouvrage, le son se répercute et se dirige vers les artistes et le public.
Crédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric PeltierCrédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric Peltier
Quand le contemporain se mêle au patrimoine
Inscrire un projet contemporain, dans un édifice du patrimoine, qui plus est classé, n’a pas été chose aisée pour l’atelier d’architecture King Kong. C’est le soucis du détail qui a permis à l’édifice de conserver sa signature historique, tout en étant emprunt de contemporanéité. Un peu plus de deux ans après son ouverture au public en 2016, et malgré l’avis divergeant des aficionados de musique baroque, l’architecture du lieu est valorisée, et l’auditorium de la Chapelle Corneille est aujourd’hui à nouveau primé par le Palmarès d’Architecture et d’Aménagement de la Seine-Maritime et reçoit le prix de la reconversion Patrimoniale 2018.
Crédits photographiques : atelier d’architecture King Kong – photos Eric Peltier
Qui aurait cru, 132 ans après la publication du Germinal d’Emile Zola, que les noirs corons puissent un jour devenir patrimoine ? Frappé de plein fouet par la désindustrialisation, le bassin minier du Nord est en pleine revitalisation. Si le Louvre-Lens de Sanaa constitue une opération phare, c’est aujourd’hui à 25km à l’ouest que les petites maisons rouges de la Cité des Électriciens de Bruay-la-Buissière font peau neuve. En décembre, centres d’interprétation, résidences d’artistes et gîtes d’étapes conçus par Philippe Prost consacreront la mue de cet ancien coron.
Archétype de la cité minière du XIXe siècle, la Cité des Electriciens de Bruay-la-Buissière, dans le Nord-Pas-de-Calais, appelée ainsi en référence aux noms de ses rues, est construite par la compagnie des mines entre 1856 et 1861.Témoignage de l’habitat des familles de mineurs, ces 37 logements sont nés d’une révolution industrielle qui a radicalement bousculé le paysage existant. « L’implantation de la mine a urbanisé des secteurs agricoles qui ne l’étaient pas, et a transformé durablement le paysage qui a vu apparaitre fosses, chevalets, terrils et cités », précise Isabelle Mauchin, responsable de la Cité des Électriciens au sein de la Communauté d’agglomération. Fleuron et fierté des habitants, la mine reste aussi un traumatisme, la fermeture des puits entrainant la récession économique. Sur les 120 km de long et 12 km de large du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, les séquelles liées à trois cents ans d’activité restent palpables et lisibles sur le territoire. Ses constructions sont le marqueur d’une mémoire douloureuse. De ce patrimoine en déshérence, faut-il conserver les ensembles de vilains et communs corons ? Les habitants, dans une situation sociale difficile, ont longtemps eux la volonté d’effacer cette page. Mais en 2007, le tournage de quelques scènes de Bienvenue chez les Ch’tis rend la cité populaire. En 2012, le classement au patrimoine mondial de l’UNESCO du bassin minier du Nord-Pas-de-Calais achève de changer la donne. La Cité des Électriciens, un des plus ancien coron des Hauts de France, fait partie des cinq cités-pilotes labélisées au titre de « Paysage culturel évolutif vivant ». Ce classement implique que le territoire ne sera pas mis sous cloche, ni figé ni muséifié, mais qu’il sera nécessaire de l’accompagner dans sa mutation. Cette même année 2012, la Communauté d’agglomération de Bruay-Béthune lance une consultation pour la réhabilitation du site, remportée en 2013 par l’atelier d’architecture Philippe Prost. En préservant l’existant et en lui affectant de nouveaux usages, le projet de l’architecte conserve et adapte ce patrimoine ordinaire, que les acteurs locaux qualifient de « monument du quotidien ».
Habiter le patrimoine ordinaire
Ces humbles bâtiments aux abords délaissés et progressivement abandonnés étaient organisés selon un plan masse orthogonale ; cinq longères sont disposées à la perpendiculaire d’un corps central transversal. Ils appellent une affectation en rapport avec leurs identités, à savoir, un équipement muséographique, le centre d’interprétation de l’habitat et du paysage miniers réparti entre deux bâtiments, l’un restauré, l’autre contemporain. Il est assorti de résidences d’artistes, d’ateliers pédagogiques et de gites d’étapes touristiques, égrenés dans les bâtiments existants en fonction de leurs capacités respectives. Aussi, les annexes fragiles que l’on appelle carins – qu’on pourrait assimiler à des abris de jardins – sont restaurées afin d’accueillir de petits lieux insolites comme un espace de restauration, un sauna, etc.
1 – 1856-1861 : construction de la cité n°2 par la compagnie des mines de Bruay
2- 1880-1890 : construction des carins dans les jardins
3 – 1910 : construction de baraquements pour abriter les ménages réfugiés
4 – 2017 : réhabilitation de la Cité des Electriciens, création du centre d’interprétation du paysage et de l’habitat minier
La Cité des Électriciens est fondée sur d’anciennes carrières de marnes. Il a donc fallu au préalable consolider le sous-sol afin d’éviter tout risque d’effondrement, une tache ardue puisqu’il n’existait aucun plans des galeries souterraines, explique Philippe Prost. L’ensemble des espaces extérieurs, pensé avec les paysagistes de l’Atelier FORR, reconstitue le parcellaire des jardins à partir des traces encore visibles. « La trame ancestrale des potagers est exhumée pour redessiner le paysage alentour » attestent-ils. Sur une parcelle faisant parie intégrante de l’histoire du site, puisque située à l’exact emplacement d’un des baraquements construits en 1910 pour l’accueil des réfugiés de la Grande Guerre et démolis cinquante ans plus tard, le centre d’interprétation est logé, pour sa partie paysage, dans une construction neuve. D’expression contemporaine, il reprend le gabarit du corps central ainsi que la partition structurelle de ses murs de refends. La forme iconique du toit à deux pentes est détournée au profit d’un monolithe recouvert d’une carapace de tuile de parement vernissée rouge, posée sur une ossature bois et métal. Les refends transversaux se retrouvent eux sous forme de failles vitrées continues du mur au plafond, scandant l’espace muséographique tout en lui apportant de la lumière naturelle. En bordure de terrain, il cadre des vues d’un coté sur le lointain terril, de l’autre sur la cité elle-même.
Quand aux espaces rénovés, ils adoptent des moyens et des techniques actuelles sur mesure, pour répondre aux exigences base consommation (BBC). L’architecte mêle réflexion technologique et dimension mémorielle. Par exemple, l’apport de la lumière naturelle par les murs nord des habitations est traité par la mise en œuvre de moucharabiehs, un travail sensible sur la géométrie de la brique qui évite de percer et de dénaturer les murs pleins. Autre mesure, l’isolation par l’intérieur, garantissant la préservation de l’apparence architecturale, de la maçonnerie en brique aux menuiseries en bois, toutes équipées d’un châssis à double vitrage sur les percements d’origine. Un raisonnement écologique qui s’articule avec la politique énergétique développée par le Nord-Pas-de-Calais, une région qui cherche à mettre en pratique les théories de la Troisième Révolution Industrielle, fondée sur le couplage des technologies de l’Internet et des énergies nouvelles, défendues par l’économiste américain Jeremy Rifkin, consultant, aujourd’hui, sur ce territoire.
Réhabilitation et extension de la Cité des Électriciens à Bruay-la-Buissière, 62700, site classé au patrimoine mondial de l’humanité UESCO au titre de « Paysage culturel évolutif », 5ème site remarquable du Bassin Minier du Nord-Pas-de-Calais Programme : Centre d’interprétation de l’habitat et du paysage minier – 4 résidences d’artistes – 4 gîtes – 13 carins : usages variés (exposition, carin frites, chambre, sauna, jeux, poulailler, abri de jardin) – 1 carin mobile Situation : Bruay-la-Buissière sur la route nationale Anatole France, entre ville et terrains agricoles. Maîtrise d’ouvrage : Communauté d’agglomération Béthune-Bray Architecte mandataire : AAPP – Atelier d’Architecture Philippe Prost Equipe de maîtrise d’œuvre : FORR paysagistes / Verdi ingénierie BET TCE + OPC / TechniCity BET HQE / Du & Ma, scénographie / Catherine Mariette, muséographie / Atelier Villar+Vera, graphisme Calendrier : études de février à novembre 2013 / chantier d’octobre 2014 à septembre 2017 / inauguration décembre 2017 Surfaces : site 14 673 m2 / centre d’interprétation – de l’habitat > réhabilitation 500 m2 – du paysage minier > construction neuve 250 m2 / résidences d’artistes 400 m2 / gîtes 340 m2 / carins 200 m2 Estimation prévisionnelle travaux : 9,2 M€ HT Mission : Base + EXE + SYN + OPC + Muséographie Prix : 2014 prix du jury au concours d’architecture Bas Carbone EDF / 2016 1er Prix Architecture Bâtiment tertiaire
Courtesy Philippe Prost / Aitor Ortiz
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