L’Odyssée fantôme : paysages de demain

L’Odyssée fantôme : Paysages de demain est une exposition du collectif Sauvage Garage qui était présentée du 15 au 26 septembre à Bordeaux, dans le cadre de la biennale Agora.

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« Le Commandant du vaisseau P4Y54G35 souhaite la bienvenue aux visiteurs qui nous rejoignent. Mon équipage et moi-même sommes partis vers des espaces futurs afin de mieux comprendre la façon dont l’homme va agir, où il va trouver refuge et comment il va faire évoluer son habitat face à de nouvelles contraintes. » Commence ainsi l’odyssée fantôme, autour d’une fable rédigée par Pascal Vion et éditée par Anne Lecomte dont la vision futuriste remet en question le lien entre l’homme et la ville. « Les bâtiments se meuvent continuellement (…) Une vie indépendante de celles des hommes qui les occupent (…) Les constructions se jouent des habitants (…) L’hypnotisme architectural les contraint à rester (…) Inconsciemment, nous devenons pantins au milieu de ces décors gigantesques et minimalistes » poursuit la fiction, qui imagine un monde dystopique à mi-chemin entre le rêve (ou le cauchemar) et la réalité, où l’architecture est le personnage principal.

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Face à la problématique de la surdensité et de l’expansion des villes, serait engendré une amplification du phénomène d’expropriation. A la fois protestation et témoignage d’une vie antérieure, la petite maison colorée tente de résister à l’expansion d’une ville grise et froide (c) Julien Renard

Ainsi, parti en exploration dans le futur, l’équipage livre ses impressions au fur et à mesure de ses découvertes, proposant un retour en images plongeant le visiteur dans le fantasme des paysages de demain. L’installation prend place dans un espace orthogonal, la Halle des Chartrons à Bordeaux. Disposées selon un plan cartographique inspiré d’un système planétaire, 12 bornes « fantômes » relatent les expériences de chacun des équipiers. Elles utilisent une technologie « fantasmatique », un procédé photographique capturant le mouvement des paysages entrevus. Concrètement, il s’agit de boîtes noires dans lesquelles est agencé un décor tridimensionnel, des effets lumineux et des hologrammes. Un diorama contemporain, en somme, artifice réaliste fabricateur d’illusion, que les commissaires de l’exposition «Dioramas» qui vient de s’achever au palais de Tokyo (Paris) définissent ainsi : « il se caractérise par la mise en scène d’une situation et de son environnement d’origine (…) Il est une reconstitution artificielle d’un lieu ou d’une temporalité qui a existé ou aurait pu exister ». Une définition à laquelle pourrait se rajouter le verbe « exister » accordé au futur.

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Le dispositif met en scène un environnement naturel. Au fur et à mesure que le spectateur découvre cette scène, des données numériques s’accumulent pour le renseigner, le compléter ou l’effacer. Goggle map, la géolocalisation, Instagram et autres applications intelligentes multiplient et complexifient les données du territoire. (c) Ava Roghanian et Bertrand Courtot

L’installation invite le visiteur à se promener dans les décors urbains, sauvages, oniriques de notre futur quotidien. Des paysages hypothétiques nés des grandes réflexions actuelles, comme le changement climatique, l’avancée des sciences en terme d’intelligence artificielle ou de de nanotechnologie ou encore l’expansion croissante des villes et la surdensité. Une exposition qui, dès les premiers regards, émeut par sa plasticité, et à bien y regarder, interroge les bouleversements du XXIe siècle.

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Cet environnement s’anime autour de l’idée que des hommes ont choisi de donner un autre sens à leur vie pour nous sauver de notre propre destruction. Certains sont allés s’isoler en pleine nature et ont sacrifié leur vie charnelle. Ces sortes de « moines », par le biais de la méditation, sont devenus des gardiens s’efforçant de nous protéger de nous-mêmes. (c) Sophie Tricoire

 

Amélie Luquain

Tous visuels courtesy du collectif Sauvage garage