Best of 2017 : Logements

Best of 2017 : Logements

La revue Architectures CREE revient sur les constructions qui ont marqué l’année. Programme par programme, elle a sélectionné pour vous des réalisations qui ont émergé du paysage français, et vous en propose la relecture. Ci-dessous, notre best of 2017 de logements. 

 

80 logements à Cesson, ou la revitalisation d’un centre-bourg par MDNH

En France, les bourgs se vident et paradoxalement dévorent les terres agricoles. D’un côté, les centres métropolitains accaparent les activités économiques et sociales. De l’autre, les pavillons prisés par la classe moyenne colonisent depuis les années 1970 la périphérie des petites villes. Afin de redynamiser l’économie des milieux ruraux et périurbains et d’accompagner la transition écologique des territoires en limitant l’étalement urbain, ont lieu aujourd’hui des opérations de revitalisation et de densification des parcelles en centre-bourg. C’est dans ce contexte que s’inscrivent, à Cesson (77), une commune de 10 000 habitants, 80 logements de taille intermédiaire construits par MDNH Architectes. Des constructions qui convoquent la figure de la maison, en reprenant les toitures à deux pans ; réminiscence d’un passé de bourgade, comme si elles seules pouvaient emporter l’adhésion de tous.

 

 

35 logements à Homécourt (54) : un plaidoyer « ordinaire » de l’atelier Martel

Autre petite commune, de quelques 6 000 habitants, celle d’Homécourt, en Meurthe-et-Moselle. L’activité minière en déclin a laissé place aux traditionnelles zones d’activités : un tissu discontinu qui constitue le plus souvent la dernière frange urbaine avant la forêt ou les exploitations agricoles. Un îlot compact combinant 19 maisons individuelles et 16 appartements en collectif, contraste avec la faible densité des constructions alentours. Pour l’inscrire dans son environnement, les architectes Stéphane Cachat, Marc Chassin et Laurent Noel de l’atelier Martel puisent leur « imaginaire dans des formes connues et familières, archétypes de l’architecture périurbaine », disent-ils : implantation en bande, maisons accolées, jardins privatifs, façades en enduit, toits double pente en zinc. Une « banalité apparente » qui compose avec le déjà là, et faciliterait les mécanismes d’appropriation des habitants.

 

Pari(s) 2072 : Naud & Poux applique sa théorie « durable » boulevard Davout

« Pari(s) 2072 se projette dans un monde où un bâtiment construit en 2012 continuera à rendre de bons et loyaux services en 2072 » introduisent les architectes, Elizabeth Naud et Luc Poux. Ils proposent un travail sur la résilience, prenant le contrepied de l’obsolescence programmée des constructions depuis les années 1950. Alors que pendant des siècles, selon eux, la ville s’est reconstruite sur elle-même par superposition, stratification, adjonction, greffe, empilement, etc, ces constructions auraient manqué de vues prospectives. Dans le cadre d’une requalification territoriale, et plus précisément d’une opération de re-logement, le projet consiste à construire 68 nouveaux logements boulevard Davout (paris 20e), avant de démolir des barres vétustes et énergivores. Epannelage des toitures, plan en Svastika, circulations pénétrantes, réserve foncière en surélévation, évolutivité des logements, pièce en plus : autant de propositions destinées à servir la résilience.

 

Les logements de Berranger Vincent à EuroNantes

Nouvelle silhouette dans la skyline nantaise, une construction de l’agence Berranger Vincent de 53 m de hauteur (limite IGH oblige) s’attache au tissu hétérogène. Courante dans ce contexte déjà pourvu de « tours » des années 70, ses atours modernistes sont revisités par des biais et des matériaux contemporains ; une façon de la rendre plus attractive et moins sévère. Les 69 logements en accession qu’elle abrite sont complétés d’un immeuble de 13 logements sociaux le long de l’avenue et de 5 maisons individuelles groupées en balcon sur le fleuve.Une mixité qui interroge; car limitée par bloc d’habitation quand elle aurait pu être exercée au sein d’un même immeuble. De plus, cette construction entre largement dans le débat sur la tour européenne contemporaine, une typologie mise à mal par les échecs supposés ou réels des constructions léguées par le mouvement moderne.

 

Soler et Ricciotti : le nouveau Haussmannien ?

Bien que le 16e arrondissement n’en est pas à son premier essai dans l’exercice de son sport favori antisocial, le bailleur social Paris Habitat et les architectes Soler et Ricciotti dresse les deux premiers immeubles de logements sociaux d’un îlot de quatre bâtiments. Les architectes proposent une volumétrie qu’ils disent inspirée de l’esthétique et du « bon sens » haussmannien, reprenant « des gabarits haussmanniens avec des matériaux contemporains », précise l’architecte, qui va jusqu’à se poser en avant-gardiste. Un haussmannien qui prend quelques libertés vis-à-vis de son modèle en s’affranchissant notamment de l’alignement, de la continuité sur rue et de la hauteur.

 

La rédaction d’Architectures CREE

 

Rudy, Frank, Rem, Santiago et les autres : paroles d’architectes – la revue de presse du 30 octobre 2017

Rudy, Frank, Rem, Santiago et les autres : paroles d’architectes – la revue de presse du 30 octobre 2017

Rudy Ricciotti proteste et s’insurge à Marseille – L’épée de verre de l’Académicien Wilmotte – Gehry et Bilbao – Mai 68 et Calatrava – Koolhaas n’est pas une bête – Y a-t-il un Harvey Weinstein dans l’architecture ? – On aime ou on quitte Abraxas – Cimetières durables sous la lune.

 

Pugnace

À Marseille, Vinci s’apprête à construire un immeuble de huit étages sur le site d’une ancienne corderie, qui est aussi, a-t-on découvert lors du démarrage du chantier, la carrière ouverte il y a 2600 ans par les grecs pour les besoins de l’édification de Massilia. La Ville, qui en a la possibilité, n’entend pas annuler le permis de l’opération, la ministre de la Culture n’arrêtera pas les travaux malgré les protestations des archéologues et historiens. Les architectes, eux, se taisent, sauf Rudy Ricciotti, qui est bien décidé à donner de la voix et dénonce ce silence gêné de confrères plus prompts à protéger leurs commandes que le patrimoine commun. « Mes confrères ont choisi la distance silencieuse et la retenue dévote, disons-le ! Derrière cette caponnerie, il y a pour notre métier une dette de vertu. Je veux dénoncer ici cette paresse car nous ne devons pas oublier que l’architecte est non seulement citoyen mais acteur de sa cité. L’architecte est confronté à son rôle moral et éthique. Son rôle esthétique est moteur érotique au titre du plaisir de la ville. Dans le cas marseillais, avec ce grand silence sur l’opération de la Corderie, on atteint le niveau maximal de la honte et le degré zéro du courage ». Où est l’héroïsme méditerranéen ? s’interroge Rudy, écornant au passage la classe politique phocéenne « C’est le côté arabo-coréen de Marseille avec sa centralisation du pouvoir, ses chapes de plomb. La ville tient des dictatures du nationalisme arabe et de la culture du pouvoir d’un Kim Jong-Hun hilare qui considère quiconque émet une objection comme ennemi mortel à abattre ». Saluant la solidarité des maçons de la CGT Vinci, qui se sont mis en grève pour préserver le site, Ricciotti n’oublie pas d’être constructif : « il n’y a pas à être pour ou contre, mais avec les vestiges », militant pour une solution sur pilotis qui intégrerait la carrière dans les strates de l’urbanisme marseillais. Un petit soutien des confrères pour cette alternative ?

Via La Marseillaise 

 

Ému

En uniforme, il brandit son épée. Mais peu de chance qu’il s’apprête, tel Roland à Ronceveau, à prêter main-forte à Rudy Ricciotti pour défendre les carrières grecques antiques. L’arme, en verre de Murano, est le sceptre qu’arbore Jean-Michel Wilmotte pour son entrée à l’Académie des Beaux-Arts, au fauteuil de feu Michel Folliasson, architecte urbaniste de Cergy-Pontoise. Devant un parterre trié sur le volet – le Figaro mentionne Maryvonne Pinault, femme de François, Patrick Ollier, maire de Rueil, ou François Fabius, pourtant mort en 2006 – l’architecte s’est montré « tellement ému qu’il s’est emmêlé dans ses feuilles et a sauté un paragraphe ». Stéphane Berne, homme de patrimoine, lui a remis son épée dans la chapelle des Beaux-Arts. « Votre côté James Bond ne m’a pas échappé. Vous aimez le cinéma d’architecture et j’espère que le cinéma prendra un jour vos bâtiments comme décors de leurs prochains films » s’est amusé à rappeler Hughes Gall, ancien directeur de l’Opéra de Paris dans un discours introductif de ce « touche à tout qui agace ». Touche à tout, soit, mais si le cinéma pouvait rester ce sanctuaire préservé des oeuvres de Jean-Michel Wilmotte…

Via Le Figaro 

 

Hésitant

« Il m’arriva de penser à déménager à Bilbao, tant tout s’y déroula très bien pour moi », confie Frank Gehry. À l’occasion du 20e anniversaire du musée ressurgissent les souvenirs : « nous travaillions dans un climat de quasi guerre urbaine. Le chômage atteignait les 35%, il y avait du terrorisme et une grande peur. Le projet était impopulaire, et personne ne comprenait le besoin qu’il y avait de ce mettre dans un tel pétrin pendant une crise économique aussi noire », se rappelle César Caicoya, architecte espagnol qui a suivi le projet du Guggenheim de Bilbao, échangeant 18 000 fax avec Gehry. Le succès était loin d’être garanti : « le moral de Gehry fut un sujet délicat pendant le chantier, même si le Pritzker assure qu’il « n’y eut pas de problème durant les travaux. J’étais sûr de pouvoir me fier aux Basques, ce sont des gens de parole ». Caicoya rappelle « si le Guggenheim n’avait pas été réussi, les carrière de tout ceux qui y travaillaient auraient été très touchées. Mais celle de Frank se serait probablement arrêtée net. Mais qui ne joue pas, ne gagne pas ». Le pari a été gagné. Et Frank est finalement resté Californien.

Via El Mundo 

 

Empêché

Interviewé par le quotidien italien La Repubblica, Santiago Calatrava se souvient lui aussi de l’Espagne et de la France, où il aurait pu étudier. « Je me souviens qu’en juin 1968, j’arrivais à Paris avec l’intention d’étudier à l’Ecole des Beaux-Arts. Les évènements de mai se prolongeaient, avec leur grande contestation étudiante, empêchant mon inscription dans cette école. Je suis resté à Paris jusqu’à la fin septembre avant de rentrer à Valence. Où j’ai étudié l’architecture ». La face du monde aurait-elle été changée si Calatrava était demeuré parisien au lieu de partir étudier à Zurich ? Un nouvelle pièce à verser au dossier d’inventaire des évènements de mai…

Via La Repubblica 

 

 

Caché

« L’architecture a-t-elle un Harvey Weinstein caché dans ses rangs ? », interroge la journaliste Anna Winston dans un article sur le harcèlement sexuel en agence. La réponse n’est pas une surprise : il n’y a pas un mais une multitude. « Pour l’écriture de cet article, j’ai parlé à de nombreuses personnes qui ont partagé leurs expériences d’abus, d’agression, harcèlement, discrimination, prédateurs, manipulation et plus. Certaines ont donné des exemples très précis et des noms. On y retrouve certains des architectes les plus célèbres du monde, aussi bien que les étoiles montantes d’agences établies, les figures des écoles, les collègues ou les amis. Le problème touche toutes les pratiques à tous les niveaux ». Comme à Hollywood, à une échelle moindre, la construction de la profession sur des figures charismatiques et une longue tradition machiste explique la situation. Quel que soit l’endroit où se terre aujourd’hui le Harvey Weinstein de l’architecture, il est couvert par un plus large problème que le débat sans fin sur la place des femmes et les prix d’architecture féminine n’ont pas su résoudre, explique Winston, celui d’une discrimination structurelle persistante dans une profession qui se féminise.

Via Dezeen 

 

Pascalien

« Je suis claustrophobe, et bien souvent l’architecture aggrave ma claustrophobie parce qu’elle impose des scénarios contraignants, exclut des évolutions ultérieures, des usages nouveaux : plus rien d’autre n’est possible, en somme, que ce qu’on décide de bâtir ». C’est Rem Koolhaas qui parle, expliquant dans les colonnes du Point comment ce sentiment et d’autres influencent l’architecture d’OMA. « À Saclay, nous avons été attentifs aux flux des étudiants, nous avons réfléchi aux circulations à venir, ouvert des perspectives et conçu en effet un campus comme intégré dans la ville : tout reste possible, tout reste ouvert ». L’architecte souffre également de phonophobie « Vous avez remarqué ce silence, dans l’open space de l’agence ? C’était tellement plus bruyant il y a quelques années… La génération actuelle est silencieuse, en communication exclusive avec ses écrans. Et ce silence, je le trouve dangereux ». On se rappelle Pascal : « le silence des espaces infinis m’effraie », disait  le philosophe. Faites du bruit pour Rem, qui sort un livre, une exposition sur la campagne au Guggenheim (2019) et un pont à Bordeaux, entre autres…

« Je ne suis pas une bête d’architecture » entretien de Rem Koolhaas avec Violaine de Montclos, Le Point, n°2355, 26 octobre 2017

 

Mordante

Conçus dans une période d’euphorie, les espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand sont devenu un objet étrange, que ses habitants ont du apprivoiser. « Avec ces 610 logements répartis en trois zones, le Palacio et ses HLM tarabiscotés, le Théâtre, une propriété privée en forme d’hémicycle et l’Arche qui trône au milieu. Ces façades monumentales, de style néoclassique, enserre une place ovale. Résultat : la cité vit un peu repliée sur elle-même. « Mais d’un autre côté tout le monde se connaît à force de se croiser, sourit Sabah Hamida, à la tête de l’association les Abraxas. Et comme c’est assez protégé, les enfants peuvent jouer à l’extérieur sans problème. » Habitante depuis vingt-sept ans, elle a fini par s’habituer à l’univers un peu compliqué du Palacio où certains des ascenseurs ne montent les étages que trois par trois et où des deux pièces… sont en duplex » détaille Le Parisien, lancé dans un citétour du Grand Paris. L’ancien maire Michel Pajon voulait détruire le complexe, qui a dû en partie sa renaissance au film Hunger Games. « Durant vingt ans, il n’y a eu aucune animation ici mais le film a soudé tout le monde dans la fierté », lâche Christiane. En 2014, « Hunger Games » a ainsi braqué les projecteurs sur le Palacio. « Des touristes ont commencé à venir par la suite, c’était incroyable, s’enthousiasme Sabah. Quelle cité du 93 est visitée comme un monument à part la nôtre ? ». Christiane ne laisserai pour rien au monde son logement à la vue unique. D’ailleurs, le Palacio, « tu l’aimes ou tu le quittes » disent les habitants. 30 ans après, Ricardo Bofill a été invité à construire un nouvel ensemble de 600 logements à Noisy-le-Grand. Les producteurs de film doivent être impatients de découvrir les nouveaux décors d’Abraxas II, le retour.

Via Le Parisien 

 

Éternellement durable

C’est un manuel attendu que vient de publier le centre technique national sur les espaces verts et la nature en ville, au terme de deux années d’études : le recueil sur la réhabilitation écologique et paysagère des cimetières. Pour l’écrire, les auteurs ont scruté plus de 250 cimetières de toutes tailles à la loupe. Leur prescriptions sont valables pour les cimetières de l’hexagone, qui présentent deux fois la superficie de Paris – a vrai dire, cela paraît peu – 40 000 enceintes présentant une grande diversité patrimoniale. Le guide propose également 10 fiches illustrées pour une réhabilitation écologique et paysagère des cimetières. « Elles comportent des conseils, des témoignages, des exemples d’initiatives intéressantes pour puiser l’inspiration et orienter son action. Thèmes traités : les moyens humains et financiers pour aller vers le « zéro pesticide », comment drainer les sols humides sous terre et diminuer les pollutions, comment favoriser les concessions écologiques et paysagères, entretenir des allées minérales sans pesticides, enherber des allées, favoriser l’accessibilité, préserver les arbres existants et en planter de nouveaux, , comment gérer les végétaux, communiquer sur les pratiques « zéro pesticide » ou repenser l’ensemble du paysage du cimetière ». Que d’efforts pour rendre durable un séjour que l’on ne souhaiterait que temporaire !

Via La Caisse de dépôts et territoires 

 

Olivier Namias

Stadium de Vitrolles : plaisir sous condition

Stadium de Vitrolles : plaisir sous condition

« Le Stadium : un cube anthracite, d’un gris fatigué, qui surgit au détour de la voie rapide. Celle-ci relie la zone industrielle de Vitrolles, saturée d’enseignes lumineuses, à la future technopole du plateau d’Arbois. Entre les deux, un no man’s land paysager : un site archéologique de l’ère industrielle, une ancienne décharge publique. C’est ici que la ville de Vitrolles a décidé en 1989 d’implanter sa future salle de spectacle et a confié sa réalisation à Rudy Ricciotti architecte  » local ». Les ouvriers à l’œuvre sur le chantier l’ont rapidement appelée « la Kaaba ». Elle suscite en s’approchant le même mélange de curiosité et de méfiance que l’objet incongru tombé du ciel dans le film « 2001 l’odyssée de l’espace. (…) Le programme traite du lieu comme exutoire des violences et des tensions du monde contemporain. Ricciotti en fait une boite noire, à l’instar de celle tombée des avions (qui détient la Vérité en cas d’accident) ou de ces trous noirs qui intriguent tant les physiciens. Par la brutalité du traitement, il met en scène des pulsions archaïques. En réponse au désarroi d’une société qui ne sait plus quel projet proposer à sa jeunesse, surtout lorsqu’elle est basanée, si ce n’est leur accorder une zone de défoulement en lieu et place d’une ancienne décharge d’ordures, le bâtiment parle de cette source de vie inépuisable qu’est l’Énergie – le terme est à comprendre sous toutes ses acceptations (métaphysique, biologique, économique, etc). La force du geste se situe à la mesure de l’enjeu, le devenir d’une société. » introduit Architectures CREE dans son numéro 264, daté de mars 1995. Vingt ans après, le « temple du rock marseillais », toujours posé sur la terre rouge de l’ancienne carrière de bauxite, est dans un bien triste état.

 

CREE 264, mars 1995, Equipements culturels

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Téléchargez la version PDF : architectures-cree-n264-1995-le-stadium-de-vitrolles-rudy-ricciotti

 

 

Pour poursuivre : Stadium de Vitrolles : bientôt 20 ans… d’abandon !

 

 

Stadium de Vitrolles : bientôt 20 ans… d’abandon !

Oublié dans un recoin de l’aire métropolitaine marseillaise, le Stadium, bâtiment phare des années 90 conçu par Rudy Ricciotti, se désagrège aussi lentement qu’inexorablement depuis près de deux décennies, victime des errances et des atermoiements du personnel politique. Un cas d’étude qu’il est bon de revoir en cette veille d’élection, dans l’attente d’un sauvetage toujours repoussé…

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Sans ses murs de béton, matériau fétiche de son concepteur Rudy Ricciotti, le Stadium de Vitrolles aurait sans doute déjà disparu du paysage. Des riverains assurent qu’il aurait été détruit, vidé et dépecé par les Rroms (1). Las, un peu à l’écart de la route départementale, dissimulé derrière des buttes et un rideau d’arbres, le Stadium se dresse toujours sur son site, une ancienne décharge de bauxite, et son triste état doit bien plus au vandalisme passif de la gouvernance qu’à l’action de gens du voyage ou de migrants nomades.

Une architecture honnie par le FN

Enzo Rosada, jeune architecte engagé depuis des années pour la sauvegarde de cette architecture à la dérive a retracé l’histoire mouvementée du bâtiment depuis l’attribution en 1990 du marché de conception-construction à Rudy Ricciotti et l’entreprise THEG Fougerolle. A l’origine du projet, on trouve le maire socialiste de l’époque, Jean-Jacques Anglade, qui veut doter sa commune d’une salle multifonctions de 5 000 places pouvant accueillir des manifestations sportives, concerts et événements culturels. L’équipement est inauguré en 1994, mais Anglade, attaqué sur son bilan et sa gestion opaque des affaires communales, doit céder finalement sa place en 1997 à Catherine Mégret, faux nez de son mari Bruno, alors cadre en vue au FN, mais frappé d’inéligibilité pour avoir dépassé le montant autorisé de frais de campagne. Une fois aux affaires, les Mégret rebaptisent les rues – l’avenue Jean-Marie Tjibaou prend le nom d’un cadre du FN disparu dans un accident de voiture – et ferment plusieurs lieux culturels : la salle d’art et d’essai « Les Lumières », et le Sous-marin, association de jeunesse du centre-ville qui verra son entrée murée par les services de la mairie. Durant la campagne, les mégretistes avaient pris le bâtiment pour cible, comparant finement le bloc de béton à la Kaaba de La Mecque, « un lieu destiné aux Arabes et aux pédés »(2). Les confrères n’étaient pas forcément plus tendres : Roland Castro taxa le Stadium d’œuvre architecturale fasciste qu’il accusa d’avoir fabriqué Mégret, se souviendra Ricciotti.

Fermeture et abandon

En 1998, porté par ses ambitions nationales, Mégret programme un concert de rock identitaire au Stadium. La Fnac refuse de vendre les billets. Le groupe électrogène du Stadium est dynamité par des opposants au FN cherchant à empêcher le déroulement du concert, qui se tient finalement sur le parking et fait un flop. Ces troubles surviennent à la fin de la délégation de service public (DSP) liant la société à la mairie. Une occasion en or pour les édiles d’extrême droite, qui ont la main sur la culture et profitent du terme du contrat pour ne pas renouveler la DSP. Le 29 octobre 1998, le Stadium est fermé au public, après 4 années seulement d’activité. Perçu comme excentré, en concurrence avec d’autres salles de jauge légèrement supérieure, le lieu n’est pas entretenu par la communauté des Pays d’Aix, qui limite ses interventions à quelques tontes du terrain pour prévenir les incendies.

Abandonné, le bâtiment est vandalisé. Son parking sert de salon de l’automobile d’occasion ou de terrain de manœuvre pour les élèves des auto-écoles voisines. Lorsque Marseille devient capitale de la culture, le nouveau maire socialiste Loïc Gachon propose d’y recevoir des évènements. Malgré la proximité avec l’aéroport, le lieu ne retient pas l’attention des organisateurs de Marseille 2013. En 2014, la maire d’Aix en Provence envisage d’y implanter le musée de la ville, qui doit quitter l’hôtel particulier qu’il occupait dans le centre ville. Loïc Gachon revient avec un nouveau projet de parc ludique. Par une étrange convergence de point de vue, un membre du Front de Gauche et un représentant de l’UMP veulent lui rendre sa vocation première de salle de spectacle. Dans cette valse de propositions, qui comprend aussi la transformation du lieu en pôle d’entreprise ou en SMAC (salle des musiques actuelles, d’une capacité moindre), la palme de l’idée la plus mystérieuse revient à un candidat FN, Marcel Ydé, qui veut présenter à la population… un projet secret qu’il ne dévoilera jamais, relate Enzo Rosada dans son mémoire de diplôme.

Fantaisie programmatique

En 2015, la municipalité demande au cabinet d’audit PricewaterhouseCoopers (PwC) d’imaginer un nouveau programme orienté vers les activités ludiques. « Ce qui apparaît clairement, c’est que ce site est très attractif, ne serait-ce que par sa situation géographique dans le département, son positionnement central dans la Métropole, et sa proximité avec les accès aux transports comme l’aéroport et la gare. Il a en revanche beaucoup vieilli, s’est détérioré, a été dégradé fréquemment », souligne Fabien Goffi, associé en charge du secteur public chez Price Waterhouse Cooper. Si le cabinet n’a laissé jusque-là filtrer aucun chiffre concernant le coût d’éventuels travaux, il a indiqué que ceux-ci se chiffreraient « évidemment en millions d’euros ». Entre-temps la communauté d’agglomération a repassé le bâtiment à la ville, et se fait construire à quelques kilomètres de là une Aréna, un Stadium bis réalisé pour la modique somme de 54 millions d’euros TTC. La question d’un repreneur est de nouveau posée alors que les dégradations continuent « lors des premières présentations du site, certains professionnels, étrangers notamment, avaient été séduits par l’écrin, à savoir le Plateau, qui sert de socle au Stadium. Il a, depuis, été dévasté par l’incendie du 10 août, et mettra des années à retrouver son lustre. “On ne peut pas aller jusqu’à dire que ça a refroidi des investisseurs, même si la photo n’est plus la même, évidemment”», précise-t-PwC dans les colonnes de La Provence(3).

Un cas unique ?

La poisse plane sur le bâtiment, chef-d’œuvre architectural pour certains, mais pas pour tous. “Au niveau local, les élus de gauche, de droite, les écolos… Même les cultureux étaient d’accord pour détester cet endroit” déclarait Ricciotti dans les colonnes du journal Mouvement en avril 2015 (4). On pensera ce que l’on veut de l’architecture du Stadium. Reste qu’il forme un symbole parfait du peu d’intérêt que le personnel politique porte à l’architecture, et du peu de cas qu’il fait des deniers publics qu’on y consacre. À la veille d’élections nationales qui s’annoncent encore chaotiques, les nouveaux Stadium sont sûrement dans les cartons, s’ils ne sont pas déjà en chantier.

Olivier Namias

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Au-delà de son mémoire, Enzo Rosada milite pour le sauvetage du Stadium à travers le site “La renaissance du Stadium”, http://stadiumdevitrolles.com. Le bâtiment n’a pas reçu le Label architecture du XXe architecture en raison de l’opposition du maire, qui craint que cette distinction empêche la future transformation du lieu.

Les photos illustrant l’articles sont de Lisa Ricciotti

 

(1)(4) Emmanuelle Tonnerre, “enquête à Vitrolles”, Mouvement, n° 77, avril 2015. repris dans Méfi, le stadium de Vitrolles, cf infra.

(2) Sauf mention contraire, la reconstitution des faits s’appuie sur la publication d’Enzo Rosada, Méfi, le Stadium de Vitrolles, École Nationale d’Architecture de Marseille, 2016. Mémoire rapport de fin d’études (licence) a été dirigé par Jean-Baptiste Hemery et Olivier Golcer, qui fut chef de projet sur le Stadium.

(3) Lionel Modrzyk “Vitrolles : bientôt les grandes manœuvres pour le Stadium ?”, La Provence, édition Vitrolles-Marignane, jeudi 5 janvier 2017

Soler et Ricciotti : le nouveau Haussmannien ?

Logements sociaux, Porte d’Auteuil, Paris 16e

 

Première phase de l’opération réalisée pour le compte d’OPH-Paris Habitat, les logements sociaux de Soler et Ricciotti décontenancent les riverains de la Porte d’Auteuil (Paris 16e).

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Entre les boulevards Suchet et Montmorency, le bailleur social Paris Habitat a fait en 2006 l’acquisition d’un terrain avec l’intention d’y développer un programme de logements sociaux. Trois ans après, les riverains entament un recours à l’encontre des permis de construire, arguant « les troubles engendrés par les travaux et le risque de voir leur propre bien déprécié », selon le quotidien 20 minutes. Le permis de construire sera annulé à plusieurs reprises, mais la cour administrative de Paris rejettera les requêtes et le chantier démarrera en 2014. Les six années de bataille juridique n’auront pas entravé l’architecture des bâtiments ni la composition des façades qui restent inchangées depuis l’obtention du permis de construire. Le 16e arrondissement n’en est pas à son premier essai dans l’exercice de son sport favori antisocial, au vu des polémiques qui ont animé la construction du centre d’hébergement d’urgence de moon et air architectures et les logements sociaux de Projectiles*. Et ce bien que ce « ghetto de riche » compte actuellement moins de 5 % de logements sociaux, quand la loi fait obligation d’en avoir 25 %.

 

ZAC versus Nouveau Haussmannien

logements-sociaux_soler-ricciotti_auteuil_paris-16Le plan masse des quatre bâtiments dressés dans un parc et l’écriture compacte de l’opération globale ont été ordonnancé à huit mains dès le concours. L’équipe de maîtrise d’œuvre – composée de Francis Soler, Rudy Ricciotti, Finn Geipel sous la coordination d’Anne Demians – prône une réflexion d’ensemble par opposition au ZAC qu’ils condamnent à juste titre. « Je ne m’intéresse plus aux zones d’habitat sans dispositif général, comprenant juste des gabarits. Je ne veux plus participer à cela » avance Francis Soler, bien que la différence n’apparaisse pas toujours. Les architectes proposent une volumétrie qu’ils disent inspirée de l’esthétique et du « bon sens » haussmannien, reprenant « des gabarits haussmanniens avec des matériaux contemporains », précise l’architecte, qui va jusqu’à se poser en avant-gardiste. Un haussmannien qui prend quelques libertés vis-à-vis de son modèle en s’affranchissant notamment de l’alignement, de la continuité sur rue et de la hauteur. Soler questionne l’hétérogénéité : « je m’interroge sur le quartier de la Seine Rive gauche (dans lequel il a construit ndlr) et sur la sacralisation des écritures. Je pense que les règles dans la perception de la ville sont apaisantes », nous dit-il.

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Soler et Ricciotti, même écriture ?

Afin de réduire les différences entre les architectures et logements-sociaux_soler-ricciotti_auteuil_paris-16d’éviter l’écueil de l’individualité, les architectes ont eu pour méthode originale de mutualiser leurs prises de décisions via une centrale d’achat, sorte de matériauthèque comprenant une gamme d’éléments assemblables. Volumétries, vêtures, vérandas, volets et garde-corps s’harmonisent dans une tonalité grise RAL 9007. Baie à galandage et système en accordéon sans seuil sont inscrit à ce catalogue qui n’est pas chiche sur les prestations. Par ce travail, l’équipe de maîtrise d’œuvre mène aussi une réflexion sur la façon de faire cohabiter, sur une même parcelle, logements sociaux et en accession, sans différence de prestation constructive les distinguant les uns des autres. Une drôle de mixité par bloc – des logements sociaux au nord de la parcelle et des logements en accession au sud, actuellement en chantier – et non pas par immeuble malgré les 4 cages d’escaliers.

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Du social au privé, du rez-de-chaussée à l’attique

Repartis sur les deux bâtiments de dix niveaux, les 176 logements de Soler et Ricciotti, allant de 33 à 98 m2 sont ceinturés de minces vérandas. Juste reprise du balcon parisien, leur étroitesse est justifiée par « la perception et l’impression physique d’agrandissement de l’espace disponible pour habiter », à défaut d’être une pièce en plus. Pour des raisons de transformabilité, les architectes évoquent un « plan libre », mais l’on retrouve les sacro-saints murs de refend propres aux opérations de logements, qui ne s’affirment pas aussi mutable**. Seul le dernier niveau de chaque bâtiment, en attique, diffère. Il est occupé par de trop modestes T3 compensés par de grandioses terrasses avec vue époustouflante sur la Tour Eiffel, La Défense, l’hippodrome, les penthouse avoisinants et le stade Jean Bouin de Rudy Ricciotti (toujours lui). En juillet 2017, l’opération sera complétée par deux autres immeubles en accession, d’Anne Demians et Finn Geipel, pour le compte de COGEDIM, aux tarifs bien plus élevés. La différence entre l’opération sociale et le privé se nicherait-elle dans le parquet ?

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*Voir Projectiles, Le Cri de la Muette, un projet de muraille parquant le 16e arrondissement chez lui, rempart ironique contre la mixité sociale

**L’agence Francis Soler précise : « Il n’y a pas de murs transversaux. Le bâtiment est porté en façade et par les noyaux centraux ce qui libère le plan », avant d’ajouter « les appartements sont séparés par des cloisons, des murs sont en composites légers et démontables tout en respectant les normes d’acoustique. » Ci-dessous, le plan fourni par l’agence

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Amélie Luquain

 

Fiche technique : Logements Gare d’Auteuil / Francis Soler (bat A) / Rudy Ricciotti (bat C), dans le cadre d’une opération globale de quatre bâtiments, avec Anne Demians (bat B) et Finn Geipel (bat D) comprenant 354 logements, avec crèches, jardins et parcs de stationnement. Lieu : Place de la Porte d’Auteuil, Paris 16Maîtrise d’ouvrage : Paris Habitat BET : VP GREEN structures façades / ALTO INGENIERIE fluides / JEAN PAUL LAMOUREUX acoustique / URBATEC – VRD / CASSO & ASSOCIES – SSI / PARICA économiste / LOUIS BENECH paysage Performance énergétique : Plan Climat Énergie de Paris / Cerqual / Certification THPE / RT 2005 -60% Programme98 logements (bat A) + 79 logements et une crèche (bat C). 3 niveaux de parking en sous sol, 273 places au total Surfaces : 7343 m2 SHON (bat A) et 7 704 m2 SHON dont 696 m2 de crèche (bat C) Surface jardins privés : 2500 m2 Calendrier : Concours 2008 / PC obtention juin 2009 / PCM2 septembre 2011 / PCM3 juin 2013 / livraison octobre 2016 Montant global des travaux, budget actualisé 2009 : 15 M€ HT (bat A) et 17 M€ HT (bat C)

 

Courtesy Francis Soler architecte – Rudy Ricciotti / Jean-Pierre Porcher

 

Chantier du Bordeaux Métropole Arena, signé Rudy Ricciotti

Le projet du Bordeaux Métropole Arena, une grande salle de spectacle imaginée par l’architecte français Rudy Ricciotti, auteur du MUCEM à Marseille et lauréat du Grand Prix national de l’architecture en 2006, vient d’entrer en construction. Il doit être livré en 2018.

©Bordeaux Metropole
© Bordeaux Metropole

La première pierre de l’Arena a été posée le 11 avril, en présence d’Alain Juppé, président de Bordeaux Métropole. Située dans la ZAC des Quais, à Floirac, l’Arena fera face au futur pont Jean-Jacques Bosc, conçu par l’agence OMA Rem Koolhaas et Clément Blanchet architectes au-dessus de la Garonne, pour relier Bordeaux et Floirac, en offrant un large espace aux piétons (livraison prévue en 2020).

VUE DEPUIS COULEE VERTE©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Vue du projet depuis la coulée verte © Lagardere

Le projet de Rudy Ricciotti se présente comme une enveloppe en béton blanc, régulièrement perforée de baies, mises en lumière par un système de LED rappelant un égaliseur numérique. L’espace, modulable et mutifonctionnel, accueillera une centaine d’événements par an (concerts, spectacles, évènements d’entreprise, évènements sportifs…). Les jauges pourront varier de 2500 à 11000 places. Les salons offriront une vue imprenable sur la Garonne. L’ouverture de l’Arena est prévue pour début 2018.

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Alain Juppé devant la maquette du projet ©Bordeaux Metropole
©Bordeaux Metropole
©Bordeaux Metropole
©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Bordeaux Métropole Arena © Lagardere Unlimited
NUIT ©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Le projet, de nuit ©Lagardere Unlimited
PARVIS AVENUE ALFONSEA©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Parvis, avenue Alfonsea ©Lagardere Unlimited
SALLE SPECTACLE©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Salle de spectacle ©Lagardere Unlimited
SALLE SPORT©Lagardere Unlimited - Agence Rudy Ricciotti
Salle de sport ©Lagardere Unlimited


Architecte du groupement de conception-construction :  Agence Rudy Ricciotti
Mandataire du groupement de conception-construction : Bouygues Bâtiment Centre Sud-Ouest
Exploitant : Lagardère Live Entertainment

Astrid Avédissian